19× Du Soir au Matin

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Raphaël

Je demeurais là, immobile et sous le choc. Trop abasourdi, pour comprendre ce qu'il avait bien pu se passer. Une chose était sûre : nos montures s'étaient volatilisées. Comment était-ce possible ? Comment avaient-elles pu disparaître ?

- Regarde, m'indiqua Aerin en pointant le sol.

Par terre gisait encore le bout d'une longe en cuir noir qui semblait avoir été coupée trop proprement pour s'être simplement déchirée.

- Quelqu'un les a délibérément laissés partir...

Je réfléchis quelques instants, qui auraient bien pu vouloir nous nuire de la sorte ? Il n'y avait que peu de chances que des Enfants Maudits se soient aventurés jusqu'ici. J'en conclus donc :

- Partons sans plus tarder, quelqu'un nous a peut-être tendus un piège.

Sur ces mots, je me mis en route vers la forêt, à la recherche d'une planque pour le reste de la nuit. Le trajet fut laborieux avec la guerrière de l'Eau dans mon dos mais j'avançai tant bien que mal, aussi vite que je le pus. La mage, quant à elle, demeurait silencieuse, exténuée après de telles mésaventures. À l'atteinte d'un endroit surélevé, je jetai un regard en contrebas. L'incendie commençait tout juste à se calmer alors que les villageois s'attelaient à éteindre les feux avec empressement. Les pilleurs semblaient avoir définitivement quitté les lieux, ils avaient probablement établi un campement un peu plus loin.

Je continuai ma route jusqu'à l'orée de la forêt. Heureusement, notre point de départ n'en était pas très éloigné sans quoi mes muscles ne m'auraient pas permis de tenir bien longtemps. Une vive sensation de brûlure que je tentais en vain de dompter commençait déjà à les parcourir. Nous pénétrâmes au sein de la sylve. Je levai la tête et scrutai la cime des arbres alentours en quête de branches assez puissantes pour nous permettre de nous y assoupir. La tâche se révéla ardue, l'obscurité entravait grandement mon champ de vision. Aerin, elle, demeurait immobile, la joue collée contre mon dos. Peut-être dormait-elle déjà ?

Je repérai alors un chêne imposant, assez haut et assez solide pour que nous y soyons en sécurité le temps d'une nuit. Je me rendis au pied de son tronc et aidai ma sœur d'arme à descendre de mon dos avec délicatesse. Une nouvelle question vint sitôt me percuter la pensée. Je dévisageai la guerrière d'un regard perplexe, pourrait-elle aussi grimper ?

- Eh, ne t'endors pas tout de suite, lui murmurai-je en voyant qu'elle somnolait dangereusement.

Elle hocha la tête et, en m'observant, comprit d'emblée la nature des doutes qui me brûlaient les lèvres.

- J'y arriverai si tu me fais la courte échelle.

Je m'exécutai de suite. Avec agilité et malgré les nombreux maux qui la rongeaient, Aerin attrapa le gros bois au dessus de sa tête et s'y hissa par la seule force de ses bras. Quelques minutes plus tard, nous nous retrouvâmes postés sur deux branches différentes, en face l'une de l'autre. J'avais trouvé l'arbre parfait, nous y serions incontestablement en sécurité pour cette nuit, sans oublier l'épaisseur suffisante de ces branchages qui nous permettaient de pouvoir nous y allonger convenablement.

Avant que je n'eusse le temps de lui indiquer que je montais la garde, celle-ci s'endormit d'un sommeil profond. Je soupirai avant de me mettre à contempler le peu d'étoiles que les feuillages naissants me permirent d'observer. L'aube ne se lèverait probablement que dans quelques heures.

Je demeurai ainsi alerte tout ce temps, sondant avec vigilance chaque ombre qui pourrait se faire suspecte. Lorsque les premiers rayons du soleil se mirent finalement à transpercer la forêt de son éclat blanc, il n'en fallut pas plus à Aerin pour se réveiller. Perdue, elle inspecta lentement les alentours avant de poser ses prunelles encore ensommeillés sur moi. La fille des eaux se redressa brusquement, d'une énergie retrouvée. Elle fronça des sourcils en comprenant la situation.

Lames d'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant