50× Brûlée

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Blake

L'heure de mon exécution publique était enfin arrivée. Deux gardes avaient été tenus de m'escorter de mon cachot jusqu'au bûcher. Je n'avais même pas essayé de résister. Je me sentais si faible, j'arrivais à peine à marcher si bien que les soldats durent me tirer de force pour me faire avancer. Tout ce mal être était non seulement causé par la faim mais aussi par ces foutues menottes en Arkaïte qui aspiraient petit à petit mon énergie vitale. Je n'avais jamais expérimenté de rester aussi longtemps en contact avec cette pierre auparavant, mais désormais je savais que je ne le voudrais plus jamais. Se sentir aussi vide, aussi impuissante, était une sensation des plus désagréables.

Je franchis finalement le premier pas vers l'extérieur et fus aussitôt enveloppée par la fraicheur de la nuit. Je fermai les paupières et humai l'air à plein poumon. C'était si bon de pouvoir respirer ce vent nocturne et revigorant. Lorsque je les rouvris je pus constater l'étendue de visages haineux qui m'observaient, déformés par la lumière vacillante des torches. D'innombrables Xilliens rassemblés sur la place scandaient des injures à mon intention. Apparemment mon exécution devait être un spectacle aux yeux de tout ce beau monde.

Je relevai la tête et redressai le dos malgré le peu de forces qu'il me restait. Je marcherais d'un pas digne et fier jusqu'à la fin et ne laisserais à personne le plaisir de me voir aussi affaiblie. Avec calme, je traversai l'assemblée maintenue par les soldats. Je me sentais étrangement détachée de la réalité comme si moi aussi j'étais dans le public et que je me regardais avancer d'un regard peu concerné. J'en profitai pour parcourir lentement la foule des yeux. Tous ces gens paraissaient emplis de haine à mon égard. Comment le pouvaient-ils alors que nous ne nous connaissions même pas ?

J'allais être exécutée là où j'aurais simplement dû être tuée douze ans plus tôt. Je mourrais ici, à Chains, ma ville natale. Lieu de la bataille fatidique où mon peuple s'était battu contre l'ancien Royaume de Xeltos, Royaume devenu dès lors un tout puissant Empire. En tant que dernière représentante d'Ambrasia, j'allais enfin trouver la mort là où j'aurais dû la rencontrer depuis bien longtemps. Le destin me rattrapait.
Alceste était désormais le seul à pouvoir porter les derniers espoirs de notre défunte nation et à pouvoir se venger de cet Empire maudit. L'ex-général ne devait surtout pas succomber à son tour.

Je balayai une dernière fois la populace du regard dans l'infime espoir de voir un sauveur apparaître. Contre toute attente, j'aperçus alors, le seul et l'unique, Hadrian. Debout au beau milieu de la foule survoltée, il était lui aussi enchaîné à ses menottes et au garde qui l'accompagnait. Malgré l'avoir reconnu innocent, les forces de l'ordre le maintenaient apparemment toujours captif. Les soldats l'avaient probablement autorisé, ou peut-être même obligé, à assister à ma pénitence. Traversé par une aura lumineuse, le regard du séduisant brun avait pris des teintes rougeoyantes pour pénétrer jusqu'au plus profond de mon âme. Il me fixait avec intensité. Comme à son habitude, son visage demeurait de marbre ; seulement aujourd'hui, ses yeux brillaient d'une inquiétude qui trahissait ses véritables émotions. Il semblait paniqué, bouleversé comme je ne l'avais jamais vu auparavant. La situation échappait à son contrôle et il détestait ça.

Désormais nous étions deux à ne plus nous quitter du regard, inévitablement hypnotisés l'un par l'autre. Ma route m'amena finalement à le croiser. Quand je fus à proximité de lui, je décontractai tous les muscles de mon visage et étirai mes lèvres dans un discret sourire que je tentai de faire paraître le moins affaiblie possible. Celui-ci fut aussitôt accompagné d'un clin d'œil complice destiné à rassurer mon acolyte. Hadrian parut d'abord interloqué par ce revirement d'expression, néanmoins, il parut petit à petit comprendre. Sans être totalement confiant, il acquiesça d'un faible mouvement de tête, stabilisant ses traits dans une mine sérieuse et un regard déterminé. Il avait compris mon plan et, bien qu'il émette quelques doutes en sa réussite, il était pleinement prêt à le suivre.

Lames d'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant