48× Chains

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Blake

Deux jours plus tard, nous parvînmes enfin à Chains, exténués. Hadrian pensait que l'on trouverait ici une solution pour rentrer chez nous. Peut-être dénicherait-on quelqu'un pour nous ramener aux frontières ? Le trajet avait d'ailleurs profité de sa longueur pour nous rapprocher quelque peu lui et moi. Bien sûr, je n'irais pas jusqu'à dire que je l'aimais bien, jamais, mais plutôt que je le détestais un peu moins. Cependant, son étrange caractère le poussait parfois à redevenir froid après quelconques rapprochements, ce qui pourrait être considéré comme assez blessant si l'on ne le connaissait pas

Alors que nous arpentions les rues de dalles blanches, je redécouvrais avec curiosité cette ville qui fut mienne douze ans en arrière. La voir à nouveau pleine de vie comme jadis son invasion me procura une curieuse sensation d'irréalisme. Tout était comme si jamais rien ne s'était passé. Pourtant le contraste entre l'ancienne capitale faite de pierres grises et les constructions d'architecture Xillienne qui dénotaient par leur blancheur me prouvait bel et bien une telle réalité. L'Empire frontalier au Royaume d'Alanya n'avait pas tardé à répandre sa culture sur la région après sa conquête et, désormais, Chains était entièrement leur.

Sur le chemin, je remarquai que certains habitants traînaient péniblement des entraves aux chevilles. Je les regardai tristement. Ces esclaves faisaient probablement des emplettes pour leurs maîtres. Il ne m'avait jamais été donné d'en voir auparavant marcher ainsi dans les rues d'une ville, à la vue de tous. Cette vision me le rappela : l'esclavage était légal à Xeltos. Un tel spectacle aurait très probablement mis cet imbécile de Raphaël hors de lui.
Nous rejoignîmes finalement une grande place. Son centre était gouverné d'une intrigante estrade de pierres albes finement décorée et dont le milieu ressemblait à une sorte d'autel brûlée.

- Qu'est-ce que c'est ? questionnai-je Hadrian.

J'avais beau observer le monument inconnu, je ne pouvais qu'affirmait n'en avoir jamais vu auparavant, ni ici ni à Alanya.

- Je n'en suis pas totalement sûr mais je crois qu'il s'agit d'un bûcher.

Je ne répliquai rien et continuai à observer l'installation. Hadrian avait vraiment réponse à tout. Les journées qu'il avait passé à hiberner dans la bibliothèque du château l'avaient excessivement instruit.

- Cet autel sert à brûler vives des mages, lâcha le brun du ton calme qu'il avait l'habitude d'employer.

Un frisson me parcourut. Les exécutions, aussi horribles fussent-elles, servaient d'exemples et de moyens de dissuasion auprès du peuple. Je ne pus alors que constater tristement que Chains avait bien changé, même de l'intérieur.
Nous passâmes vite notre chemin et nous concentrâmes sur l'essentiel : la faim. Nos réserves de vivres étaient arrivées à court, nous devions donc trouver à manger au plus vite. La méthode employée n'était même plus la question : nous allions voler évidemment.

- Séparons-nous cette fois. À deux, nous ne serons pas discrets auprès des marchands.

J'approuvai encore une fois ce plan et il s'en alla. Je m'y connaissais en vol à l'étalage, j'avais dû survivre ainsi après ma fuite d'Ambrasia.
Désormais seule, je m'avançai dans la rue adjacente à celle où s'était rendu mon chef. Je scrutai attentivement chaque étal, chaque personne et chaque marchandise, j'étais dans mon élément.
Je repérai un vendeur de pommes. Je m'approchai de l'éventaire tout en gardant tout de même une distance de sécurité qui me permettait de rester discrète. J'aimais beaucoup ces fruits, ils étaient faciles à voler et plutôt nourrissants.

Quand le commerçant ciblé tourna enfin la tête à l'opposé de l'aliment convoité, je bondis vers sa marchandise. J'attrapai une pomme que je cachai dans les plis de ma robe. Je tentai d'en dérober une seconde que je lâchai aussitôt dans un sursaut quand j'entendis une voix crier à mon égard :

Lames d'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant