Mardi 21 avril 2015
A notre descente de l'avion une limousine nous attend, comme convenu.
Annabelle n'a toujours pas dit un mot et je n'ai pas réussi à accrocher son regard.
Lorsque je l'ai délicatement prise par le coude pour la conduire hors de l'appareil, elle n'a pas bronché. Elle est ailleurs. Sans doute en partie à cause des benzodiazépines qui courent dans ses veines, mais pas seulement. Cette apathie est t-elle normale après une crisse d'angoisse ? Putain je ne suis pas médecin !
La limousine nous dépose devant L'Hôtel Georges V où j'ai mes habitudes.
En règle générale je loge dans l'appartement Penthouse qui est situé au huitième étage. J'adore sa vue incroyable sur Paris. Mais il est prévu pour un couple, pas pour deux collègues de travail. J'ai donc choisi la suite Royale, constituée de 3 chambres, d'une salle de bain avec hammam et sauna, d'un grand salon, d'une salle à manger et d'une cuisine entièrement équipée.
J'avais espéré qu'en partageant cette magnifique suite, un rapprochement significatif pourrait s'opérer entre nous. J'avais aussi parié sur le romantisme de dîners aux chandelles sur la terrasse privée.
Mais la réalité est toute autre. Annabelle semble épuisée et je l'installe dans le spacieux canapé du grand salon. Je donne un pourboire au bagagiste. Nous voilà enfin seuls.
Je repasse par le grand salon. Annabelle dort, allongée sur le canapé, en position fœtale. Elle respire paisiblement. Je dépose un plaid sur elle.
Je m'installe sur la terrasse et passe les appels qui s'imposent, en commençant par Franck Merlin. Je lui ai donné des instructions précises, il y a plusieurs jours de cela et j'entends avoir des résultats. Il répond dès la première sonnerie.
— Greg. Je me doutais que tu ne tarderais pas à m'appeler.
— J'avais pensé que toi tu m'appellerais. C'est bien pour ça que je te paie, non ?
— Je vois que nous sommes énervés ...
— Je veux des réponses Franck, c'est pourtant simple ! Je veux savoir ce qu'Annabelle cache et je veux le savoir maintenant !
— Ce que tu m'as demandé de faire n'est pas si simple, Greg. Pirater les plus hautes instances judiciaires pour accéder à un dossier qui a été volontairement enterré, ce n'est pas aussi facile que tu sembles le penser.
— Alors tu n'as rien ? C'est ça ?
— Si, j'ai quelque chose. A l'époque des faits, ta protégée était mineure, ce qui explique qu'il soit si difficile de retracer son affaire. Dans ce genre de cas, l'anonymat est souvent demandé ce qui complique drôlement mes recherches.
— Je ne comprends pas. Si elle s'est rendue coupable de délits, même si elle était mineure, tu devrais avoir des traces, ne serait-ce que dans le cadre des minutes du procès, dans les journaux qui l'ont couvert, peut être, non ? Il y a bien une trace des chefs d'accusation.
— Je crois en effet que tu ne comprends pas, Greg.
— Mais merde, je suis con à ce point là ? Qu'est-ce que je ne comprends pas à la fin ?
— Annabelle n'était pas dans le box des accusés, Greg. Elle était la victime.
Le monde vient de s'écrouler sous mes pieds.
— Victime ? Mais victime de quoi ?
— C'est ce qu'il me reste à découvrir, Greg, et c'est coton, crois moi. Mais je ne lâche pas, je vais trouver, tu peux me faire confiance.
Je raccroche sans même le saluer, réfléchis un moment puis passe mon second appel.
— Greg ! Je suis content que tu m'appelles, me dit mon père. Comment ça se passe avec Annabelle ?
— Papa, c'est à son sujet que je t'appelle. Tu connais bien sa mère, il me semble...
— Oui en effet. J'ai une relation amicale avec sa mère et avec Annabelle aussi, dans une moindre mesure. Pourquoi me poses-tu cette question ?
— Que sais-tu au sujet d'un crime dont aurait été victime Annabelle, au moment de son adolescence.
Le long silence de mon père parle pour lui. Il sait quelque chose.
— Ecoute Fils, je ne peux pas te parler de ça. Ces informations ne m'appartiennent pas, tu comprends ? Je ne peux pas trahir le secret. Même pour toi.
— Mais il y a bien un secret, quelque chose qui influe sur le comportement d'Annabelle ?
— Pourquoi me poses-tu cette question ? Est-ce qu'elle va bien ?
Il marque un temps d'arrêt et le ton de sa voix devient tout à coup plus sec.
— Tu ne lui as rien fait, Greg ? Dis-moi que tu t'es tenu correctement avec elle. Elle est fragile, très fragile. Je peux t'assurer que si tu as... si tu l'as traitée comme toutes ces femmes que tu jettes après usage, je ne pourrai pas te pardonner, pas cette fois.
— Je ne l'ai pas touchée papa. Mais bon sang qu'est-ce que tu me caches ? J'ai le droit de savoir ! Je hurle comme un dément.
— Non Greg, tu n'as pas le moindre droit. Tu n'es que son patron. Et ne lui en parle pas. Surtout pas. Laisse la en paix.
Je jette mon téléphone avec une rage non contenue. Je ne comprends plus rien à rien. Mais dans quelle galère suis-je allé me fourrer, putain ? Et qui est Annabelle ?
Il faut que ce cirque cesse. Je vais aller la réveiller, la mettre dans un taxi, direction l'aéroport et la renvoyer chez elle. Je vais mettre un terme au contrat qui nous lie, lui payer un dédommagement et faire en sorte qu'elle disparaisse de ma petite vie parfaite.
Les femmes à problèmes, j'ai eu ma dose. Plus question de ça. Je veux des relations simples : dîner - baiser - tirer ma révérence, c'est ce que je fais de mieux et je suis très heureux comme ça. Pourquoi irais-je m'emmerder avec une gamine névrosée ?
Depuis qu'elle est apparue dans ma vie je ne me reconnais plus. Elle est en train de faire de moi quelqu'un que je ne veux pas être. Gentil, patient, aux petits soins, le temps d'une nuit, je ne dis pas, mais ça fait une semaine que je rame comme un forçat, que je lui envoie des messages de moins en moins subliminaux sans le moindre résultat. Je me fais l'effet d'un toutou, la langue pendante, espérant la friandise et la caresse sur la tête.
Je suis Greg Delcourt. Les femmes paieraient pour m'avoir, si je le voulais. Je ne suis pas le chien-chien à sa mémère, je suis un loup, je suis une panthère, je suis un rapace !
Allez, c'est bon ! Je la renvoie dans ses pénates, miss Maury. Qu'elle aille pleurer ailleurs.
Fier de ma décision, je me retourne, prêt à la jeter dans un taxi.
Annabelle est là, debout, face à moi, enroulée dans la couverture, son joli regard plongeant dans le mien, ses larmes invisibles roulant derrière ses paupières.
— Je suis désolée Greg, je suis tellement désolée, j'ai tellement honte de m'être donnée en spectacle, si seulement je pouvais revenir en arrière...
Elle est tellement désemparée, tellement fragile et son regard attend tellement de moi que je ne peux m'empêcher de la prendre doucement dans mes bras.
— Ça va aller Annabelle, ça va aller
Je m'appelle Greg Delcourt et je ferai tout aussi bien de m'acheter un collier et une laisse.
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Diary of Rebirth Tome 1 : Apprivoiser
RomanceAnnabelle Maury a vécu l'innommable. Réfugiée au sommet de la tour d'ivoire dans laquelle elle s'est enfermée, elle n'attend plus rien de la vie. D'autant que les loups rodent toujours... Greg Delcourt est un homme désabusé. Il a perdu confiance e...