Le compte à rebours

Chapitre 61

61

           Il avait réussi. Il avait terrassé ce monstre. William n'en revenait pas, il n'en croyait pas ses yeux. Lentement, il s'approcha du corps inerte. C'était fini. Le cauchemar était terminé, la vie allait pouvoir reprendre son cours normal. Toutefois, il se demanda si le fait d'avoir tué cette chose avait également fait disparaître les autres dans les autres temples.

           Il lui fallait maintenant trouver un moyen de sortir d'ici. il commençait à penser à la façon dont il allait annoncer cela à tout le monde. Comment est-ce que les choses allaient pouvoir rentrer dans l'ordre après tout cela ? Le chantier qui s'annonçait lui fit tourner la tête tant il semblait impossible à réaliser.

           Finalement, il décida de se rendre à l'entrée de la pièce afin de prévenir les gens qui attendaient derrière la porte. Il espérait également que les statues de rouille allaient se montrer dociles, et voire même, qu'elles auraient disparues. Mais, à peine avait-il fait quelques pas en direction de l'immense porte en pierre qu'une voix familière se fit entendre.

           - Ah ces humains, toujours si naïfs.

          William sursauta et se retourna à toute vitesse, en position de garde. Ce qu'il vit, ou du moins ce qu'il ne vit pas, le fit presque défaillir. Le corps et la tête qui gisaient sur le sol quelques secondes auparavant avaient disparu.

           - C'est impossible... murmura William, atterré.

           - Ce qui est impossible William, c'est que tu aies pu croire qu'il t'était possible de me tuer.

           Et soudain il apparut. Comme quelques minutes plus tôt, l'homme apparut sur le côté gauche de l'autel. En revanche, contrairement à tout à l'heure, son attitude ne trahissait plus aucune bienveillance. Il marcha vers William d'un pas décidé.

           - Je suis désolé, William, mais tu te doutes que je ne peux laisser un tel geste impuni. Pourtant à trois mètres de lui, l'homme fit un geste de poussée de ses deux mains en direction de William, et ce dernier alla s'écraser contre le mur du fond. Il sentit ses côtes se briser et son ventre bouillonner de douleur. Il hurla.

           Mais l'homme n'en resta pas là. Alors que William agonisait sur le sol, il leva la main vers le ciel et la dirigea dans sa direction, comme s'il lançait un couteau imaginaire. Ce que William n'avait pas vu, c'est qu'il contrôlait à distance le sabre. La lame vint se planter dans sa cuisse. Il hurla de nouveau, sur le point de perdre connaissance.

           L'homme était maintenant tout près de lui et le regardait avec un air de dégoût.

           - Je suis désolé, William, mais je ne peux permettre à un simple mortel de lever la main sur moi. Je dois même avouer que rien que de penser que l'un d'entre vous puisse imaginer réussir à me tuer me met hors de moi. Il ne te reste pas beaucoup de temps à vivre et je vais te laisser ici, à te vider de ton sang. Tu serviras d'exemple aux autres. Adieu.

           Puis il s'en retourna en direction de son trône. William gisait dans une mare de sang. Bien que mourant, il se sentait profondément humilié. Non seulement son adversaire s'était débarrassé de lui avec une facilité déconcertante, mais en plus il ne daignait pas finir le travail. Il avait décidé de le laisser mourir à petit feu, impuissant, dans un coin de la pièce. William en pleurait de rage, cette dernière surpassant la douleur, pourtant insupportable.

           L'homme posait le pied sur la première marche de l'autel lorsque William l'interpella.

           - Attends ! On n'en a pas terminé, tous les deux !

           Surpris, il se retourna. William se tenait debout, du moins essayait, son sabre à la main, et avançait péniblement vers lui.

           - Pauvre fou ! Tu tiens décidément tellement que ça à souffrir avant de mourir ? Je te le répète, tu n'as aucune chance ! Je pourrais te tuer d'un claquement de doigts !

           William sourit. Il n'avait pas peur, et l'idée même de ne pas avoir peur de cette créature le grisait. Il était sur le point de mourir, il le savait, mais pour l'heure, il se sentait envahi par une incroyable énergie. Était-ce cela, l'énergie du désespoir ?

           - Viens te battre ! Mais sans tes tours de magie ! D'homme à homme ! Avec tes poings ! Montre-moi de quoi t'es capable !

           L'homme sembla hésiter un moment, puis, dans un sourire qui signifiait son accord, il se précipita vers lui.

           - Tu es courageux, mais également complètement fou ! Je vais te faire payer ton arrogance !

           Sans plus attendre, William se rua sur son adversaire et lui décocha un coup de poing dans lequel il mit toute sa puissance. Ce dernier l'esquiva sans aucun effort. Puis William déchaîna une avalanche de coups de poing et de pied sur son ennemi qui évitait et parait les coups avec une impressionnante facilité. Lorsque William s'arrêta, il était à bout de souffle, et le regain d'espoir entrevu quelques instants plutôt avait désormais totalement disparu.

           - C'est tout ce que tu as à me proposer, William ? Je m'attendais à mieux. A mon tour maintenant.

           A une vitesse ahurissante, il donna un coup de pied surpuissant dans le ventre de William, pile sur sa blessure. Il enchaîna par un coup de pied dans le genou gauche, un coup de poing sur la nuque, puis fit une balayette circulaire et se releva pour achever William avec un double coup de poing dans le plexus. Ce dernier s'écroula comme une vulgaire poupée de chiffon, l'impression d'être coupé en deux.

           Il était à demi conscient, ressentant une sourde douleur aux endroits où l'homme avait frappé. Son genou devait être brisé. Il sentait les éclats de grenade s'enfoncer de plus en plus profondément dans sa chair. Il ne pouvait plus bouger la tête tant la douleur au niveau de sa nuque était insupportable, et il avait l'impression d'avoir la cage thoracique enfoncée. Dans un ultime effort, il tenta de se redresser, mais seule sa tête bougea de quelques centimètres. Puis il céda. La tentation de se laisser aller était trop forte. A quoi bon souffrir autant pour rien, sans aucun espoir de victoire. Il ferma les yeux.