RaphaëlLe lendemain matin, je me levai avec entrain. Ma place de candidat confirmée, mes doutes s'étaient apaisés pour laisser place à l'enthousiasme des beaux jours. Après m'être habillé, je partis déjeuner au réfectoire comme en chaque début de journée. J'avais hâte de m'entraîner, il ne me restait plus que deux jours pour me perfectionner. Alexandre et Aerin me rejoignirent puis après manger nous nous rendîmes dans la cour. Traska vint à notre rencontre peu après, accompagné d'une présence étonnante.
- Arslan ?
Il nous salua dans un sourire aimable. Je lançai un regard à la grande femme, intrigué par leur duo.
- Je ne savais pas que vous étiez amis, commentai-je.
- Nous sommes même les meilleurs amis du monde ! confirma Traska en passant un bras par dessus les épaules du chevalier.
- Vraiment ?
Je manquais souvent d'observation chez les gens, ce n'était pas la première fois que je ne remarquai pas ce genre de chose.
- J'ai été beaucoup pris par les missions cette année, m'apprit Arslan. C'est sûrement pour cette raison que tu ne me connaissais pas et que tu ne nous avais jamais vus ensemble auparavant.
- Oh, d'accord... Je comprends.
Rassuré de savoir que mon ignorance n'était cette fois pas tout à fait ma faute, nous pûmes passer à un autre sujet, celui de leur venue : l'entraînement. Tour à tour, nous combattîmes ensemble, sans relâche et dans la bonne humeur.
La matinée passa ainsi jusqu'à ce qu'un nouveau pays participant au Tournoi sonne le glas de son arrivée. C'était au tour de l'immense Coalition d'Éphésis d'entrer en scène. Nous nous préparâmes afin d'accueillir nos invités comme il se devait.
Cette nation fonctionnait de manière plutôt étrange. Les habitants vivaient en clans, parfois nomades. C'était des chasseurs nés qui savaient s'adapter au climat rude pour survivre et faire prospérer les leurs. Les villes étaient donc extrêmement rares et réservées aux passages. Seuls quelques commerçants y vivaient, bien souvent des bannis ou des rejetés. Mais plus intéressant encore, les clans étaient parvenus à s'unir sous une même égide après une longue période de querelles passées. Leur état tenait à présent d'une coalition entre tous les clans et était dirigé par un conseil constitué des chefs les plus influents.
- L'on raconte qu'à Éphésis, des terres de glaces et des forêts de sapins s'étendent à perte de vue et que la neige ne s'arrête quasi jamais de tomber, narra Aerin. J'aimerais bien voir ça.
Il n'y avait rien d'étonnant dans ce cas à ce que le pays frontalier au nôtre par l'ouest soit connu pour la robustesse de ses guerriers. La force était d'ailleurs pour eux un pilier fondamental. Les forts vivaient tandis que les faibles mourraient, incapables de survivre face à la nature sauvage. Tout était basé sur ce principe si bien que les mieux taillés dans ce roc étaient propulsés en tête de clan.
Les Éphésians arrivèrent enfin accompagné de portes étendards aux images de leur blason, symbole d'unité : un loup sauvage piqué d'aussi nombreuses flèches qu'il y avait de clans. Tous avaient voyagé aux dos de chevaux massifs à poils longs. En tête de file, le chef de tous les chefs se présenta à nous : le seigneur Rorek. Je l'imaginais plus jeune. En réalité, c'était un petit homme aux cheveux grisonnants. Les guerriers qui l'accompagnaient étaient probablement eux aussi des représentants du conseil ou bien les bras droits de ceux-ci. Leurs traits étaient durs et leurs visages fiers. Ils étaient pour le moins intimidants. La lutte qu'ils avaient mené toutes leurs vies pour survivre dans ce chaos froid se ressentait au premier regard.
Après quelques échanges de politesse, le roi proposa à Rorek de rester séjourner au château. Celui-ci déclina l'offre, préférant rester aux côtés des siens et tenant à garder un traitement égal. Les Éphésians accompagnèrent le roi à l'intérieur après être descendus de leurs montures, dont les écuyers royaux prendraient soin en l'absence de leurs propriétaires.
Le scénario se répéta en fin de journée. Encore une fois alignés et parés de nos uniformes de cérémonie, je commençais à me réjouir que seules cinq nations, dont la nôtre, eussent répondu présent au Tournoi ; plus de fioritures aurait été ennuyant.
Les premiers carrosses du Royaume pharaonique d'Érumë apparurent alors dans la cour du château. A contrario d'Éphésis, Érumë était un pays chaud et recouvert de vastes déserts. Mais il s'agissait aussi du seul état participant au Tournoi à ne pas être nos voisins directs, ni à nous ni aux autres participants d'ailleurs. En effet, leurs territoires se trouvaient très loin au sud, par delà la mer.La très jeune reine Valda sortit d'un véhicule. Apparemment sa mère était morte il y a seulement quelques mois en lui laissant un trône vide. Encaisser toutes ces responsabilités d'un coup ne devait pas être simple. La petite femme était escortée de guerrières solidement musclées à la peau mate et aux tenues légères qui la faisait paraître pour plus frêle que ce qu'elle n'était. À vrai dire, elles étaient d'une beauté exotique comme jamais vu à Alanya. À cette vision, Peter ne tarda pas à se pencher vers Alexandre et moi pour commenter à voix basse :
- Je vous l'avais bien dit que les Érumiennes du Tournoi étaient magnifiques !
Alexandre ricana discrètement à l'entente de ces paroles. Le chevalier châtain souriait, il devait déjà penser aux futures conquêtes qu'ils se feraient parmi leurs rangs. Il était vraiment incorrigible. Pour ma part, je préférai ne faire aucun commentaire sur leur physique, à la place je questionnai le chef aux yeux verts :
- Pourquoi n'y a-t-il que des femmes ?
- Les soldats d'Érumë pratiquent le bōmatrag, c'est un art martial très difficile qui demande beaucoup d'agilité. Les femmes étant naturellement plus souples et véloces que les hommes sont par conséquent bien meilleures dans cette pratique. Une élite guerrière s'est même formée pour privilégier les cent meilleures combattantes du pays. On les appelle les Maharibes.
- Les Maharibes... me répétai-je pour moi-même.
En effet, j'en avais déjà entendu parler. Elles étaient connues sur tout le continent pour être de redoutables guerrières qu'il valait mieux ne pas avoir à affronter. Je les observai attentivement et ne pus m'empêcher de les trouver... déroutantes. Elles ne semblaient pas apprêtées pour le combat mais plutôt pour la danse, ainsi vêtues de leurs larges et fluides vêtements qui laissaient paraître ventre et épaules. J'avais beau essayer, mais malgré leur musculature, je n'arrivais pas à les voir comme leur rôle le sous-entendait. Leur charme et leur belle apparence surclassaient de loin tout le reste.
Comme pour contredire mes pensées, l'une des escortes de la reine nous jeta soudain un regard sévère en remarquant notre agitation. Étonnement, elle était la seule à être recouverte de la tête au pied par de longues étoffes orangées. Les deux panthères symétriques du blason du royaume étaient d'ailleurs brodées dans son dos.
Sans tarder, un inexplicable frisson nous parcourut tous trois. Peter nous apprit aussitôt en chuchotant :- Je la reconnais ! C'est la chef des Maharibes et la générale des armées d'Érumë ! C'est Satsuki Palmr, la gagnante du Tournoi Inter-Cité d'il y a cinq ans !
Alexandre et moi lui jetâmes un œil stupéfié. Cette femme avait remporté la dernière édition du Tournoi ? Je tentai d'apercevoir son visage sans parvenir a détailler le moindre de ses traits. Elle était cachée sous un drapé qui recouvrait ses cheveux et tout le reste.
- Comment as-tu fait pour la reconnaître ? Je la vois à peine ! se plaignit le blond.
- J'ai l'œil, affirma le mage de l'Eau dans un sourire espiègle.
Nous reportâmes à nouveau notre attention sur les étrangères. Le roi Haldir discutait avec la reine et Satsuki qui semblait avoir un rôle de bras droit en plus de son grade.
- Ne les sous-estimez surtout pas, ce sont de farouches guerrières, ajouta Peter.
Comme il le soulignait, j'avais failli me laisser piéger, endormir par leur apparences sucrées.
Décidément, avec de tels guerriers dans chaque camp, les combats promettaient d'être palpitants.*
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Lames d'Argent
FantasyÀ la fois mages et guerriers, les Lames d'Argent sont l'élite des chevaliers du Royaume d'Alanya. Seulement, la situation se dégrade sur le continent. Entre le poids d'une vieille rivalité impériale et de mystérieuses factions qui émergent dans l'om...