Le compte à rebours

Chapitre 54

54

Quartier de Georgetown, Washington D.C, 20h15.

           Max et David venaient de terminer leur deuxième bouteille.

           - Bon, David, je pense qu'il est temps d'ouvrir la suivante. Qu'est-ce que t'en penses ?

           - Je pense qu'il est peut-être temps que tu rentres.

           - Pardon ?

           - Tu m'as très bien entendu et très bien compris, Max. Ta place n'est pas ici et tu le sais.

          Moon était surpris de la tournure des évènements. Avec les effets de l'alcool, il lui fallut quelques secondes pour mettre de l'ordre dans ses idées et répondre.

           - Non je ne te comprends pas... Nous avions dit puisque que nous étions seuls, que nous finirions ensemble, accompagnés de ces cadeaux du ciel, répondit-il en montrant les bouteilles pleines sur la table.

           - Tu te trompes et tu le sais. Moi je suis seul car je n'ai pas le choix, ma famille n'est plus là. Toi tu es seul parce que tu l'as décidé. Tu as volontairement mis ta famille de côté et venir te saouler ici avec moi te donne une excuse pour ne pas y retourner. Mais soyons honnêtes, nous savons tous les deux ce que tu dois faire et ce dont tu as envie. Ce dont tu as besoin.

           - Pas de sermon avec moi, mon vieux. Ce n'est pas toi qui va me dire ce que j'ai à faire. Surtout pas toi, pas à ce sujet en tout cas.

           - Justement si ! C'est parce que j'ai déconné et que j'ai tout perdu que je peux me permettre de te faire la leçon ! Alors tu laisses ta putain de fierté de côté, tu lèves ton gros cul de ce canapé et tu cours rejoindre ta famille avant qu'on crève tous ! Abruti !

           Les paroles de David résonnaient dans la tête de Moon. Il imaginait ses parents, entourés de ses sœurs, dans le petit appartement familial, profitant de leurs derniers instants tous ensembles, sa mère pleurant l'absence de son petit dernier.

           Il ne donnait quasiment jamais de nouvelles à ses parents et avait complètement coupé les ponts avec ses sœurs. Cela était parti du fait que le père de Moon ne supportait pas de voir quel chemin avait pris son fils. Lui qui se considérait comme un fidèle citoyen, soutenant le pouvoir en place, patriote et fier de son armée, membre de la NRA, bref, tout ce que combattait son fils. Sa mère, quant à elle, refusait de prendre parti, et se retirait dans sa chambre lors de chaque dispute entre les deux hommes. Max en avait toujours voulu à sa mère de ne pas le défendre, et lui faisait payer cette lâcheté depuis. Il ne s'était jamais vraiment disputé avec eux, pas de rupture officielle, mais plus le temps passait, plus il s'éloignait.

           Par la suite, la célébrité s'installant, le nombre de combats de plus en plus nombreux et importants que Moon devait livrer, sans compter son entrée récente dans le monde du cinéma, avaient fait se creuser de plus en plus chaque année le fossé entre lui et sa famille. Il se disait qu'il les appellerait le lendemain, ce qu'il ne faisait quasiment jamais.

           Depuis, il se justifiait envers lui-même en se disant que tout ce qu'il faisait dans son travail était bien plus important et que le fait d'aider tous ces gens compensait largement le fait de délaisser sa famille. Sans compter qu'il versait régulièrement de belles sommes à sa mère pour qu'elle en fasse profiter tout le monde.

           Mais David avait raison, il avait besoin d'eux. Il pouvait se trouver toutes les excuses du monde, se forcer à penser à autre chose, il lui était impossible de les oublier. Il fallait qu'il y retourne. Il ne pouvait pas mourir sans les avoir revus. D'autant plus qu'au fond de lui, il savait qu'ils l'attendaient.

           Il se leva, s'approcha de son ami, qui se leva à son tour, et le prit dans ses bras.

           - Merci... Un véritable ami est capable de nous dire ce que l'on n'a pas envie d'entendre. Je te remercie de l'avoir fait. Je n'y serais pas retourné sans toi.

           - De rien, mon ami, tu prends la bonne décision. Tiens, voilà les clefs de ma voiture. Bonne chance.

           Moon se dirigea vers la porte puis, alors qu'il allait quitter la somptueuse maison, se retourna.

           - Viens avec moi David, ne reste pas seul ici.

           David ne sembla pas hésiter pour répondre.

           - Non merci, c'est gentil mais je vais rester là. Je suis chez moi, et j'ai des choses à régler avec moi-même avant de mourir. On se reverra dans l'au-delà, s'il existe.

           - Je comprends. Bonne chance à toi alors.

           Et il sortit.

           Il avait du chemin à faire pour aller du quartier de Georgetown, situé au nord-ouest de la ville, aux quartiers du sud-est où vivait sa famille. Les quartiers sud étaient généralement ceux qui étaient les plus touchés par la délinquance. Il lui faudrait donc d'abord traverser ce qui restait du centre ville de Washington, avant de pénétrer dans ce qui devait désormais être un véritable enfer. Heureusement, le 4X4 de David lui serait d'une grande utilité vu l'ampleur de la tâche.