39× La Pandémie

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Aerin

La nuit de l'assaut des Lames d'Argent sur le repaire de la Griffe Bleue avait été chaotique pour nous. Je me souvenais encore avec horreur de la plaie ouverte de Gabriel, des doigts plein de sang de Viktor alors qu'il tentait de faire stopper l'hémorragie et de cette agitation ambiante qui faisaient tournoyer mes sens en un douloureux capharnaüm. J'avais tant paniqué à l'idée de voir l'Histoire se répéter, de voir mon frère mourir à nouveau sous mes yeux. Mais, les Dieux soient loués, sa blessure ne s'était pas avérée aussi profonde que je me l'étais imaginée ; elle n'avait touché aucun organe vital. Mon intervention avait empêché Raphaël de lui porter un coup fatal. Cette seule pensée me laissa un goût amer en bouche. Comment mon ami avait-il pu blesser cet être si cher à mes yeux ? Cet inconscient avait encore bêtement foncé dans le tas sans chercher à comprendre la situation !

Je me remémorais avec mélancolie la scène où j'avais vivement rejeté les Lames d'Argent. Ils étaient venus pour me retrouver et pourtant je n'avais rien voulu entendre. Moi qui voulais tant les revoir... Avec du recul, ma réaction avait peut-être été un peu exagérée. Je regrettais mes actes, je regrettais les leurs ; j'aurais aimé que tout se passât autrement. Ce malencontreux événement me refermait désormais les portes vers un retour à mon ancienne vie. J'étais coincée au sein de la Griffe Bleue, destinée à devenir une criminelle. Pourquoi avoir protégé Gabriel alors qu'il n'était qu'un scélérat ? Après tout, de par tous les crimes que je lui devinais avoir commis, la justice ne pouvait que lui attribuer la peine capitale. Pourtant, à mes yeux, il n'en demeurait pas moins le meilleur des hommes ; j'en étais convaincue. Comment un être aussi gentil, intelligent et attentionné pouvait-il avoir eu assez de malchance durant sa jeunesse pour se retrouver dans un tel engrenage du crime ? Lui voir attribuer une telle destinée était tout bonnement déplorable.

Quelques jours après l'attaque des chevaliers d'Alanya, le mafieux aux cheveux bleus avait déjà repris une activité normale malgré mes protestations. Désormais, je me trouvais dans une autre base secondaire de la Griffe Bleue, la plus proche de celle que nous avions dû précipitamment laisser à l'abandon. Les hors-la-loi avaient jugé bon de déménager la même nuit pour ne pas risquer les représailles des forces de l'ordre. Ce repaire-ci était un peu plus grand que le précédent, quoiqu'un poil plus sobre concernant sa décoration. Voir à quel point cette organisation criminelle avait un réseau vaste et puissant ne cessait de m'impressionner.

Plusieurs heures étaient passées depuis le levé de jour lorsque je décidai enfin de quitter ma chambre pour prendre mon premier repas de la journée. J'entrai dans la salle commune. Les personnes déjà présentes me saluèrent. Depuis que j'avais ouvertement exprimé mon rejet pour mon ancienne fratrie, j'avais en partie gagné la confiance et le respect des membres de la mafia.
Je m'affaissai nonchalamment sur un canapé et croquai dans une poire. Je demeurai silencieuse, perdue dans mes pensées, jusqu'au moment où Gabriel entra dans la salle. Je me levai aussitôt pour l'accueillir d'un sourire aux lèvres. Il me le rendit dès l'instant où il me remarqua et en profita pour me demander gentiment :

- Tu as bien dormi ?

J'hochai la tête malgré la nuit agitée que je venais de passer. Je ne voulais rien laisser paraître de mon désagrément de peur de l'affoler pour un rien.
Le jeune homme n'accorda pas plus d'attention à cette question futile et m'invita sans plus tarder à le suivre. Il voulait apparemment me montrer l'organisation de sa mafia. Après tout, je ne pouvais pas vivre éternellement à ses crochets, il fallait bien que je m'investisse moi aussi. Sur le chemin, je l'interrogeai à mon tour :

- Comment va ta blessure ?

- Comme tu le vois, je me porte bien.

- Tant mieux...

Lames d'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant