52× Faiblesse

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Blake

Nous nous arrêtâmes aux abords d'une forêt éclairée par la lune après un trajet silencieux terminé au pas de course. Les habitants de Chains n'avaient heureusement pas osé nous poursuivre dans l'obscurité. Haletante, je fixai mon chef, du moins ce qu'il voulait bien me montrer de lui. Ce dernier maintenait volontairement son visage hors de ma vue.

- Hadrian...? l'appelai-je faiblement.

Que se passait-il ? Mon esprit se brouillait quand je repensais aux derniers événements. L'Arkaïte avait formé un voile brumeux sur mes pensées lorsque je portais encore mes menottes. J'observai mes paumes intactes avec incompréhension. Je croyais pourtant être passée de vie à trépas. Je n'avais pas rêvé, c'était sûr, alors que faisais-je encore ici ? Les images des flammes qui m'avaient entourée et du son des cloches qui avait résonné à mes oreilles me hantèrent alors. Mon visage effrayé prit aussitôt refuge dans mes mains. Je secouai la tête en tous sens pour tenter de me débarrasser de ces pensées destructrices qui réduisaient en miettes mon esprit.
Chancelante, je reportai à nouveau mon attention sur mon compagnon de route. Sans m'en rendre compte, mon regard était devenu suppliant. Je cherchais seulement un peu de réconfort auprès de lui.

- Hadrian...

Il ne me prêta pas pour autant la moindre considération. Il semblait chercher quelque chose autour de lui. Était-il délibérément en train de m'ignorer ? L'homme aux cheveux noirs se mit finalement à bouger pour aller s'agenouiller face à un rocher. Il leva les bras le plus haut possible avant de les descendre avec vitesse pour fracasser les menottes toujours accrochées à ses poignets. Il répéta le mouvement d'une hargne inlassable, frappant la roche du plus fort qu'il le pouvait. Mais l'Arkaïte ne cédait pas. En effet, cette pierre cumulait des effets "anti-magie" à la réputation d'une grande solidité.
Hadrian s'obstina néanmoins, ses mains et ses poignets commencèrent dès lors à se tâcher de sang.

- Arrête, tu ne peux pas en venir à bout aussi facilement ! m'indignai-je.

Il ne m'écouta pas le moins du monde et ne freina pas sa cadence.
Je me précipitai alors sur lui et le serrai contre moi afin de l'empêcher de faire à nouveau l'usage de ses bras.

- Arrête je te dis... répétai-je à son oreille.

Peu à peu, je sentis ses muscles se détendre. Il semblait s'être un brin apaisé en atténuant, par la même occasion, cette rage folle qui était venue le posséder. Je pus dès lors constater que du sang ruisselait de ses plaies fraîchement ouvertes et que des hématomes parsemaient sa peau. Le brun baissa la tête et murmura affaibli, d'une voix empli de remords qui semblaient lui enserrer la gorge :

- Je suis un incapable... Je ne mérite que la mort...

Choquée par de telles affirmations qui ne ressemblaient en rien à mon chef, je démentis :

- Où es-tu allé chercher ça ? Tu sais bien que c'est parfaitement faux !

- Je t'ai déjà tué une fois, ça ne te suffit pas ?

Je le dévisageai avec incompréhension, était-il devenu fou ? Comment pouvait-il affirmer m'avoir déjà tuée ? Des douleurs fictives s'emparèrent brusquement de moi : les affreux souvenirs du bûcher.

- Qu'est-ce que tu racontes ?

- Tout ce qui t'es arrivée est de ma faute... Je t'ai causée du tort et je ne me le pardonnerai jamais.

- C'est faux... Rien n'est de ta faute, c'est entièrement de la mienne ! Tu as essayé de me retenir d'agir quand j'ai voulu aider cette gamine !

- Je ne parle pas de ça. J'ai attiré le malheur sur toi. Tu étais condamnée depuis le début par mon unique faiblesse.

Lames d'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant