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Bart's snack, près du centre de secours d'urgence, site de la Maison Blanche, Washington DC, 13h08.
Après sa déclaration aux journalistes, William était allé prendre un petit-déjeuner avec la jeune infirmière qui se prénommait Clara. Malgré les évènements, il avait une faim de loup. Il ne ratait jamais un petit-déjeuner, son repas préféré. De ce moment dépendait son humeur et sa condition physique pour la journée. Devant lui s'étendaient des œufs brouillés, des pancakes, un porridge aux pommes et à la cannelle, une salade de fruits et une grande tasse de café au lait. Le repas se passa en silence, il n'aimait pas parler en mangeant. Clara le comprit immédiatement et cela semblait l'arranger. Elle se contenta de le regarder dévorer son festin, tout autant impressionnée qu'écœurée, elle-même ne pouvant rien avaler.
William, légèrement déprimé et complètement épuisé lors de son entrée dans le snack, reprenait force et lucidité, tandis qu'il engloutissait son dernier pancake généreusement recouvert de sirop d'érable. Il se dit alors, tout en attaquant la salade de fruits, qu'il avait bien fait de se rendre ici au lieu de retourner chez lui comme sa femme l'avait supplié de le faire. Elle avait laissé une douzaine de messages sur son répondeur depuis la veille, depuis leur dispute. Il ne s'était pas donné la peine de les lire, mais avait appelé ce matin pour savoir si les enfants allaient bien.
Il avait été extrêmement soulagé d'apprendre que tout le monde était sain et sauf, aucun incident n'ayant émaillé le reste de la ville pour le moment. Mais la discussion s'envenima rapidement. Emma, une fois rassurée sur son état de santé, avait vite repris ses esprits et s'en était pris à lui. Elle lui reprocha sa fuite de la veille, le supplia de rentrer à la maison et d'accepter de l'aide. Le sang de William ne fit alors qu'un tour. Il savait très bien ce qu'accepter de l'aide signifiait. Il imaginait parfaitement la police l'attendant à son domicile, l'emmenant ensuite consulter je ne sais quel médecin. Mais il n'avait pas besoin d'aide, il allait parfaitement bien, il était peut-être la personne qui avait le moins besoin de soutien parmi toutes celles qu'il connaissait. Ils ne comprenaient rien. Personne. Ils ne se rendaient pas compte de ce qui se passait. Ils n'étaient rien de plus que des moutons, manipulés depuis tant de temps qu'ils ne pouvaient plus penser par eux-mêmes. Il tenta de l'expliquer une nouvelle fois à Emma, plus calmement, mais en vain. Les supplications de cette dernière pour qu'il revienne à la maison devinrent des ordres, le ton monta, et William finit par lui raccrocher au nez. C'est alors qu'une énorme boule de plomb s'installa dans son estomac. Elle était si lourde qu'elle le plia en deux. Un terrible sentiment de fatigue et de découragement le submergea. Jamais il ne s'était senti aussi seul. Il n'avait même pas pu lui parler du rêve, lui demander ce qu'elle en pensait. Mais si elle ne pouvait pas comprendre ce qu'il ressentait actuellement, comment pourrait-elle accepter l'idée qu'une telle chose soit réelle ? Il la connaissait bien et savait pertinemment qu'elle était trop terre à terre pour l'accepter. Son corps commença alors à devenir de plus en plus lourd et douloureux, et c'est comme guidé par la main géante d'un marionnettiste qu'il se dirigea jusqu'au snack le plus proche.
Le ventre désormais plein, la seule chose qui comptait était que sa famille allait bien. Il avait maintenant quelque chose à faire, une chose à laquelle penser, un problème à résoudre. La police avait désormais bien mieux à faire que de partir à sa recherche, surtout si comme il le pensait, les choses allaient rapidement s'enflammer. Pour la première fois depuis une bonne demi-heure, il regarda la jeune infirmière. Elle observait tristement par la fenêtre, en direction du centre de secours et de ce qui était, il y a encore quelques heures, la Maison Blanche.
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Le compte à rebours
ParanormalPartout sur Terre, au même moment, de terribles explosions réduisent en cendres des lieux de forte importance politique, religieuse ou économique. Se pose alors la question de savoir qui en est l'auteur. Aux États-Unis, comme partout ailleurs, c'es...