Mardi 21 avril 2015
A mon réveil, je me sens perdue. Je cherche un point de repère familier dans ce décor d'un autre âge. On se croirait revenu au 18ème siècle. Face à moi une magnifique cheminée en marbre et, au-dessus de ma tête un splendide lustre tout en dorures. Je suis allongée dans un confortable canapé couleur crème. Une console en acajou, des commodes luxueuses, des fauteuils cabriolets et une multitude d'antiquités ornent la pièce dans laquelle je me suis réveillée.
La voix de Greg s'élève tout à coup. Il crie. Je le cherche du regard et le localise sur la terrasse. J'ai froid, je me saisis de la couverture qui me recouvrait et m'y enroule. Je n'entends pas tout ce qu'il dit et je ne sais pas à qui il parle, mais il a l'air très en colère.
— Mais bon sang qu'est-ce que tu me caches ? J'ai le droit de savoir ! crie-t-il.
Il jette violemment son téléphone au sol puis tente de se reprendre. Il marmonne je ne sais quoi, pendant un moment puis fait brusquement volte-face et m'aperçoit.
Je sais pourquoi il est en colère. Je me souviens de l'avion, de cette phrase qu'il a prononcée : « Moi aussi je vous trouve incroyablement sexy, Annabelle » et de l'effet qu'elle a produit sur moi.
Sexy, je ne veux pas être sexy. Je ne veux pas inspirer ce genre de choses à qui que ce soit. Être sexy, c'est susciter le désir, c'est allumer un brasier qui ne fera que me consumer encore et encore. Être sexy c'est enclencher un mécanisme qui conduira immanquablement à quelque chose de dégradant, de violent, de douloureux, parce que ce n'est que cela le sexe.
Sexy, sexe, violence, tout cela est lié dans mon esprit. Comment vais-je bien pouvoir le lui faire comprendre sans dévoiler mon secret ? Bon sang, qu'est-ce que j'ai fait ? J'ai pété les plombs, j'ai frappé l'hôtesse de l'air, j'ai hurlé, je me suis couverte de ridicule et suis passée pour folle. D'ailleurs ne le suis-je pas ?
Greg me regarde, il est fâché contre moi, je le vois.
— Je suis désolée Greg, je suis tellement désolée, j'ai tellement honte de m'être donnée en spectacle, si seulement je pouvais revenir en arrière...
Lentement son regard s'adoucit, il ressent une certaine pitié que je déteste instantanément mais lorsqu'il me prend doucement dans ses bras, je le laisse faire. Je pose ma tête contre son torse. Je voudrais tellement pleurer enfin, verser toutes les larmes que je garde en moi depuis cinq ans, toutes ces larmes qui m'étouffent, ces larmes dans lesquelles je me noie chaque jour un peu plus. Je voudrais tellement les déverser, une bonne fois pour toutes, poser le fardeau, juste un instant et profiter de la chaleur de ses bras et de ses paroles réconfortantes.
— Ça va aller Annabelle, ça va aller.
J'aimerais tellement vous croire, Greg
Lentement il me conduit dans la salle de bain. Elle est extraordinaire, tout en marbre. Il m'assied sur le bord de la baignoire et tourne les robinets dorés. L'eau s'échappe dans un chuchotement joyeux. Il fait couler une huile au parfum capiteux puis sort un peignoir et une grande serviette moelleuse et se tourne enfin vers moi.
— Annabelle, vous avez besoin de vous détendre et moi de reprendre mes esprits. Vous allez prendre un bain, pendant que je m'occuperai de commander un repas que nous prendrons sur la terrasse. Ensuite, si vous le voulez bien, nous parlerons. Calmement. Il y a des choses que je dois comprendre. Je ne suis sans doute pas la personne à qui vous souhaitez vous confier. Mais je crois que nous devons être sincères l'un envers l'autre. Nous n'allons pas pouvoir continuer ainsi, je pense que vous vous en rendez compte ?
