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Bureau du général McDouglas, Pentagone, 17h45.
Il avait osé. Il ne l'en aurait pas cru capable. Cet imbécile de Banks avait failli le tuer, lui, le chef des armées et maintenant de la première puissance mondiale. Certes, il s'était montré courageux, mais c'était un imbécile, il était mort maintenant et ne pouvait plus contrecarrer ses plans. Avec Gates et Moon en cellule, il n'avait désormais plus d'adversaire et pouvait gérer la situation comme il l'entendait. Banks avait eu du cran, il le reconnaissait bien là. Il s'en était fallu de quelques centimètres. La balle l'avait atteint au beau milieu de l'épaule gauche. Il n'avait pas bougé lorsque l'amiral Banks le tenait en joue, il ne pouvait pas perdre la face devant tout le monde, et c'était certainement ce qui avait poussé Banks à aller jusqu'au bout.
Enfin, l'amiral était mort et lui vivant, il était temps de passer à l'action. Il sortit de son bureau, dans lequel il était allé se reposer après qu'on lui ait retiré la balle. Il avait refusé d'aller à l'hôpital ou à l'infirmerie, prétextant d'avoir à remplir son devoir avant de penser à son bien-être personnel. Mais c'était surtout son excitation à l'idée de ce qui allait suivre qui l'avait poussé à rester sur les lieux.
Une fois dans la salle de commandement, il se retrouva face au général Gates et à Max Moon. Il avait demandé à ce qu'on les fasse venir. Les deux hommes étaient menottés aux poignets et aux chevilles et bâillonnés.
- Ah, messieurs, je suis ravi de vous voir ! Vous me semblez encore plus fatigués, vous devriez songer à vous reposer, d'autant plus que vous n'avez pas grand-chose d'autre à faire dans votre cellule.
Si les yeux du général Gates avaient pu lancer des couteaux, le corps du général McDouglas en aurait été criblé de la tête aux pieds. Jamais il n'avait ressenti une telle haine envers quelqu'un.
- Soldats, conduisez-les dans mon bureau, face à l'écran que j'ai installé pour eux. Je viendrai célébrer notre victoire avec eux.
Les deux soldats obéirent et le général se désintéressa de ses deux prisonniers, pressé d'en finir.
Gates et Moon furent installés devant un grand écran de contrôle retransmettant ce qui se passait dans la salle de commandement. C'est ainsi qu'ils entendirent les terribles ordres du général.
Malgré son bâillon, le général Gates hurla, se débattant de toutes ses forces sur son siège. Moon était effaré, se demandant si tout ce qui se déroulait était vraiment réel. C'était impossible. Comment pouvait-il faire une telle chose ?
- Vous m'avez très bien entendu, ordre de bombarder la cible de Las Vegas.
Tout le monde s'était arrêté de parler dans la salle et même, semblait-il, de respirer. Le général, sûr de lui, approcha de l'aide de camp qui tenait la lourde mallette noire. Ce dernier détacha les menottes qui le liaient à la elle puis la tendit au général. Le général McDouglas la posa sur la table puis sortit ce qui ressemblait à un sachet de biscuits de sa poche intérieure. Il ouvrit le film opaque et en sortit une petite carte plastifiée du même format qu'une carte de crédit. Enfin, il entra le code inscrit sur la carte dans l'ordinateur logé dans la mallette. Sans aucune hésitation, il appuya sur le bouton de confirmation.
Les minutes qui suivirent semblèrent interminables. Tout le monde avait les yeux rivés sur les écrans de contrôle. C'est alors qu'il apparut. En une fraction de seconde, le missile à têtes multiples s'écrasa sur la capitale du jeu en une énorme boule de feu. Même à travers l'écran, il était possible de deviner la puissance de l'explosion. L'onde de choc brouilla momentanément la retransmission. Lorsque l'image fut rétablie, la seule chose visible était un immense champignon composé de vapeur d'eau et de poussière. Le général McDouglas ne pouvait s'empêcher de laisser apparaître un rictus de satisfaction.
Plus personne ne parlait. Tout le monde était suspendu aux images des écrans de télévision. Un en particulier. Celui qui diffusait les images de la cible, le temple.
Peu à peu, l'épais brouillard se dissipa, laissant entrevoir un décor de fin du monde. Lorsque l'image fut enfin nette, ce qu'elle dévoila était encore pire que tout ce que les généraux avaient pu imaginer. Il ne restait quasiment rien de la métropole. Pire, le seul bâtiment encore sur pied était précisément celui que la bombe devait faire disparaître. Le temple était intact.
Quelques petits cris, des pleurs, vinrent troubler l'imposant silence qui régnait dans la salle de contrôle. Le général McDouglas ne bougeait pas, son regard, complètement vide, fixé sur les images de l'indestructible bâtiment. Son odieux rictus de satisfaction avait disparu. Aucune expression ne parcourait son visage, une véritable statue de cire. Les minutes passèrent. Gates avait cessé de hurler et contemplait, les larmes aux yeux, ce qui restait de Las Vegas. Tout ça pour ça. Ce fut l'amiral Wellington qui brisa l'interminable silence.
- George, que fait-on maintenant ?
Il était complètement désemparé. On aurait dit un petit enfant perdu dans les rayons d'un supermarché, demandant en vain aux gens s'ils avaient vu ses parents. Mais le général ne répondit pas. Ce fut au tour du général Brooks de tenter d'obtenir une réponse.
- Général ! Réveillez-vous, bon sang, nous devons réagir !
Mais toujours aucune réponse. Un insupportable silence s'installa de nouveau.
Puis, le général McDouglas esquissa ses premiers gestes depuis le largage de la bombe. Sans prononcer un mot et sans regarder personne, il se dirigea lentement vers son bureau.
Une fois à l'intérieur, il se trouva nez à nez avec Gates et Moon, toujours prisonniers. Il n'eut pas le moindre regard pour eux, c'était comme s'il ne les avait même pas vus. Gates avait recommencé à se démener pour tenter de se défaire de ses menottes, entamant la chair autour de ses poignets et de ses chevilles. Il hurlait des insultes inintelligibles à l'encontre du général McDouglas derrière son bâillon. Mais ce dernier ne lui prêtait toujours aucune attention. Il se dirigea vers son bureau. Moon, quant à lui, était toujours sous le choc des images qu'il venait de voir, et tentait de recouvrer ses esprits.
Le général s'assit, puis ouvrit le tiroir central du magnifique meuble en acajou. Il en sortit un pistolet. Gates sursauta. Le général allait se venger sur eux, c'était évident. Il vivait ses derniers instants, cloué sur ce satané fauteuil roulant, sans même pouvoir se défendre. Qu'il en termine rapidement, il ne pouvait pas en supporter davantage.
Mais le général McDouglas ne le regardait toujours pas. Gates se rendit compte que son regard avait changé. Alors qu'il était complètement vide quelques instants plus tôt, il était maintenant empli d'une profonde terreur. Et Gates comprit. Le général venait de se rendre compte de la réalité. Il n'y avait jamais cru. Jusqu'à maintenant. Il avait fallu qu'il aille jusqu'à lancer une bombe nucléaire sur l'une des plus grandes villes américaines pour enfin ouvrir les yeux. Étrangement, cela rendit le général Gates encore plus triste. Tous ces gens sacrifiés pour rien.
Soudain, le général McDouglas pointa son arme sur sa tempe et, sans aucune hésitation, pressa sur la détente.
Le cœur battant à tout rompre, Alan Gates regardait ce qui restait de son ennemi. Quelques secondes plus tard, deux soldats fracassèrent la porte du bureau et pénétrèrent dans la pièce l'arme au poing. Étant donné que Gates et Moon étaient toujours solidement menottés, ils comprirent que le général McDouglas s'était suicidé. A contrecœur, l'amiral Wellington demanda à ce que les deux prisonniers soient libérés
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Le compte à rebours
ParanormalPartout sur Terre, au même moment, de terribles explosions réduisent en cendres des lieux de forte importance politique, religieuse ou économique. Se pose alors la question de savoir qui en est l'auteur. Aux États-Unis, comme partout ailleurs, c'es...