Chapitre 62

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Sud-est de Washington D.C, 12h39.

          Le trajet avait été bien plus rapide et simple qu'il ne l'avait craint. Moon avait dû changer d'itinéraire plusieurs fois, et le GPS intégré à la voiture s'était montré très utile. Il avait également rencontré quelques personnes un peu trop agressives, mais le pare-choc du 4X4 avait eu vite fait de les disperser.

          Lorsqu'il arriva dans le quartier où il avait grandi, il eut la surprise de constater qu'il se trouvait en plutôt bon état. Alors qu'il s'attendait à voir des maisons détruites, des voitures éventrées et des cadavres jonchant le sol, le quartier avait été plutôt épargné par les affrontements. Les dégâts étaient très importants, mais ce n'était rien comparé au paysage dévasté qu'il avait traversé un peu plus tôt.

           Il roulait au pas, sans même en avoir conscience. Il était très angoissé à l'idée de revenir chez lui. Il appréhendait la réaction de ses proches après toutes ces années où il les avait traités comme de simples connaissances. Et s'ils ne voulaient pas de lui à la maison ? Il stoppa la voiture au milieu de la route. Et s'ils ne voulaient pas de lui ? Aurait-il la force d'accepter une telle désillusion ? Ne valait-il pas mieux ne rien tenter et rester dans le doute ? En effet, il serait pire pour lui de mourir en se sachant rejeté par sa famille qu'en se disant que c'était lui qui n'avait pas voulu faire l'effort de les rejoindre.

           Il se tapa légèrement la tête à plusieurs reprises sur le volant. Puis il leva les yeux au ciel et éclata de rire. Il venait une nouvelle fois de faire preuve de son égoïsme et de sa haute opinion de lui-même. Comment pouvait-il raisonner de la sorte ? Il savait pertinemment qu'il n'avait qu'une seule chose à faire, se rendre là-bas, s'excuser sincèrement et faire profil bas. Ils allaient passer leurs derniers instants tous ensembles et s'il ne voulait pas finir seul, s'il voulait avoir la chance de revoir ces personnes merveilleuses avant de mourir, il fallait qu'il arrête ce genre de logique à la con et qu'il mette sa fierté de côté. Il devait tenter sa chance, peu importe les conséquences.

           Il se remit en route et ne s'arrêta que lorsqu'il fut devant la maison de ses parents. Comme il s'y attendait, les voitures de ses deux grandes sœurs étaient garées sur le trottoir. Ils étaient tous là. Son esprit bouillonnait, s'imaginant tous les scénarios possibles. Il parcourut la petite allée qui le séparait de la porte d'entrée tel un automate. Et lorsque son index appuya sur la sonnette, il eut l'impression que c'était la main de quelqu'un d'autre. Il n'eut pas à attendre, la porte s'ouvrit quasi instantanément. Dans l'embrasure de celle-ci se tenait sa mère, un regard fou d'espoir fixé sur celui qui se tenait devant elle. Lorsqu'elle se rendit compte qu'il s'agissait bien de son fils, elle esquissa le plus beau sourire qu'elle ait jamais fait et le prit sereinement dans ses bras, sans dire un mot. Puis elle l'invita à entrer et ce fut au tour de ses sœurs de se jeter dans ses bras, avec plus de fougue et d'effusions de joie. Quant à son père, il se tenait un peu en retrait, fixant son unique garçon. Max lui jeta un regard inquiet, rempli d'excuses et de regrets. Mais son père avait dépassé ce stade et lui donna en réponse un franc sourire, ainsi qu'un signe d'acquiescement de la tête. Ses yeux brillaient.

           Après ces magnifiques retrouvailles, tous allèrent s'installer dans la salle à manger, afin de partager un dernier repas en famille. Tout le monde avait mis la main à la pâte et les plats préférés de chacun étaient présents sur la table, y compris celui de Max, un magnifique fondant au chocolat. Ils avaient anticipé, ou tout du moins espéré sa venue, et à la vue de ce plat préparé spécialement pour lui, Max se mit à pleurer. Jamais, de toute sa vie, il ne s'était senti plus heureux qu'à cet instant. Il était là où il voulait être, entouré de ceux qui comptaient le plus pour lui, dans un moment d'amour pur et de partage, sans passé, et sans futur.

           Ce fut le bruit du moteur du 4x4 qui démarrait qui le ramena à lui. La maison était vide. Les voitures de ses sœurs étaient bien stationnées sur le trottoir, mais pas celle de ses parents. Ils étaient partis. Moon avait eu une hallucination, son esprit lui avait joué un sale tour, lui montrant ce qu'il avait envie de trouver en venant ici.

           Seul, désormais sans voiture, il entra et referma la porte derrière lui. Il se rendit dans la salle à manger et son cœur bondit dans sa poitrine. Sur la table, quelqu'un avait laissé un fondant au chocolat, « Pour Max » écrit au chocolat blanc liquide sur le dessus. Ils avaient dû l'attendre et, au moment de partir, décidé de laisser le gâteau pour lui. Moon sourit, puis alla chercher un couteau dans la cuisine.

           Il n'avait pas le temps d'aller les rejoindre et passerait ses dernières heures en compagnie des fantômes de son esprit, espérant qu'une fois que tout cela serait terminé, il pourrait enfin retrouver ceux qu'il aimait tant.

Le compte à reboursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant