18× Le Sauveur

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Aerin

Alors que je luttai contre les fantômes de mon passé, recroquevillée dans une position de repli,  je crus tout à coup entendre un grand bruit se distinguer dans le crépitement des flammes de l'incendie. Malgré les picotements de la fumée, j'entrouvris les yeux pour parvenir à apercevoir une nouvelle silhouette se dessiner au sein de la dense nuée. Celle-ci s'écria, affolée :

- Aerin !

Cependant cette voix me semblait lointaine, insuffisante à mon esprit pour me permettre de me raccrocher à elle. Brusquement les flammes mordantes et le gaz noir s'écartèrent de moi. Les fantômes disparurent et leurs murmures s'évanouirent en même temps, balayés par une mystérieuse bourrasque.
Seule cette dernière silhouette subsistait, qui était-elle ? Était-elle une ennemie venue m'achever ? Elle ne me paraissait pourtant pas si hostile...

L'être vivant se jeta vers moi en continuant de crier mon prénom. Dans un état de semi-inconscience, je me contentai de l'observer, telle une coquille vide abandonnée par ces émotions. L'arrivant finit par décider de m'installer sur son dos tout en me murmurant ce qui ressemblait à des paroles rassurantes. Il me porta ainsi jusqu'à la porte grande ouverte de la pièce. Celui-ci ramassa mon épée et la rangea dans mon fourreau. L'odeur de mon bienfaiteur m'était étrangement familière. Ma vision se précisa peu à peu pour mieux me laisser distinguer les formes et les couleurs.

- Raphaël... murmurai-je si bas que même lui n'entendit rien.

D'instinct, je savais qu'il s'agissait de lui, même si je ne pouvais pas en être totalement certaine. Mon sauveur m'emmena et nous traversâmes le trou de la fenêtre s'étant élargi, probablement rendu inoffensif par ses soins. Une fois dehors, nous fûmes enfin hors de risque, hors de la fournaise cuisante de cet Enfer. Il se mit ainsi à progresser dans la nuit noire du mieux qu'il le put, de manière saccadée, faisant tout pour ne pas me lâcher. Je l'entendis même pester de son propre manque de force. Malgré tout, malgré la difficulté, il continuait à avancer, à fuir le danger, avec le poids mort que je lui constituais.

- Raphaël...? C'est toi...? parvins-je finalement à prononcer d'une voix plus distincte.

Celui-ci s'arrêta net pour s'exclamer avec un élan d'espoir :

- Aerin ! Tu vas bien ? Que s'est-il passé ? Tu m'as fait tellement peur !

- Je...

Tout à coup, ma violente toux reprit, m'empêchant de continuer ma phrase. De par l'assaut de mes mouvements brusques, le jeune homme aux cheveux blancs lâcha prise et je m'écroulai dans l'herbe. Nous avions déjà parcouru un bon bout de chemin, nous nous trouvions désormais dans un champ à proximité du village. Celui-ci s'accroupit aussitôt à mes côtés, paniqué.

- Aerin !

Je ne pus répondre. Je m'étouffais, me tordais de douleur dans l'herbe. La fumée logée dans mes poumons tenait finalement à sortir. Ma gorge brûlait, assaillie de quintes effrénées. Raphaël, affolé, ne savait que faire pour m'aider. Il demeura accroupi à mes côtés, mû d'un sentiment d'impuissance qu'il détestait.

Durant cet atroce moment, les souvenirs de l'incendie me revinrent en mémoire. Lorsque ma toux se calma, je me jetai presque aussitôt dans les bras de mon ami, les larmes aux yeux. Celui-ci demeura abasourdi par mon geste. Je l'enlaçai du plus fort que je le pus, de peur que si je ne me raccrochais à rien, mes hantises reviendraient immédiatement me happer.

- C'était affreux... murmurai-je sous le choc.

Raphaël me rendit mon étreinte avec douceur.

- J'ai vu les fantômes de ma famille ! Ils sont apparus dans la fumée !

Lames d'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant