Chapitre 22

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Appartement de Quentin Falk, Manhattan, New York City, 9h08.

           Quentin n'en croyait pas ses yeux. A Las Vegas, le suicide du soldat engendra un mouvement de panique. La foule hurlait, pleurait, fuyait, les caméras ne savaient plus où filmer. Les studios reprirent la main et Quentin se leva de son fauteuil, il avait besoin de boire. C'est au moment où son dos quitta le dossier du fauteuil en cuir qu'il se rendit compte de son état, il était en nage. Sa chemise était détrempée, la moindre partie de son corps ruisselait de sueur. Il s'empressa de se préparer un bourbon, puis de se rendre sur le balcon. Il avait l'impression d'étouffer.

           A peine avait-il franchi le seuil de la porte que la bouffée de chaleur qui lui sauta au visage lui fit lâcher son verre. Le thermomètre affichait vingt-cinq degrés, soit encore sept degrés de plus que la veille.

           - Mais qu'est-ce qui se passe ici... se dit-il pour lui-même.

           Tout à coup, sa vision se troubla, des tâches noires dansèrent devant ses yeux, suivis par des flashs blancs, aveuglants. Ses jambes se mirent à trembler tandis que des battements douloureux martelaient sa tête. Il était sur le point de s'évanouir. A l'instinct, il se précipita vers la cuisine, manquant plusieurs fois de tomber, s'agrippa tant bien que mal à la poignée du réfrigérateur et la tira avec le peu de forces qui lui restait. La fraîcheur soudaine fut comme une bouffée d'oxygène pour un plongeur en apnée remontant à la surface après être allé jusqu'à l'extrême limite de ses possibilités. Quentin resta ainsi quelques minutes, sa main droite fermement cramponnée à la poignée du réfrigérateur, à genoux, la tête tendue vers l'enivrante fraîcheur. Puis il referma la porte et s'assit là, les genoux ramenés sur la poitrine.

           - Je dois sortir d'ici...

           A cet instant, la gêne nichée dans son estomac depuis deux jours s'intensifia. A deux doigts de vomir, il tomba sur le sol et se recroquevilla sur lui-même, secoué de spasmes. Des images inondaient son esprit. Sa sœur, ses parents, la maison de son enfance, des souvenirs heureux. Puis une bagarre avec son grand frère. Une douleur intense, lorsque ce dernier lui avait cassé le nez. Sa petite sœur, pleurant toutes les larmes de son corps. Un enterrement. La lettre de son père, la chose la plus difficile qu'il ait eu à lire de sa vie. Tous ces regrets. Des cauchemars. Tout s'accélérait. Un tourbillon de souvenirs, de ressentis, de douleur. Il hurla. Un hurlement de rage, de désespoir, de culpabilité. Un hurlement suivi de sanglots. Il frappait maintenant le sol de ses poings, se débattait dans tous les sens, tel un enragé luttant contre plusieurs hommes voulant le maîtriser. Puis il se leva et frappa la porte du réfrigérateur de toutes ses forces, la douleur qui s'ensuivit le calma aussitôt.

           Reprenant petit à petit ses esprits, il regarda sa main. Son majeur était tordu et commençait à enfler. La douleur envahissait peu à peu son corps et annihilait toute pensée parasite. Quentin prit le bac à glaçons dans le congélateur, alla casser les cubes de glace dans l'évier, puis mit le tout dans un sac en plastique. Le contact du sac sur sa main provoqua un tel élancement qu'il eut l'impression que quelque chose se rompait dans son cerveau. Finalement, très affaibli, il décida d'aller s'allonger un moment sur son lit.

Le compte à reboursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant