Frustration

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Samedi 9 mai

J'ai finalement opté pour une douche brûlante. L'eau glisse sur ma peau tandis que je tente de reprendre le contrôle de moi-même. En appui contre la paroi de la douche, les yeux fermés, je songe à son corps fragile contre le mien, à ses mamelons pointant sous le tissu soyeux du soutien-gorge, à son ventre doux et tellement émouvant, à ses cuisses que je voudrais enroulées autour de mes hanches, et puis au Graal qui se cache sous la petite culotte, le lieu de tous les plaisirs, le sanctuaire que je veux faire mien, sans pour autant le profaner.

Je ne peux m'empêcher d'imaginer ce que cache la soie bleue : la forme de ses lèvres, la rondeur de son clitoris, son goût, sa suavité, la chaleur et la douceur du fourreau qui m'accueillera. Bon sang ! Serai-je capable de tenir la distance, de maitriser ce désir qui me taraude ?

Lentement, mon imaginaire prend le contrôle de mon corps. J'observe avec désespoir mon sexe bandé qui se dresse vers le ciel, semblant m'implorer de faire quelque chose pour lui. Il n'a pas tort, je ne peux pas le laisser dans cet état...

Je ne suis pas homme à accepter la frustration : je veux, je prends, point barre. Avec elle, tout est différent, tout est dans la retenue, l'attente, le désir, qu'il faut éviter de montrer.

Le gel douche me tend les bras. Je me frictionne avec énergie, tentant de me laver de mes pensées grivoises et, sans que je l'aie sciemment décidé, ma main emprisonne fermement mon sexe et lui imprime un mouvement ample, de bas en haut, de la base jusqu'au gland, sur lequel mon poing se referme brièvement. D'abord lent, le mouvement se fait de plus en plus régulier, rapide, vigoureux sans être brutal.

Des images de son corps sur le mien abondent dans mon cerveau en ébullition. J'imagine ses seins dans mes paumes, mes doigts en roulant doucement les extrémités et, plus que tout, j'imagine la meilleure partie de moi-même la pénétrant lentement, tandis que je lirais sur son visage la surprise, la volupté, le plaisir, buvant chacun de ses soupirs, chacun des petits cris qu'elle ne pourra retenir, investissant sa bouche entrouverte, happant sa langue rose et fruitée, puis léchant ses seins, les mordillant légèrement pour la faire crier encore davantage.

Comment son corps réagira-t-il ? Qu'aimera-t-elle ? Elle a tout à apprendre du plaisir. Pour ce qui me concerne, Annabelle est vierge. Ce qu'ils lui ont fait, ce qu'ils lui ont pris n'existe pas à mes yeux. Pas sexuellement parlant, en tout cas. Pour moi, elle est une terre jamais foulée. Christophe Colomb chanceux et émerveillé, j'arpenterai ses plaines, ses vallons, ses montagnes, le moindre recoin de ce continent inconnu, cartographiant chaque centimètre carré de son corps.

Annabelle est une île encore inexplorée, une cité perdue engloutie depuis des millénaires qui cherche à resurgir. Je veux lui donner la vie, comme si elle sortait des eaux, pure et inviolée.

L'orgasme s'empare enfin de moi, dévalant de mon sexe à mes reins, irradiant dans tout mon corps, secoué de contractions musculaires et de frissons délicieux. Un instant euphorique, je me sens vite déçu. C'est en elle que je veux jouir, c'est avec elle que je veux expérimenter l'extase et je soupçonne que le plaisir, avec Annabelle, pourrait être au-delà de tout territoire connu.

Rapidement, je sors de la douche, me sèche et enroule une serviette autour de mes hanches. Je veux qu'elle voit mon corps, qu'elle s'y habitue, sans la brusquer. Je veux qu'il ne soit plus une source de peur, qu'elle apprenne à l'apprécier, à le reconnaître comme sien.

Alors, le plus naturellement possible, je sors de la salle de bain, simplement vêtu de ma serviette et vient la rejoindre, sur le lit.

Elle me regarde, intimidée et rougissante. Elle ne sait où porter son regard. Alors, je la prends dans mes bras et l'installe sur mes genoux. Elle vire au coquelicot, se dandine un peu, sollicitant sans le savoir mon pénis encore au repos, il y a quelques secondes à peine.

— Reste tranquille, lui dis-je, envisageant une seconde douche.

— Mais qu'est-ce que tu fais ?

— Je t'installe sur mes genoux pour t'avoir contre moi. J'ai envie de sentir ta peau contre la mienne, pas toi ?

Elle réfléchit un petit moment, me regardant d'un air soupçonneux.

— Peut-être bien que si, dit-elle finalement, en se laissant aller contre moi.

Je l'entoure de mes bras, pressant son doux visage contre mon torse. Je pose mon menton sur le sommet de sa tête, comme j'aime tant le faire, tandis qu'elle enroule timidement ses bras autour de ma taille.

— On est bien, non ?

— Oui, on est bien.

Je la sens sourire contre ma peau. Elle n'a plus peur de moi et cette idée me rend incroyablement heureux. Même si mon meilleur copain n'est pas franchement le sien, je saurai m'en contenter pour le moment.

— Que veux-tu faire aujourd'hui ?

— Je pense qu'il serait bien que j'aille voir Maman. Tu te rends compte que je vis avec toi depuis une semaine déjà, et que je n'y suis pas allée ? Je ne l'ai même pas appelée.

Une visite chez sa mère ne faisait pas vraiment partie de mes projets du week-end. J'avais plutôt envisagé un court voyage, l'Italie peut-être, ou n'importe quel endroit qui puisse lui faire envie.

Je dois afficher une mine dubitative, car elle me dit aussitôt :

— Elle se fait tellement de souci, Greg...

O.K., O.K. ! Va pour une excursion chez belle-maman. Le terme me fait rire intérieurement, comme une bêtise dite au détour d'une conversation. Et puis, je ne trouve pas la boutade si idiote, finalement. Quoi de plus normal qu'envisager d'épouser la femme que j'aime, après tout ? J'aime beaucoup cette idée, même si elle me plonge au cœur de mes contradictions. Le chemin parcouru est tellement incroyable. L'homme que j'étais et que je ne suis plus, de toute évidence, l'homme que je deviens, pas à pas avec elle, me plaît décidément de plus en plus.

Alors qu'elle saute sous la douche, je tente de me changer les idées et de ne pas imaginer l'eau ruisselant sur son corps. Peine perdue. Alors, j'investis la cuisine et nous prépare un petit-déjeuner copieux, histoire de tenir le choc face à Anne Maury.

Moins de vingt minutes plus tard, elle apparaît, telle une fée. Elle est vêtue d'une longue robe blanche à petites fleurs bleues et roses, et de sandales immaculées. Elle est chaque fois plus belle. Mon cœur gonfle à en exploser. Elle est à moi. Tout entière... ou presque.

Le petit déjeuner englouti, nous roulons vers la maison familiale d'Annabelle, en écoutant la radio, tandis qu'elle chante, faux, mais avec un tel entrain que j'en reste émerveillé, et surtout incroyablement heureux. Annabelle chante dans ma voiture et, pour la toute première fois, je la vois réellement épanouie. Je décide de m'en attribuer tout le mérite.

Je suis Greg Delcourt. Accompagné de la femme de ma vie, je me dirige vers ce qui pourrait bien être un énième affrontement avec Anne Maury et Antoine, mon propre père, que je ne serais pas étonné de trouver là-bas.



Diary of Rebirth Tome 1 : ApprivoiserOù les histoires vivent. Découvrez maintenant