43× Tamara

101 12 12
                                    


Aerin

La vive lumière du jour me força à entrouvrir les paupières. Je me réveillai avec lenteur, enroulée dans les couvertures d'un lit. Je mis un peu de temps avant de réaliser que je me trouvais dans un lieu inconnu. Quand je le compris enfin, je me relevai en sursaut. Où étais-je ? Comment avais-je atterri ici ? Cette situation ressemblait bien trop au scénario de mes retrouvailles avec Gabriel pour me plaire. Apparemment, il ne lui avait pas fallu longtemps pour me retrouver... Je scrutai brièvement la pièce, ma chambre était nettement moins luxueuse que les précédentes. Était-ce sa manière de me signifier une baisse conséquente de ma position au sein de la mafia ?

Je sortis du lit, étonnée de ne pas être attachée ou que sais-je encore. Cependant, je fus de suite tiraillée par une famine à en tomber dans les pommes. Je tentai de l'ignorer, ne désirant pas m'attarder ici plus longtemps. Je cherchai des yeux mes précieuses valises que je repérai dans un coin de la pièce. Je les pris en main et pus à nouveau constater leurs poids avec accablement. Aurais-je la force de m'échapper à nouveau ?

Je me dirigeai vers la sortie quand, tout à coup, je déchantai ; la porte était en train de s'ouvrir. Avec à la fois méfiance et crainte, j'assistai à la nouvelle venue d'une silhouette qui se faufila dans la pièce. Nous nous fixâmes, étonnées. Je me retrouvais désormais nez-à-nez avec une vieille dame à l'allure encore tonique. Les mèches grises extraites d'un chignon négligé encadraient les traits plissés d'incompréhension de son visage. Elle m'analysa de haut en bas d'un air suspicieux. Qui pouvait-elle bien être ?

- Tenterais-tu de partir comme une voleuse sans même me remercier ? Quelle ingrate !

Je la dévisageai avec incompréhension, l'inconnue m'apprit donc :

- Je t'ai recueillie lorsque tu t'es évanouie au bout milieu d'une rue, tu avais perdu quasiment toute ton énergie vitale. Tu aurais presque pu en mourir !

Je détournai le regard, songeuse. Il le fallait bien. Je n'aurais jamais pu me permettre de préserver mes forces contre un tel ennemi, surtout si la liberté en était le prix.

- Savoir une telle chose ne te fait donc pas plus réagir que cela ? Espèce d'inconsciente ! Et puis où comptes-tu aller avec ces gros bagages ? As-tu seulement un endroit où dormir ?

Je baissai lamentablement la tête. Elle avait vu juste, je n'avais plus vraiment de chez moi. Je ne pouvais pas revenir vers les Lames d'Argent aussi aisément, je les avais violemment rejetés. La vision des visages attristés et déçus de mes compagnons me revint alors en tête. Comment avais-je pu être aussi stupide ? Ils étaient venus car ils s'inquiétaient pour moi, mais moi, je n'avais rien trouvé de mieux à faire que de les renier. Et puis, quand je repensais à qui était réellement mon frère je n'en voulais plus vraiment à Raphaël d'avoir foncé sans en savoir plus. Il avait probablement ressenti l'âme corrompue de Gabriel, il était doué pour déceler ce genre de chose. Je repensai à ce dernier avec mélancolie. Concernant le chef de la Griffe Bleue, il était pour moi parfaitement hors de question de retourner dans l'une de ses planques.
En d'autres termes, j'étais destinée à la rue.

- Non ? Je m'en doutais bien... devina la femme. Je suis médecin, je n'abandonne pas aussi facilement mes patients.

Elle amorça un mouvement pour repartir mais je la retins en la questionnant :

- Comment vous appelez-vous ?

- Je me nomme Tamara, Tamara River ; et toi tu es ?

- Aerin.

Je marquai un arrêt avant de reprendre :

- Merci pour ce que vous avez fait Tamara.

J'étais réellement touchée par sa bienveillance. Qu'aurais-je fait si elle n'avait pas été là ? La vieille dame me sourit et repartit cette fois pour de bon. Cette dernière semblait avoir un grand cœur, malgré son fort caractère. J'étirai mes lèvres en un joyeux rictus, elle me plaisait déjà.

Lames d'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant