Le poison du doute

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Vendredi 8 mai 2015

Je me suis réveillée dans ses bras ce matin. Je n'ai pas fait de cauchemar.

Après le baiser que nous avons partagé, hier soir, la soirée à été en tous points parfaite.

Le dîner a mis mes papilles en ébullition, le vin m'a un peu fait tourner la tête. La contemplation des étoiles, blottie dans ses bras, m'a fait croire que j'étais au paradis. C'était une soirée parfaite, toute en douceur, à la recherche du plaisir. Je crois que c'était son but, me faire découvrir les plaisirs de la vie, le plaisir de la nourriture, du vin, de la contemplation des étoiles, des câlins. Et le plaisir d'un baiser partagé.

Comment le dire ? Ce baiser, tendre, authentique, sincère, m'a littéralement transportée.

Ses lèvres sur les miennes, son souffle chaud, ses mains câlines sans être invasives, sa langue caressant la mienne, sans insistance, avec la plus grande douceur, avec retenue même, c'était un tout qui a fait de cet échange un moment de pur bonheur, de magie.

Je n'aurais jamais imaginé que l'on puisse ressentir tant d'émotions, de sensations, dans un baiser. J'ignorais tout de ce qu'est un baiser, à vrai dire. Il me l'a fait découvrir. Et mes convictions s'effritent, les unes après les autres. Il avait raison et j'avais tort. Je peux encore découvrir ce qu'est le plaisir. Je peux l'expérimenter, avec lui. Peut-on reconstruire sur les décombres ?

J'ai ressenti ce que je crois pouvoir identifier désormais comme du plaisir. Ses mains sur moi, les frissons parcourant mon corps et cette sensation étrange, cette impression qu'une nuée de papillons qui, dans un bruissement d'ailes, provoquait cette vibration qui se répandait en moi, comme une chaleur investissant mon ventre, mes cuisses et mon sexe. Pour la toute première fois de ma vie, j'ai entraperçu le plaisir charnel, tel que Greg a pu me le décrire et me le promettre.

Ce matin, en me réveillant dans ses bras, dans mon lit où nous nous sommes sagement endormis, je brûle d'une flamme nouvelle, d'un espoir indicible, qui m'effraie et me transcende à la fois. Quelque chose qui pourrait ressembler au bonheur.

Et plus que tout, tandis que je le regarde dormir, cette bouffée d'amour intense qui m'envahit, nouant mon estomac, retournant mes tripes en tout sens, aussitôt associée à la peur grandissante de le perdre, de le voir s'éloigner de moi. Je ne peux pas me passer de lui... Cette pensée s'insinue, comme un poison, lent, implacable, sans antidote. Est-ce que c'est ce que l'on ressent lorsque l'on aime quelqu'un d'amour ?

Il s'étire paresseusement, ouvre lentement les yeux et sourit en me voyant l'observer.

— Le spectacle vous convient-il, Mademoiselle Maury ?

— Tout à fait, Monsieur Delcourt. Ç'est divin.

Nous éclatons d'un même rire et puis son regard se fait intense. Il enroule ses bras autour de moi, m'attire contre lui, et dépose un baiser sur mes lèvres. Je le laisse faire, toujours un peu sur mes gardes, craignant qu'il ne demande plus. Mais il ne le fait pas.

— J'ai du mal à te croire lorsque tu dis que tu n'as jamais embrassé personne, Tes baisers sont tellement intenses. Waouh !. Ne m'aurais-tu pas menti sur ton inexpérience ?

Il fronce les sourcils. Je le sens en plein doute. Il imagine d'autres que lui investissant ma bouche, leurs langues s'insinuant, s'enroulant autour de la mienne, nos lèvres se pressant avec force et passion. Il pense a eux, aussi. Je le vois. Il les imagine prenant possession de ma bouche.

Je saute du lit ! Je ne veux pas qu'il imagine de telles choses et plus que tout, je ne veux pas qu'il doute de moi.

— Je te jure que je n'avais jamais rien fait d'autre que tenir la main d'un garçon, avant de croiser leur route.Ça peut peut-être te paraître bizarre qu'à 17 ans je n'ai jamais flirté, mais c'est pourtant la stricte vérité. Je ne pensais qu'à mes études, je pensais que j'avais bien le temps de m'intéresser aux garçons. Je voulais réussir, devenir une femme indépendante...

Je panique, je cherche à le convaincre.

— Avant qu'ils ne s'emparent de moi, j'étais vierge, à tous les niveaux. Lorsqu'ils m'ont laissée pour morte, après m'avoir rouée de coups, ma virginité, dans quelque domaine que ce soit, n'était plus qu'un lointain souvenir. Pendant ces quatre jours, j'ai subi tout ce qu'il est possible de subir et bien pis encore. Leur imagination n'avait pas la moindre limite. Ils m'ont dépossédé de mon moi profond. Ils ont saccagé et jeté aux orties jusqu'à la dernière trace d'innocence en moi. Ils m'ont tout pris... tout... sauf ça. Il n'y a jamais eu de baiser, ils n'ont même jamais essayé. C'était leur seule limite.

Je suis debout, au milieu de la chambre, tremblante comme une feuille. Mes jambes menacent de lâcher et je n'ai rien à quoi me retenir. Il est ce que j'ai de plus solide et je vais peut-être le perdre.

— Je n'ai rien à t'offrir, ils ont déjà tout pris. Je me rends compte à quel point je dois te dégoûter, quand tu les imagines ... se jetant sur moi, comme une meute de loups affamés, mais je peux te jurer que je n'y ai jamais pris de plaisir, je t'en conjure, crois-moi. Ta confiance c'est tout ce qui me reste, je t'en supplie, ne me laisse pas !

C'est à ce moment que mes jambes cèdent sous le poids de ma détresse. En une seconde je me sens tomber jusqu'à atterrir dans ses bras.

Il me porte jusqu'au lit, me serre fébrilement dans ses bras. Je découvre alors qu'il est aussi désemparé que moi.

— Je te crois, Annabelle, bon sang comment pourrais-je douter de cela ? Tu as toute ma confiance et tout mon amour aussi...

Il marque un temps d'arrêt et son regard s'enflamme, incendiant jusqu'à mon âme. Je ressens comme une connexion, un lien entre nous. C'est comme si je pouvais soudain lire en lui et je suis sûre qu'à cet instant, il lit en moi.

Il m'aime autant que je l'aime, il ne m'abandonnera pas. Il ne ressent ni dégoût, ni amertume, ni jalousie. Il me veut et me prend telle que je suis, aussi cassée que je sois.

— Je suis désolé si mes propos t ont amenée à penser que je doutais de toi. Il faut bien que tu te mettes dans la tête que je ne ressens pas une once de dégoût te concernant. Ce qui t'es arrivé est un drame sans nom, et si je ressens du dégoût, c'est pour les ordures qui t'ont fait subir cela. Quand à imaginer que tu aies pu y prendre plaisir, c'est d'autant plus ridicule que j'ai pu voir l'horreur et la terreur qu'ils t'inspirent jour après jour.

Il prend mon visage entre ses mains. Son regard est intense. Son œil noisette brûle de passion, son œil bleu, quant à lui, souffle la glace.

— Je vais commettre des erreurs Annabelle. Je te l'ai dit, je ne suis pas doué pour l'amour, mais je veux essayer, de toutes mes forces. Alors je vais me tromper de route, je vais même parfois rouler à contre-sens, je n'exclus pas quelques incidents de parcours, mais je te promets d'essayer, de tout mon cœur que tu as sorti d'un long sommeil, de toute mon âme que tu sauves, jour après jour.

Je me nomme Annabelle et lentement je découvre la puissance de l'amour d'un homme



Diary of Rebirth Tome 1 : ApprivoiserOù les histoires vivent. Découvrez maintenant