1× Inconscience

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Ils se trouvaient là, devant moi. Ceux que nous recherchions, ceux que je recherchais. Je pouvais désormais les voir distinctement. Je serrai les dents. L'envie de sortir de ma cachette me démangeait, tout mon être ne désirait qu'une seule chose : en découdre. Mon regard demeurait posé sur nos ennemis. Ces derniers semblaient bien trop pris par leur discussion pour pouvoir ne serait-ce que nous remarquer.

La porte dans leur dos s'ouvrit brutalement. Deux personnes en sortirent, l'un d'eux traînait le plus maigre derrière lui pour l'obliger à avancer. Ce dernier paraissait mal en point. Alors qu'il était enchaîné et sans défense, il fut soudain violemment jeté au sol. Je me crispai, serrant d'autant plus le pommeau de mon épée. Le tortionnaire empoigna le fouet à sa ceinture et aboya :

- Tu vas voir ce qu'il t'en coûte de désobéir !

À ces mots, une rage farouche grimpa à toute vitesse en moi. Demeurer simple spectateur de la souffrance infligée par l'un de ces enfoirés était pour moi inconcevable. Sans réfléchir plus longtemps, je dégainai, sortis de ma cachette et, comme possédé par la haine, je me jetai sur l'un de mes opposants. J'entendis un vague "Non !" être crié du côté de mes alliés, mais bien sûr ce ne fut pas suffisant pour stopper ma funeste charge. Déchaîné, je flanquai un coup bien placé au premier ennemi que j'aperçus. Trop surpris par ma soudaine entrée, celui-ci ne réagit que tardivement. Et un de moins.

Ses compagnons sortirent à leur tour leurs armes et me foncèrent dessus dans un désordre sans nom. Je tendis la paume dans leur direction et les balayai d'une violente bourrasque. De nouveaux ennemis débarquèrent. Je les combattis les uns après les autres avec la hargne d'un lion enragé. Je discernais en même temps mes alliés sortir à leur tour de leur cachette, bien obligés de m'épauler. Une voix féminine pesta même dans un claquement de langue agacé :

- Quel imbécile, il ne suit jamais aucun plan !

Sans que je ne pusse le prévoir, je reçus soudain un coup imprévu de la part de l'un de mes nombreux assaillants. À partir de ce moment-ci, mes souvenirs me firent défaut. Une lancinante douleur s'était emparée de mon être et mon torse s'était taché de sang. J'avais tout de même continué de lutter mais la lenteur causée par ma blessure avait finalement eu raison de moi. Mes sens m'avaient définitivement abandonné au moment où mon corps avait à nouveau essuyé un coup au même endroit que précédemment. Je m'étais senti flancher puis... plus rien.

Désormais, seule la perspective d'un énième mauvais songe de mon passé se présentait à moi.

Je demeurais assis, immobile, foudroyant le garde du regard. À mon plus grand mécontentement, j'avais été enfermé à l'intérieur d'une immense cage insalubre. D'autres prisonniers se trouvaient à mes côtés : des esclaves. Une ambiance sinistre pesait lourdement dans l'air. Un air hivernal, glacial, qui se faufilait partout et s'immisçait avec aisance entre les barreaux dont le métal subissait la rouille depuis déjà bien longtemps.

Je frissonnais. Rien d'étonnant vêtu ainsi, je ne portais qu'une large tunique sale et sans manches qui ressemblait à un sac de légumes trop ample auquel l'on aurait simplement découpé de grossiers trous pour y faire passer une tête et des bras. La tenue était fournie à chaque personne de ma condition et pour cette raison je la détestais éperdument.

Mon regard s'était avéré être la seule arme que je possédais, la seule dont je pouvais encore faire l'usage pour transmettre à autrui toute la haine que je renfermais. Il me permettait à moi, un jeune garçon arraché à sa famille, de me battre, de faire ressentir chaque élan meurtrier qui me possédait. Je fixais désormais la sentinelle de ce même œil. La vive lumière des flammes de la pièce se reflétait dans mes prunelles aux couleurs froides comme pour accentuer l'animosité qui m'animait.

Lames d'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant