Possession

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Vendredi 8 mai 2015

Pour punir Sabrina, avec laquelle, pourtant, il semble avoir eu des moments plus qu'intimes, il l'a fait éjecter de son immeuble en lui promettant de faire en sorte qu'elle ne puisse plus jamais travailler. Parce qu'elle a eu l'impudence de dire la vérité.

Je ne peux pas vraiment dire que je suis outrée, je ne la connais pas, je ne ressens rien pour elle, hormis peut-être de la haine, parce qu'elle vient de me voler mon bonheur.

J'aurai voulu entendre Greg avouer qu'elle disait vrai et faire amende honorable, mais Greg Delcourt ne se chauffe pas de ce bois-là. Il n'avoue pas ses erreurs, il les rejette sur d'autres.

Comme il l'a fait sur Marco. Si quelqu'un est responsable de cette situation, c'est bien moi. Il m'a prévenue que Greg avait ordonné d'empêcher Ava de m'approcher, mais je l'ai laissée entrer, j'ai laissé entrer Sabrina, j'ai creusé ma propre tombe.

Greg a viré Marco et, au regard qu'il a lancé à Alex, j'ai compris que celui-ci avait échappé, de justesse, au renvoi.

J'ai eu la prétention de croire que je pourrais l'emporter sur Ava et j'ai provoqué le renvoi de Marco, l'excommunication de Sabrina et ma propre perte.

Pour ce qui concerne la vipère, je n'ai pas de regret. De toute évidence, elle se rendait coupable de malversations, en plus d'être mauvaise et manipulatrice. J'espère ne plus jamais la revoir.

Greg a été impitoyable, glacial et coupant comme la lame d'un rasoir. Je l'ai vu, pour la toute première fois, dans le rôle du PDG froid et sans cœur et, tandis qu'il réglait le compte d'Ava, j'ai ressenti des sentiments contraires. J'étais en colère, blessée par les révélations de Sabrina, qu'il n'a pas même forme cherché à nier. J'étais sous le choc de celles d'Ava, même si je me rends bien compte que ses mots ont été dictés par la fourberie et la jalousie, et que je peux aisément les remettre en cause. Et puis j'ai ressenti autre chose d'étrange, une forme d'excitation tandis que je le regardais donner ses ordres et appliquer sa justice. Il était beau, sûr de lui, le petit pli entre ses sourcils le rendant incroyablement sexy. J'ai été parcourue de frissons incontrôlables que je ne m'explique pas.

Alors, tandis qu'il congédiait Alex, Marco et Ava, j'ai fui, franchissant la porte coulissante et me faufilant vers les ascenseurs.

J'ai appuyé frénétiquement sur le bouton RDC et me suis enfoncée dans un coin de la cabine, recroquevillée sur moi-même, ressassant chacun des mots de Sabrina et Ava.

Lorsque je suis arrivée dans le hall, le portier m'a immédiatement trouvé un taxi qui m'a ramenée à la maison. Chez Greg. Ce n'est désormais plus ma maison, notre maison.

Je me tiens au milieu du salon, ne sachant que faire, où aller, comment emballer mes affaires suffisamment vite pour être partie à son retour.

Et puis je renonce et décide de l'attendre. Il mérite que je lui dise ses quatre vérités, que je lui crache à la figure toute la haine que je ressens à l'idée qu'il m'ait trahie, le désarroi qui est le mien à l'idée que je n'étais pas la seule et unique dans sa vie...

Pauvre idiote, comment as-tu pu croire un seul instant qu'un homme comme lui pourrait ne vouloir que toi, une quasi-folle, une névrosée, incapable de le satisfaire dans ses penchants les plus intimes ?

La porte claque. Je n'ai pas entendu la voiture arriver. J'étais ailleurs, perdue au milieu des décombres de ma parfaite petite vie imaginaire.

Il apparaît sur le seuil et expire à grand bruit. Il est soulagé de me trouver ici. Il s'approche à grands pas de moi.

— Annabelle ...

