Blood

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Dimanche 3 mai 2015

J'ai passé la majeure partie du week-end à tenter de persuader Maman que retravailler avec Greg était une bonne idée.

Elle est loin d'en être convaincue et, moi-même, je ne le suis pas. J'ai fini pas céder à sa demande, mais j'ignore encore pour quelle raison.

Pourquoi ne pas me contenter de passer un peu de temps avec lui, comme ce samedi, au bout du monde et limiter là nos relations ?

Il peut être charmant, facile à vivre et protecteur, tout comme il sait être odieux, manipulateur et obscène. Comment en suis-je arrivée à désirer la présence d'un être pareil ? Les opposés s'attirent, dit-on. Peut-être ! Mais pas à ce point. Je devrais le fuir comme la peste, des voyants rouges devraient clignoter dans mon cerveau, des sirènes y hurler, mais rien.

Quelque part, tout au fond de moi, je sais que, même si le sexe est un art de vivre pour lui, voire une raison de vivre, il ne me touchera jamais de cette manière, sans que je le veuille. Greg n'a rien à voir avec EUX. Il me veut du bien.

« EUX aussi, c'est bien ce qu'ils disaient, non ? »

Je chasse les souvenirs qui reviennent au galop et me prépare pour demain.

Je choisis le tailleur pantalon beige dans lequel je me sens à mon aise, des chaussures aux talons plus que raisonnables et une petite besace dans laquelle je pourrai fourrer les quelques objets qui contribuent à mon bien-être. Tout d'abord le mouchoir de mon enfance que je roule parfois entre mon pouce et mon index, lorsque l'angoisse menace de fondre sur moi. J'y ajoute un petit sac en papier, plié en quatre, en cas de besoin. Un peu de parfum, celui de ma mère, sous sa forme d'échantillon. Une odeur qui m'apaise depuis que je suis enfant. Quelques chewing-gums, une barre de céréales en cas de coup de mou, et quelques babioles typiquement féminines pour être parée à toute éventualité, ou presque.

Après une longue douche brûlante, je me glisse dans une chemise de nuit confortable et me couche, non sans avoir sacrifié à mon petit rituel. Chaque soir, j'inspecte ma chambre. Je vérifie que le loquet de la fenêtre est bien fermé. Puis, j'ouvre chacun des deux placards qui donnent sur la pièce, glisse ma tête dans l'entrebâillement et jette un coup d'œil rapide dans les endroits où un être humain pourrait se cacher. Je vérifie la petite salle de bain attenante, termine par le dessous de mon lit puis ferme consciencieusement la porte de ma chambre à clé. Maman en a un double, dans sa table de nuit, en cas d'urgence. Enfin rassurée quant à ma sécurité pour cette nuit, je me love sous la couette en plume et éteins le plafonnier, non sans laisser la veilleuse de ma table de chevet allumée.

Lorsque j'ouvre les yeux, il fait noir. Ma veilleuse a dû s'éteindre. Je panique et cherche le bouton qui allume le plafonnier. Je ne le trouve pas. Je ne suis pas dans mon lit. Je suis allongée sur le sol, j'ai froid et terriblement besoin d'aller aux toilettes. Je tente de me relever, mais la chaîne qui entrave ma cheville me retient violemment. Je suis de nouveau là-bas.

Sur ma droite, j'entends le froissement d'un corps qui bouge entre des draps. L'un d'entre eux s'est réveillé. Je ne bouge plus et fais semblant de dormir, malgré cette envie qui se fait de plus en plus pressante. Le bruit mat de pieds nus sur le sol me terrorise. Peut-être va t-il aller aux toilettes. Peut-être ne vient-il pas pour moi.

— Qu'est-ce que tu as à te tortiller comme ça ? me demande Zéro en chuchotant.

Il ne veut pas réveiller les autres. Il me veut pour lui tout seul.

— J'ai besoin d'aller aux toilettes, lui dis-je sur le même ton.

Il s'éloigne un instant, part à la recherche des clés de mes chaînes, les ouvre et me relève sèchement.

— Vas-y, dépêche-toi. Tu as deux minutes, sinon je viens te chercher.

À pas de loup, je rentre dans la minuscule salle de bain et satisfais à mes besoins naturels. Je dois faire vite. Je ne dois pas le contrarier.

— Quel joli tableau ! Tu es vraiment à croquer. Faire ton initiation est vraiment un bonheur, tu le sais ça ?

Je me relève rapidement et tente de le contourner pour retourner à la place qui est la mienne, près de la petite cheminée, à même le sol collant.

Mais il n'envisage pas les choses ainsi.

— D'ailleurs, puisque nous parlons de ton initiation, je pense qu'il faudrait la compléter afin que demain, nous puissions nous éclater tous ensemble. Qu'en dis-tu ?

Je ne sais pas où il veut en venir. Que peut-il bien vouloir m'apprendre que l'un d'entre eux ne m'ait déjà imposé, hier ?

Dans la pénombre, ses yeux brillent d'un éclat malsain. Il lèche ses lèvres et sourit méchamment. Il m'attrape soudain et me pousse vers le lavabo, sur lequel il me penche, tandis qu'il laisse tomber son pantalon de pyjama.

— Tu verras, au début, c'est un peu douloureux, mais ensuite tu aimeras ça. Et demain, lorsque nous passerons aux choses sérieuses, tu me remercieras, crois-moi.

Et tandis qu'il s'introduit en moi, d'une manière inédite et brutale, m'apprenant par la même occasion que tout orifice est bon à pénétrer, je hurle à pleins poumons, vaincue par la douleur et l'humiliation.

— Pas bien ça, ma chérie. Tu les as sûrement réveillés. Notre petit tête-à-tête ne va plus durer bien longtemps...

                                                                                       ***************

Je me réveille dans mon lit en criant et criant encore, la douleur fantôme toujours ancrée en moi. Je me précipite sur mon téléphone pour activer la torche et observer les moindres recoins de ma chambre. Je suis seule, seule avec mes fantômes.

La torche s'éteint alors et, frénétiquement, j'appuie sur tous les boutons. La lumière revient enfin, ainsi qu'une voix qui me parle. Je deviens folle. Suis-je vraiment réveillée ?

— Annabelle, réponds, bon sang, réponds !

La voix de Greg sort de mon téléphone. Je l'ai appelé par erreur, dans mon affolement.

— Je suis désolée, Greg, je n'ai pas fait exprès, lui dis-je en sanglotant. Je ne voulais pas te réveiller, je voulais juste la lumière.

Mes larmes m'aveuglent soudain. Elles ont de nouveau trouvé le chemin de mes paupières. La crise d'angoisse s'annonce, je panique et je crie à demi :

— J'ai peur !

— Annabelle ! Annabelle, tu es chez toi ?

— Oui, je suis dans ma chambre, j'ai... j'ai juste fait un cauchemar. Rendors-toi, ça va aller...

Je tente de me reprendre mais, visiblement, je ne le convaincs pas.

— J'arrive ! dit mon téléphone.

Je m'appelle Annabelle Maury, ma vie ne cesse d'osciller entre la réalité et les cauchemars, dans un univers torturé, dans lequel je viens d'inviter Greg Delcourt, bien malgré moi.



Diary of Rebirth Tome 1 : ApprivoiserOù les histoires vivent. Découvrez maintenant