69× Nos Réels Sentiments

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Blake

Ma cage thoracique se soulevait avec hâte, manifestation de mon souffle effréné. Je m'entraînais depuis déjà plusieurs heures en compagnie d'Hadrian. Cela faisait un mois que nous nous retrouvions dans cette salle d'entraînement du château, seuls tous les deux. Personne ne venait jamais ici, excepté en cas de pluie ; les autres chevaliers préféraient nettement se battre dans la cour, surtout au vu du beau temps grandissant qui sévissait en ce moment. Au moins, personne ne me voyait me faire humilier à chaque combat. Le chef du Feu me menaça de son épée de bois. Il venait de me désarmer, encore.

- Nous devrions faire une pause. Tu as l'air exténuée, affirma-t-il d'un ton neutre.

- Non, continuons ! protestai-je bien que dégoulinante de sueur.

- Comme tu voudras.

Après avoir ramassé mon arme, nous repartîmes dans l'énième affrontement de la journée. J'avais encore de gros progrès à faire. Mes pensées dérivèrent sur le visage de Freya, la Maudite qui m'avait malmenée sans que je ne pusse répliquer. C'était pour vaincre ce genre d'adversaire que je me devais de devenir meilleure. J'étais déterminée à m'endurcir.

Hadrian me désarma à nouveau. À ce jour, je n'avais encore remporté aucune victoire face à lui. Je l'observai en reprenant mon souffle, sans pouvoir m'empêcher d'y voir mon parfait opposé. Il brillait là où je pêchais et peinait là où cela m'était naturel. Au cours de ces dernières années, il avait passé son temps à s'entraîner ou à lire, contraint par sa malédiction. Pourtant, encore quelques temps auparavant, je le détestais pour cette même raison, cette même expression indifférente qui ne quittait jamais son visage et qui lui conférait, à mon sens, un air méprisant.

Mais maintenant que je savais tout, je l'admirais beaucoup.

- Cette fois on fait une pause, tes capacités se sont vraiment amoindries avec la fatigue. Et tu ne discutes pas.

Je l'écoutai cette fois sans broncher et partis m'asseoir plus loin. Il avait raison, j'étais exténuée. Pensive, j'essuyai mon visage dans une serviette. Sans pouvoir me l'expliquer, je ressentais un sentiment étrange et inconnu envers Hadrian. Un sentiment ambigu qui forçait mon cœur à battre à tout rompre. Le beau brun vint m'apporter une gourde d'eau fraîche que je saisis en le remerciant brièvement. Et lui, que pensait-il de moi ? Difficile de savoir ce en quoi il songeait. Après avoir vidé l'entièreté du contenu, j'affirmai :

- Tu es vraiment courageux d'avoir tenu jusque là. À ta place, je n'aurais jamais pu. Je serais restée alliée avec les autres Enfants Maudits.

Le concerné s'assit à côté de moi puis prononça :

- Tu ne m'en veux pas ?

- De quoi parles-tu ? Pourquoi t'en voudrais-je ? Tu es quelqu'un d'admirable ! Tu as sacrifié ton plaisir personnel au service de ce qui te paraissait juste !

- C'est pourtant par ma faute que tu as été brûlée vive... murmura-t-il d'un ton plein de remords.

Les images du bûcher me revinrent violemment en tête. J'eus un pincement au cœur et tentai à tout prix de les chasser de mon esprit pour rassurer mon interlocuteur :

- Tu n'as jamais choisi de naître avec cette foutue malédiction ! Même la Déesse Lévanah a reconnu ta valeur et t'a rendu le droit d'aimer comme tout être humain !

Tourmenté, Hadrian baissa la tête et rétorqua :

- Mes fautes envers toi sont irréparables... Je t'ai vue la dernière fois frissonner à la vue d'une simple torche. Tu as désormais peur du feu, de ton propre élément. Dis-moi, combien de fois as-tu utilisé la magie depuis que nous sommes rentrés ?

J'aurais aimé qu'il ait tort, mais cet homme avait toujours raison, quoique j'y fasse. J'avais vécu un traumatisme tel que depuis je ne parvenais plus à regarder de paisibles flammes sans voir ma hantise au travers.

- Aucune... avouai-je.

- Je m'en doutais, conclut-il en se levant. Je devrais simplement m'éloigner de toi afin de ne plus jamais te causer de torts.

