Chapitre 16

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Dans la région de Waynesboro, Virginie, 19h17.

           Lucy avait repris la route vers la Nouvelle-Orléans. Elle s'était arrêtée deux fois, en plus d'une heure pour déjeuner. Après cette longue journée , elle commençait à sentir la fatigue et cherchait un hôtel pour la nuit. Il lui fallait reprendre des forces. Elle avait déjà parcouru un quart du chemin et devait encore compter quinze bonnes heures de route qu'elle avait l'intention de faire rapidement. Sa journée avait vraiment été éprouvante, tant physiquement que psychologiquement.

           Elle était restée à l'écoute de CNN durant une partie de la matinée, pour au final ne récolter aucune nouvelle information. Elle avait ensuite opté pour de la musique, espérant se changer les idées, mais se rendit vite compte que rien ne pouvait l'empêcher de ressasser les mêmes pensées. Vers seize heures, elle se demanda même si elle n'était pas en train de perdre contact avec la réalité. La fatigue aidant, toutes les pensées qui l'empoisonnaient sans cesse depuis le matin s'intensifiaient. James, Molly et son mari, les explosions, le rêve, les meurtres dans le snack... . Mais elle se demandait également quel accueil lui réserverait sa famille à la Nouvelle-Orléans. Sa famille qu'elle avait quittée il y a de cela deux ans. Cette famille qui lui avait reproché de venir s'installer à Philadelphie, et encore plus de se marier avec James, dont elle se méfiait. Ses parents étaient peu nombreux à s'être déplacés pour son mariage et tout était désormais différent, même s'il n'y avait aucun conflit ouvert.

           Et dire qu'ils avaient tous raison depuis le début. Tous, sans exception, que ce soit sa famille ou ses amis, n'aimaient pas James depuis le premier jour. Ils le trouvaient faux, n'arrivaient pas à lui accorder leur confiance. Ses amis s'en étaient accommodés pour le bien de Lucy, mais pas sa famille. Durant ces deux dernières années, ses parents, son petit frère, sa grand-mère, tous lui avaient énormément manqué. Son idylle avec James, ainsi que son travail, compensaient ce manque mais les coups de blues étaient fréquents. Et, aujourd'hui, alors qu'elle venait de tout plaquer et s'était rendu compte qu'elle s'était trompée au sujet de son mari, tout ce qu'elle ressentait était décuplé, et sa tête sur le point d'éclater.

           Elle n'en pouvait plus, il lui fallait se reposer. A cet instant, elle ne rêvait que d'une bonne douche chaude. Sa vue commençait à se troubler et une douleur aiguë apparaissait petit à petit derrière ses yeux, au milieu de son front et au niveau de ses tempes. Heureusement, elle passa devant un panneau indiquant que Waynesboro n'était qu'à six kilomètres. Un immense soulagement l'envahit, mais la dizaine de minutes nécessaire pour rejoindre la petite ville fut interminable.

           Lorsqu'elle arriva enfin, elle était tellement soulagée qu'il lui fallut plusieurs minutes pour se rendre compte que quelque chose n'allait pas. Les rues étaient désertes. Pas un passant, pas une voiture, rien. Pas un son. La bourgade était bel et bien habitée, car Lucy pouvait distinguer de la lumière filtrant des fenêtres de presque toutes les maisons. Instinctivement, son cœur se mit à battre plus rapidement et l'angoisse commença à monter. Dans son for intérieur, elle était persuadée que cela avait un rapport avec les évènements de la veille. Il avait dû se passer quelque chose de nouveau. C'est alors que machinalement, ses yeux se posèrent sur l'horloge digitale du tableau de bord. Il y eut un déclic dans sa tête. Puis tout s'enchaîna. C'était comme si les rouages d'une énorme machine s'étaient mis en marche subitement. Comment avait-elle pu oublier ?

           - Sept heures vingt-huit... Mais quelle conne !

           Elle alluma précipitamment la radio. Dans son élan, elle oublia complètement qu'elle était en train de conduire et donna un grand coup de volant qui eut pour effet de diriger la voiture sur le mur d'une épicerie. Elle braqua et freina à temps, faisant crisser les pneus, puis s'immobilisa, en contresens. Elle coupa le contact et attendit quelques instants que son cœur reprenne des battements plus raisonnables. Il régnait dans l'air une désagréable odeur de pneu brûlé et de la fumée s'élevait de l'arrière de son véhicule. Elle chercha la station CNN et rapprocha machinalement sa tête de l'enceinte.

Le compte à reboursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant