40× Famille Déchirée

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Aerin

Nous demeurâmes paralysés face à une telle atrocité. Le visage d'Allen se tordait de douleur alors que les ongles plantés dans son cou s'enfonçaient toujours plus profondément dans sa chair. Il commençait déjà à suffoquer.

- Non ! cria Gabriel qui se jeta sur eux après une brève léthargie.

Dans sa charge, le garçon parvint à faire tomber son père à la renverse pour le plaquer au sol avec lui. Sa tentative avait réussi car ce dernier lâcha aussitôt le fils qu'il faisait souffrir. Celui-ci s'écroula sur le côté en tentant bruyamment de reprendre son souffle. Ses plaies fraîches le vidaient dangereusement de son sang.

Pour ma part, je fixai la scène avec de grands yeux éberlués. Je ne parvenais plus à agir, ni à bouger ni à parler. Gabriel essaya de se relever de son acte héroïque, seulement derrière lui, la silhouette menaçante de notre mère sortit à son tour de l'ombre. Elle brandissait une chaise au dessus de sa tête. Trop abasourdie, je me confortai dans mon mutisme et me contentai de l'observer avec terreur. Elle assomma le plus grand qui retrouva violemment le sol.

Tremblante, je demeurai paralysée ; je ne savais plus que faire. Que se passait-il ? Pourquoi nos parents réagissaient-ils ainsi ? J'étais morte de peur. Non sans difficulté, le garçon redressa un visage engourdi dont l'arcade sourcilière avait été fendue. Ses prunelles se plantèrent alors dans les miennes. Tandis que son corps semblait éteint, une lueur habitait toujours son regard. Son âme entière revendiquait haut et fort une envie de survivre qui ne l'épargnerait pas. Il me poussait à agir à mon tour, à ne pas laisser le destin se jouer sans moi.

La femme se débarrassa du meuble en l'envoyant sur le côté avant de se préoccuper à nouveau du sort de son fils. Elle se jeta sur lui et le maintint plaqué au sol par la nuque. Sans défense, Gabriel se retrouva totalement désarmé face à son agresseuse, aucun mouvement ne lui était désormais possible de faire.

Elle commença à lui asséner plusieurs coups de griffes que je vis de plus en plus flou tant mes yeux commençaient à s'embuer de larmes. Je ne pouvais dès lors que constater l'étendue des dégâts que provoquait ce mal sur l'état mental de nos parents. Ils se comportaient comme des bêtes sauvages. C'était comme s'ils tentaient à tout prix d'infecter leurs cibles à un sort semblable aux leurs.

Incapable de faire le moindre geste, je demeurais immobile face à mon fraternel. Celui-ci tentait vainement d'échapper aux tourments que lui infligeaient sa tortionnaire au prix de gestes illusoires. Comment pouvais-je le regarder lâchement se faire abattre ?

Mon père attira subitement mon attention, il s'était relevé. Nos regards se croisèrent alors, seulement je n'y rencontrai que la froideur du vide. Je frissonnai à cette vision, il était méconnaissable, comme dépourvu de toute son humanité. Finalement, il détourna les yeux, désintéressé de moi, et se dirigea à son tour vers Gabriel. Qu'allait-il entreprendre ? Je croisai à nouveau le regard empli de douleur de sa future victime. Mon cœur se serra. Non, je ne voulais pas qu'il lui fasse plus de mal !

À cet instant, mon esprit tout entier se réveilla et reprit enfin conscience. Je ne pouvais plus continuer de le voir être jeté à un si funeste sort ! Possédée par une force nouvelle, mes muscles se déraidirent et s'enclenchèrent vers mon nouvel objectif. Une montée d'adrénaline s'était emparée de moi.

- Non ! m'écriai-je avec l'énergie du désespoir.

Mes mouvements vifs et spontanés me menèrent tout droit en direction de notre géniteur que je poussai avec élan. Ce dernier bouscula sa femme d'une pierre deux coups ce qui l'empêcha de s'en prendre plus longtemps à mon frère. Désormais libre de ses mouvements, celui-ci tenta de reprendre ses esprits et de bouger. Je me hâtai à son chevet et lui tendis une main salvatrice qui l'aida à se relever, non sans quelques difficultés. Je le scrutai scrupuleusement, soucieuse de son état. Pourquoi diable avais-je autant tardé à réagir ?

Lames d'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant