38× Désillusion

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Raphaël

Le souffle court, je venais d'atteindre le hall d'entrée, mes alliés sur les talons. Pour la première fois, les visages des ravisseurs d'Aerin se révélaient à moi. Mais surtout, la guerrière elle-même se tenait parmi eux. Je ne pus m'empêcher de sourire d'un air triomphant ; nous avions réussi, elle était là, sous nos yeux.
Je me ressaisis bien vite, tout n'était pas encore terminé. Une dizaine d'hommes nous scrutaient avec sévérité, l'arme en main. Une aura de force incomparable à celle des sous-fifres que nous avions combattu jusque là se dégageait d'eux. Nous avions probablement en face de nous l'élite de la Griffe Bleue. Ils semblaient révoltés par notre intrusion et par le grabuge que nous avions causé au sein de leur domaine. Leurs expressions, tout comme les nôtres, étaient implacables. Nous désirions tous en découdre.

Certains Lames d'Argent scandèrent le nom de la disparue avec joie. Aerin néanmoins se contenta de nous dévisager avec abasourdissement. Elle ne pensait probablement pas nous voir arriver de la sorte. Comme me l'avait promis Sachi, mon amie aux cheveux bleus avait l'air de bien se porter.
Fay s'approcha de moi pour me confier à voix basse :

- Fais attention à l'homme à la droite d'Aerin. Il s'agit sans doute de celui que notre espion a aperçu la première fois dans le quartier.

De ce fait, je me mis à le détailler plus amplement. Le criminel, dont les cheveux lapis-lazuli étaient coiffés en mèches qui balayaient son front en travers, paraissait assez jeune, presque la trentaine semblait-il. Aveuglé ou non par mon ressentiment, je sus dès le premier regard que je n'apprécierais pas cet homme. Ses yeux saphir, dont l'orbite était remplie de rancœur à notre égard, nous fixaient avec attention. Il comptait bien nous faire payer l'affront que nous venions de faire subir à la Griffe Bleue.
Je scrutai ensuite la mage de l'Eau, celle-ci s'était enfermée dans un mutisme certain. Je me décidai finalement à ouvrir le dialogue en premier :

-  Rendez-nous Aerin sans faire d'histoires et nous vous épargnerons !

- C'est plutôt à moi de vous dire cela : Fichez le camp tout de suite ou subissez notre courroux ! nous prévint le mafieux aux cheveux bleus qui devait probablement être le chef de cette petite bande.

-  Je répète : Rendez-nous Aerin !

- Il en est parfaitement hors de question, affirma l'homme en étirant un sourire narquois.

Un véritable dialogue de sourds. Cette dernière phrase enclencha de suite en moi la montée irrépressible d'une fâcheuse colère. Ce gangster se moquait ouvertement de nous. Je ne me le fis pas dire deux fois et, sans hésiter, je tentai de le faire suffoquer, de l'étouffer en pressant l'air ambiant contre sa gorge. Cette rage qui lui était destinée, à lui, l'auteur de toute cette mascarade, je l'avais auparavant déversée sur des innocents. Je dégainai mon arme avec hargne. J'allais désormais réparer mon erreur, cet homme aurait le droit au tranchant de mon épée !

À la seule écoute de mon cœur, je me précipitai vers mon nouvel ennemi. L'homme demeura immobile, il ne pouvait plus bouger, plus parler. Ces acolytes voulurent l'aider mais furent aussitôt freinés par les miens. Nous avions l'avantage de la magie. Arrivé à sa hauteur, je brandis ma lame pour lui asséner un coup. Tous mes sens étaient désormais aveuglés par mon objectif, comme si je n'étais plus que dans un cocon de haine. Ce fut ainsi que je ne pris pas en compte l'expression d'Aerin, ni ce long "Non" être crié. Mais ce fut seulement lorsqu'elle se jeta entre nous pour servir de bouclier au chef des mafieux que je réagis. Je freinai précipitamment mon mouvement et relâchai par la même occasion la pression que j'effectuai sur la gorge de ce dernier, déconcentré. Cependant le coup était déjà parti. La mage me jeta un regard ahuri. Je retirai ma lame ensanglanté du flan du scélérat et celui-ci s'écroula à genoux. La portée disparue se précipita sans attendre au chevet du blessé.
Fâché d'avoir raté une occasion de mettre un meilleur coup à son ravisseur, j'interrogeai d'emblée mon amie :

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