— Ne t'approche pas de moi ! Je crie, je suis déjà hystérique avant même d'avoir commencé à parler.

Il s'arrête net, enfouit un instant son visage dans ses mains, qu'il remonte ensuite sur son front, jusqu'à l'arrière de sa tête. Il tente de se calmer. Je commence à bien le connaître.

— Tu ne dois pas t'enfuir ainsi, Annabelle. Tu m'avais promis que tu ne le ferais plus.

— Oui, une promesse non tenue. Tu connais ça par cœur, toi, non ?

— Écoute-moi ...

— Je t'ai bien assez écouté ! Je ne fais que cela, t'écouter me mentir à longueur de temps, et tu voudrais que je t'accorde ma confiance ? Tu n'es pas meilleur que tous ces hommes, là-dehors. Tu n'es pas meilleur qu'EUX ! Je hurle.

— Annabelle, tu ne peux pas me dire ça. Je n'ai rien à voir avec ces monstres. Tu es injuste...

— Ce qui est injuste c'est que tu m'aies laissé croire que tu avais des sentiments pour moi, que tu aurais la patience de m'attendre, qu'il n'y aurait pas d'autre femme que moi !

Voilà, c'est lâché. En fait, je suis folle de jalousie. Je les imagine, tous les deux et j'en suis malade, la nausée me prend, la tête me tourne, je sens que je perds les pédales.

— Tu as couché avec cette fille, Sabrina, alors que tu me jurais fidélité. Finalement, tu n'as pas changé d'un pouce, tu es exactement le même connard arrogant, obsédé par le sexe facile, que tu étais à notre rencontre.

— Annabelle, je n'ai pas couché avec Sabrina, je peux te le jurer. Elle a, en effet, fait quelques tentatives, dont l'une est allée un peu loin, je l'avoue, mais je n'ai pas donné suite.

— Quand elle tenait ton sexe au creux de sa main, tu n'avais pas un peu l'impression de donner suite ? Tu te fous de moi ?

Je crache ces derniers mots, hors de moi. Je perds toute retenue. Un monstre tentaculaire vient d'émerger de moi et je ne le contrôle pas.

— Peut-être que lorsque tu auras enfin eu de moi ce que tu convoites par-dessus tout, nous pourrons mettre fin à cette mascarade. Car c'est bien ce que tu désires, non ? Me baiser, comme toutes les autres ? Mais tu ne préfères pas vérifier la marchandise ?

Et tandis que je lance cette dernière phrase, je décide, comme ce matin-là, sur le bord de la route, en montant dans la voiture d'un inconnu, que plus rien n'a d'importance, que ma propre vie, que ma santé mentale que je sens flancher un peu plus, à chaque seconde, n'ont plus la moindre importance.

— Peut-être que lorsque tu auras vu tu tourneras les talons et que tu t'enfuiras. Ça, tu sais faire, n'est-ce pas ?

Mue par une force dont j'ignore tout, je baisse la fermeture éclair de mon pantalon, que je fais descendre le long de mes cuisses, flanquées de fines cicatrices s'entrecroisant, puis le long de mes jambes, jusqu'à l'envoyer à l'autre bout de la pièce.

— Annabelle, bon sang, tu fais quoi ? Il se précipite vers moi.

— Ne bouge pas ! Assiste plutôt au spectacle.

Un à un, je fais sauter les boutons de mon chemisier, que je retire avec hargne.

Je sais qu'il regarde les marques sur mon corps, ce corps qui ne lui inspire subitement plus de désir, mais certainement du dégoût. Puis, portant mes mains dans mon dos, pour dégrafer mon soutien-gorge en soie bleue, je lui lance :

— Et maintenant le clou du spectacle ! J'espère que tu te régales !

C'est à ce moment-là qu'il se jette sur moi.

Je m'appelle Annabelle, mon esprit vagabonde quelque part ailleurs, tandis que ma colère et mon instinct autodestructeur prennent violemment possession de moi.



Diary of Rebirth Tome 1 : ApprivoiserOù les histoires vivent. Découvrez maintenant