Mon cœur rata un battement à l'entente de cette annonce. À mon tour, je me levai précipitamment pour le retenir alors qu'il amorçait déjà un mouvement vers la sortie. Sans hésiter, j'enroulai mes bras autour de son corps et enfouis ma tête dans son dos.

- Non ! Ne me laisse pas... le suppliai-je d'une voix faible qui ne me ressemblait en rien.

Lorsque je réalisai que j'étais en train d'étreindre mon chef, je m'écartai subitement, rouge de honte à l'idée d'avoir succombé aussi facilement à mes plus bas instincts.

- Si tu as tant envie de te repentir, tu n'as qu'à faire en sorte de me réapprendre à aimer le Feu ! tentai-je de me rectifier la tête haute, d'une voix pleine de fierté.

Hadrian me dévisagea, étonné par mes dires et mes actions, mais finit tout de même par lâcher un sourire sincère. Comment parvenait-il à être aussi charismatique ? À elle seule, sa douce expression avait criblé mon cœur de flèches enflammées. Silencieusement, le mage aux cheveux noirs m'observa droit dans les yeux tout en se penchant plus près encore de mon visage. Je me sentis alors rougir face à cette soudaine proximité. Même son souffle bouillant m'était désormais perceptible. Mon cœur battait à toute allure. Cherchait-il donc à me tuer ? L'impénétrable jeune homme répondit enfin, sans pour autant briser la tension qui s'était installée :

- Vos désirs sont des ordres, princesse.

"Princesse", je n'avais pas entendu ce titre depuis bien longtemps. Ce que je lui fis remarquer dans un murmure amusé :

- Tu te mets à l'ironie maintenant ?

- J'essaie.

À ces paroles, un nouveau silence fit le signe de sa venue. Mon chef m'observa attentivement, puis finalement, il se pencha d'autant plus vers moi jusqu'à ce que l'inéluctable se produisît. Nos lèvres se frôlèrent pour finalement se rencontrer pleinement. Le temps me parut brusquement s'arrêter. Abasourdie, je le dévisageai les yeux écarquillés. Hadrian, lui, ferma les siens afin de profiter au maximum du moment présent. Il s'était intégralement laissé aller à ce baiser impromptu. Moi au contraire, je demeurai figée, ne réalisant pas tout à fait ce qui était en train de se produire. Cependant je pouvais dès lors affirmer que mon cœur avait lâché pour de bon. Comment en étions-nous arrivés là ? Pourquoi faisait-il une chose pareille ? Entretenait-il ce genre de sentiments depuis longtemps ? Celui-ci se sépara doucement de moi, mettant alors fin à un baiser qui fut bien trop court à mon goût.

Nous nous observâmes droit dans les yeux un instant, son regard était empli d'une douceur peu commune chez lui. Finalement, je profitai de sa proximité pour m'approcher de lui et l'embrasser, désirant plus que tout goûter à ses lèvres une seconde fois. Ce coup-ci plus détendue, je pus fermer les yeux à mon tour. Alors qu'il ne savait pas quoi faire de ses mains au début, Hadrian passa l'une d'elle dans ma nuque afin d'approfondir ce nouveau baiser. Encore une fois, nous y mîmes un terme avec regret. Son contact était étrangement hypnotisant. Nous décollâmes délicatement nos visages l'un de l'autre afin de nous contempler mutuellement. Laissant s'écouler quelques instants de calme, le brun me souriait avec bienveillance avant de finalement jurer :

- Je ferai tout pour te rendre heureuse...

Je souris à mon tour et posai une main sur sa mâchoire. Je ne pus alors qu'admirer l'harmonie de ses traits. Cet homme était devenu le plus beau à mes yeux.

- Et moi je ferai tout pour m'endurcir et pour pouvoir te protéger en retour, déclarai-je solennellement.

Désormais tout était clair pour moi, je n'étais jamais parvenue à me l'avouer jusque là mais...
J'aimais sincèrement Hadrian d'un amour réciproque.


*

Youhou, premier baiser de l'histoire ! J'espère que ce petit couple vous plait !

Je viens aussi vous annoncer que j'ai écrit une nouvelle sur les jeux d'argent : "L'Héroïne du Casino". Comme vous l'aurez remarqué, l'histoire se passe dans un casino et aborde divers thèmes dont la dépendance aux jeux et la triche. Allez voir si l'envie vous en prend, surtout si vous aimez le poker !


Lames d'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant