Le compte à rebours

Chapitre 2

2

Au même moment, Washington D.C (États-Unis).

William Stone roulait sans but depuis la veille. Depuis son pétage de plombs. Pourtant, s'il avait été plus à l'écoute de lui-même, il l'aurait senti venir. Derrière sa sérénité apparente, qui mettait immédiatement son entourage à l'aise, un volcan sommeillait. Marié à Emma depuis douze ans maintenant, heureux papa de Ray onze ans et de Laura huit ans, il occupait le poste d'entraîneur en chef de l'équipe de football d'un lycée réputé de Washington. La quarantaine passée, que soulignaient ses cheveux poivre et sel clairsemés sur le haut du front, il émanait de lui un charisme brut. Du haut de son mètre quatre-vingt dix, il restait très athlétique malgré quelques kilos superflus qui commençaient à se dessiner sous ses polos toujours très près du corps. Un vrai roc. Mais ce qui attirait immédiatement l'attention chez lui, ce n'était pas son physique impressionnant, c'était son regard. Un regard noir d'une intensité rare.

Admiré et respecté, William faisait partie de ces rares personnes qui faisaient l'unanimité autour de lui. Sa réputation d'être extrêmement rigoureux et perfectionniste, tout en restant juste et disponible pour ses étudiants, faisait que les jeunes hommes le prenaient comme modèle, tandis que beaucoup de jeunes femmes craquaient pour lui. Ancien joueur vedette de l'université de Washington au poste de quaterback, il possédait bon nombre de records et de titres en championnat national. Parallèlement, il avait obtenu un diplôme de psychologie. Heureusement car une terrible blessure au genou mit rapidement fin à ses rêves de carrière professionnelle. Rapidement contacté par plusieurs établissements scolaires pour occuper un poste de coach, il ne réfléchit pas longtemps lorsque le lycée dans lequel il avait fait ses études le sollicita. Tout s'était passé à une vitesse folle depuis sa signature et, alors qu'il s'était lancé dans cette profession un peu au hasard, coach était devenu maintenant sa vie, sa vocation. Devenus propriétaires avec Emma, ils menaient une vie paisible et semblaient très heureux.

Malheureusement pour Emma, William ne confiait pas ses problèmes personnels, conservant ses états d'âme et ses réflexions pour lui. Il avait honte d'avouer aux autres ses difficultés et estimait qu'il valait mieux les préserver, pensant que cela passerait avec le temps. Véritable écorché vif, il vivait dans un malaise permanent et ne pouvait s'empêcher de se poser des questions. Depuis toujours, malgré une vie sociale extrêmement enrichissante, il se sentait à l'écart, différent, incompris, devant faire des efforts permanents pour ne rien laisser transparaître.

Il aimait Emma, depuis le premier jour. Il aimait ses enfants, plus que tout. Ils étaient sa plus grande fierté. Il aimait son travail et ses joueurs, conscient du respect qu'on lui portait. Il savait qu'il avait beaucoup apporté aux jeunes dont il s'occupait et il en était vraiment fier. Pourtant, il ne s'en contentait pas, voulant faire plus ; et plus il en faisait, moins il était heureux. D'une certaine façon, il aimait sa vie, conscient de sa chance malgré tous les coups durs qu'il avait dû encaisser depuis son enfance. Mais il n'était pas heureux et ne le serait certainement jamais. Il sentait qu'il lui manquait quelque chose mais n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Nichés au plus profond de ses tripes, un sentiment d'étouffement, couplé à une véritable rage et une profonde révolte, s'intensifiaient jour après jour. Et, ce jour-là, le volcan explosa.

Particulièrement nerveux depuis son réveil, William avait failli casser l'écran de télévision de la salle des professeurs à l'heure du journal télévisé. Une fois de plus, il n'était question que de guerres, d'attaques terroristes, de famines, de magouilles politiques, d'injustice. Avant même la fin du journal, il jeta violemment son verre d'eau sur la télévision, donna un violent coup de poing dans la porte, et quitta la pièce sous le regard incrédule de ses collègues.