J'acquiesce. Il a raison. Ça ne peut pas continuer ainsi.
— Je vous laisse à votre bain et vous attendrai sur la terrasse. Prenez votre temps. Et n'ayez pas d'inquiétude, je ne viendrai pas vous déranger. D'accord ?
Second hochement de tête. Serais-je devenue subitement muette ?
Je reste une bonne heure étendue dans l'eau parfumée, à me demander ce que je vais bien pouvoir inventer, puisque je ne peux pas lui dire la vérité. J'en suis venue à la conclusion que je ne peux pas continuer à travailler pour lui. Je ne suis pas prête pour le monde extérieur, pas plus pour une vie professionnelle que pour des relations humaines. J'avais cru déceler un espoir, mais tout ce que je vois, à cet instant, dans cette baignoire luxueuse, c'est le retour à la case départ. Il n'y a pas d'avenir pour moi. En tout cas pas pour le moment.
Je sors de la baignoire, passe le peignoir et me rend tout à coup compte que je ne sais même pas où se situe ma chambre. Je ramasse à la hâte mes vêtements et entrebâille la porte. La salle de bain donne directement sur une chambre splendide. Sur le lit king size, à baldaquins, je découvre mes bagages. J'en conclus donc que cette chambre et la salle de bain attenante sont miennes. Je me faufile dans la pièce, me dirige vers la porte et la verrouille. Enfin en sécurité, je m'habille, sèche mes cheveux et retrouve enfin allure humaine.
Greg m'attends, comme convenu, sur la terrasse. La table a été dressée pour deux et, sur un chariot attenant, je découvre différents mets dont certains restent sous cloche.
Il me sourit et m'invite à m'installer en face de lui, ce que je fais.
— Annabelle, commence t-il, je vais vous poser une question directe, à laquelle j'aimerais que vous répondiez sincèrement, sans crainte.
— Je vous écoute, dis-je en tremblant.
— Ok ! alors je me lance... Qu'est-ce qui vous effraie chez moi ?
Je reste interdite.
— Comment ?
— Vous ne pouvez pas ignorer que vous me plaisez. Depuis notre rencontre, vous m'hypnotisez, vous m'intriguez aussi. Je vous trouve incroyablement belle, intelligente, brave aussi et, parfois, assez drôle. Vous êtes d'une grande simplicité et croyez le, dans mon monde, cette qualité est loin d'être courante. Votre candeur, votre fraîcheur, votre retenue me fascinent. Cela m'amène à ma question...
— Si je comprends bien vous êtes le seul à poser les questions ?
Il sourit, visiblement amusé par mon audace.
— Laissez-moi suivre le cours de mes pensées, je vous promets que votre tour viendra. Y a-t-il quelque chose chez moi qui vous indispose, qui vous rebute. Est-ce avec moi en particulier que vous bloquez ou bien est-ce avec les hommes en général ?
— Avec les hommes en général, réponds-je le plus sincèrement du monde.
— Vous n'avez donc pas d'a priori contre moi. Est-ce que je vous déplais physiquement ?
— Non
— Mon caractère, ma façon d'être sont-ils rédhibitoires pour vous ?
— Non plus.
— Alors quel est le problème ?
Je le regarde longuement, jauge sa capacité à entendre ce que j'ai à lui dire, puis me lance.
— Les choses de l'amour et ... tout ce qui va avec, ce n'est définitivement pas pour moi. Ni avec vous, ni avec un autre, ni maintenant, ni jamais.
Je m'appelle Annabelle Maury et je viens de briser les espoirs de mon patron... et quelque part un peu des miens, par la même occasion.
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Diary of Rebirth Tome 1 : Apprivoiser
RomanceAnnabelle Maury a vécu l'innommable. Réfugiée au sommet de la tour d'ivoire dans laquelle elle s'est enfermée, elle n'attend plus rien de la vie. D'autant que les loups rodent toujours... Greg Delcourt est un homme désabusé. Il a perdu confiance e...