Chapitre 34

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Site de la Maison Blanche, Washington D.C, 13h08.

           William et Clara étaient arrivés vers neuf heures, mais rien ne bougea avant onze heures. En effet, les militaires avaient bien retiré les barrages, se contentant d'encadrer la foule afin d'éviter tout débordement, mais ils ne laissèrent pas les gens pénétrer dans le bâtiment avant dix heures et quart. Le temple était un cube entièrement blanc et lisse, plus haut qu'un immeuble de vingt étages. L'immense porte de près d'un tiers de sa hauteur était grande ouverte, invitant la population à entrer.

           Un impressionnant cortège de journalistes entourait le bon millier de personnes prêtes à tenter leur chance. La foule était plutôt calme, mais on pouvait entendre au loin le bruit des affrontements dans les divers quartiers de la ville. L'appréhension se lisait sur tous les visages. La tension était palpable et la chaleur n'arrangeait rien, tout le monde suait à grosses gouttes. Un journaliste avait bien essayé de pénétrer à l'intérieur du bâtiment avec son caméraman, mais ils furent éjectés à plusieurs mètres de l'entrée. Lorsque l'un de ses confrères vint l'interviewer, il affirma s'être fait mettre dehors par une statue colossale et semblait complètement sonné. Plusieurs caméramans avaient tenté de zoomer en direction de la gigantesque porte du bâtiment, mais leurs caméras explosèrent systématiquement. Le plus étrange, c'est que les personnes qui avaient pénétré à l'intérieur ne se souvenaient que vaguement de leur passage dans le temple, et de rien concernant leur rencontre avec l'entité.

           William avait dû questionner une cinquantaine de personnes, mais sans succès. Au bout de deux heures, il dut se rendre à l'évidence, il n'en tirerait rien. Il avait faim, n'ayant rien avalé depuis la veille. Ils se rendirent avec Clara dans une petite échoppe, loin des turbulences. Il commanda une quiche végétarienne avec des frites, Clara une assiette de pâtes.

           - Nous ne pouvons pas continuer à tourner ainsi en rond, déclara William, très en colère. J'avoue ne plus savoir que faire. Il n'y a aucun moyen de savoir ce qui se passe à l'intérieur et la situation dans les rues devient critique.

           Clara était livide. Elle semblait avoir perdu tout espoir.

           - Et s'il n'y avait rien à faire ? murmura-t-elle doucement. Si tout était déjà écrit et que notre destin à tous était de mourir dans quatre jours ? Comme vous l'avez dit, la situation dans les rues devient insupportable, il fait de plus en plus chaud, le ciel prend une teinte de plus en plus étrange... et si c'était vraiment terminé ?

           - Et si on arrêtait de se vouvoyer ? C'est un peu ridicule non ?

           Clara ne répondit pas.

           - J'ai pas envie de plaisanter... C'est terminé...

           - Ne dis pas de bêtises, Clara !

           - Des bêtises ? Mais bon sang, William, tu te rends compte de ce que tu dis ? Tu refuses de voir la vérité en face ! Nous allons tous mourir, que tu le veuilles ou non ! Et plus vite tu l'accepteras, plus vite tu retourneras auprès de ta famille pour vivre tes dernières heures !

           Elle avait haussé le ton, pour la première fois depuis qu'ils se connaissaient. Ses mots avaient touché William. Et si elle avait raison ? Et si tout était bel et bien terminé ? Et si finalement, c'était lui le plus lâche de tous, en refusant d'accepter la vérité et de passer ses derniers instants avec sa famille ? Il avait l'impression de tomber dans un puits sans fond, sans aucune prise où s'accrocher. Il plongeait loin en lui-même, à la recherche de la vérité, de ce qu'il refusait d'admettre. Tout était de plus en plus sombre, tout paraissait de plus en plus loin, Clara, le restaurant, les sons, les odeurs. Il tombait.

Le compte à reboursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant