Chapitre 65

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Maison de William, Washington D.C, 17h38.

           Plus William approchait de sa maison, plus il avait peur. Il avait peur de ne pas être à la hauteur. Il s'était promis, en quittant le temple, de faire des dernières heures de ses enfants des moments de joie. Il refusait d'attendre la mort dans la crainte et la tristesse. Il fallait également qu'il puisse faire ses adieux à Emma sans qu'ils ne s'en rendent compte. Mais rien qu'à l'idée que Ray et Laura allaient mourir, ses entrailles se nouaient et une infinie tristesse l'envahissait, tristesse qui faisait rapidement place à une immense colère. Il fallait qu'il se ressaisisse, il n'était plus qu'à quelques mètres de la maison.

           Le quartier était entièrement vide. Il n'y avait pas âme qui vive. Comme si William était l'unique être vivant. Il emprunta l'allée en pierre qui conduisait jusqu'à la porte d'entrée. Comme il l'avait espéré, cette porte était fermée à double tour. Il sortit sa clé qu'il avait caché dans sa chaussette afin d'être certain de ne pas la perdre.

           Une fois à l'intérieur, il eut la surprise de constater qu'il faisait quasiment aussi chaud qu'à l'extérieur. Mais chaud n'était pas le mot, étouffant, insupportable, convenait mieux. Et c'est alors qu'il l'entendit. Un son qu'il aimait par-dessus tout, le son qui pouvait lui rendre le sourire dans toute circonstance, le rire de sa petite fille.

           Il entra dans le salon et ils étaient là, tous les trois, jouant au jeu des sept familles. Ce fut Ray qui le vit en premier. Il se leva d'un bond et se jeta dans ses bras. A cet instant, William eut la confirmation d'une chose dont il s'était toujours douté. Tenir son enfant dans ses bras était la plus belle sensation, le plus grand échange d'amour qui puisse exister.

           Laura se jeta à son tour dans les bras de son papa. Emma resta un peu en retrait, laissant profiter son mari et ses enfants de leurs retrouvailles. Puis, quelques instants plus tard, William s'approcha d'elle d'un pas décidé et ils échangèrent le baiser le plus passionné qu'ils aient eu depuis de nombreuses années.

           - Je suis rentré comme promis.

           Emma le fixait de ses magnifiques yeux noirs, si expressifs, et elle vit. Sans qu'il ait besoin de lui dire quoi que ce soit, elle avait deviné. Elle devait s'y attendre, mais une expression de découragement se lut sur son visage. William lui sourit et lui adressa un clin d'œil discret et cela suffit à la faire sourire de nouveau. Ils étaient ensemble, plus amoureux et plus forts que jamais, et ils se serreraient les coudes jusqu'à la fin.

           - Bon, et si nous mangions quelques glaces, ça vous dit ? demanda Emma avec entrain.

           Les enfants sautèrent de joie et Laura se précipita vers la cuisine, suivie de près par sa mère. William suivit le mouvement mais vit que Ray ne bougeait pas. Il s'agenouilla devant lui et posa ses mains sur ses épaules.

           - Qu'est-ce qu'il y a, mon grand ?

            William vit immédiatement que Ray brûlait d'envie de lui poser une question, mais qu'il se retenait.

           - Allez, tu sais bien que tu peux tout me dire.

           - Oui je sais, mais maman et toi vous vous donnez tellement de mal pour faire comme si de rien était, que je ne veux pas tout gâcher.

           Les paroles de son fils eurent l'effet d'une douche froide sur William. Il était tellement intelligent. Des larmes lui montèrent aux yeux sans qu'il s'en rende compte et qu'il puisse les refouler.

           - Ne pleure pas papa, je ne voulais pas te faire de peine.

           Et il était si gentil, si sensible.

           - Non, ne t'inquiète pas mon grand, tu ne m'as pas fait de peine, bien au contraire. Je suis juste tellement fier d'être ton père, tu n'as pas idée. Allez, dis-moi ce qui te tracasse.

           - Qu'est-ce que qui se passe quand on meurt ?

           Sur le coup, la première réaction de William fut de lui mentir, de lui parler du paradis, d'un autre monde magnifique qui les attendait tous, là-haut. Mais finalement, il se ravisa. Il devait à son fils d'être honnête.

           - Je ne sais pas, Ray. En réalité, personne ne sait.

           - Alors peut-être qu'il n'y a rien ? Que tout est fini ?

           - Oui, peut-être. Mais tu veux mon avis ?

           Ray acquiesça de la tête, toute son attention suspendue aux lèvres de son père.

           - Tout ceci ne peut pas s'arrêter d'un seul coup. Quand je te vois, quand je vois ta sœur, ta maman, quand je vois tout l'amour que nous partageons, je me dis qu'une part de tout cela doit perdurer. Ce n'est pas possible autrement. Et quoi qu'il en soit, notre amour sera éternel.

           Ray offrit son plus beau sourire à William et se jeta une nouvelle fois dans ses bras. Puis il prit son père par la main et l'emmena dans la cuisine.

           - Ben alors les garçons, où étiez-vous ? demanda Emma d'un faux air accusateur.

           - Secret entre garçons, répondit William en souriant.

           Une fois les glaces terminées, Laura s'absenta quelques minutes et revint avec un ballon de football.

           - On va jouer tous ensemble ?

          - C'est une excellente idée, mon cœur.

          En effet, quoi de mieux que de jouer au football, la passion de William, avec ceux qui représentaient tout pour lui. Jamais, de toute sa vie, il n'avait été aussi heureux. Enfin à l'écoute de ses sentiments, ayant pris conscience de l'essence même de la vie, de son côté éphémère, lui ayant enfin trouvé un sens, il se ne s'était jamais senti aussi vivant.


FIN

Le compte à reboursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant