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Philadelphie (Etats-Unis), le même jour.
Lucy était radieuse. Elle venait d'avoir de l'avancement, et son patron l'avait libérée pour la journée. La jeune femme pensait en avoir enfin terminé avec cette période maussade. Constamment fatiguée, nerveuse, angoissée, rien ne l'aidait à aller mieux. La pluie tombée sans discontinuer depuis une quinzaine de jours à Philadelphie et ce, malgré les grosses chaleurs, n'avait rien arrangé. Lucy ne se rappelait d'ailleurs pas avoir eu aussi chaud depuis qu'elle avait emménagé ici avec James, son mari, deux ans auparavant.
Lucy et James s'étaient rencontrés dans un congrès de publicitaires ici même à Philadelphie, quatre ans plus tôt. Ce fut le coup de foudre immédiat. Sur le point de s'endormir dans l'immense amphithéâtre surchauffé lors d'un rassemblement de début d'après-midi, Lucy fut sorti de sa torpeur par les ronflements de son voisin de droite. Le réveillant doucement, elle lui fit comprendre d'un air tant désolé qu'amusé que tout le monde l'avait remarqué. Il la remercia, gêné, et ils commencèrent à discuter. Lorsqu'on leur demanda de se taire pour la troisième fois, ils continuèrent en s'écrivant sur des petits papiers, comme deux collégiens espérant ne pas se faire prendre par leur professeur. Ils ne s'étaient plus quittés de la semaine.
Il faut dire que tout était fait pour qu'ils se rencontrent dans ce séminaire. Ils faisaient partie des rares personnes à avoir moins de trente ans et partageaient les mêmes centres d'intérêt, le sport et le cinéma principalement. Loin d'être un canon de beauté sorti des magasines, Lucy dégageait un charme certain. Ses grands yeux verts en amande attiraient le regard de tous les hommes. Très sportive, ses habituels jeans laissaient imaginer d'interminables jambes musclées. Une longue queue de cheval retombait au creux de ses reins, maintenant son impressionnante crinière blonde en place.
Suite au séminaire, ils se téléphonèrent quasiment chaque jour, passant des nuits entières à discuter de tout et de rien, à refaire le monde. Dès que l'occasion se présentait, l'un ou l'autre parcourait les milliers de kilomètres qui les séparaient pour passer quelques jours ensemble.
Après plus d'un an de cette relation à distance, le jeune couple n'en pouvait plus et James proposa à Lucy de venir vivre avec lui. Ils décidèrent qu'elle viendrait s'installer pendant les vacances d'été, afin de voir si la vie à deux leur convenait. Cela avait été fantastique et malgré son attachement à sa ville natale, Lucy emménagea sans hésiter. Depuis, tout était allé très vite. Lucy avait trouvé du travail assez rapidement et couple avait pris ses habitudes. Ils s'étaient mariés trois mois plus tard et filaient aujourd'hui le parfait amour. Seule ombre au tableau, Lucy n'aimait pas sa vie à Philadelphie. Le climat la rebutait, elle trouvait la ville triste et ne s'y sentait pas à l'aise. La Nouvelle-Orléans lui manquait terriblement, et pas un jour ne passait sans qu'elle ne regrette sa famille et ses amis. Seul l'amour qu'elle vouait à James lui permettait de vivre dans cette ville où elle se sentait toujours comme une étrangère.
James, malheureusement, était très distant ces dernières semaines. Il semblait préoccupé. Alors qu'il avait l'habitude de se confier à Lucy quand il avait des soucis, il s'était enfermé dans un profond mutisme. Les petites attentions et les marques d'affection se faisaient de plus en plus rares. Même lorsqu'ils faisaient l'amour, Lucy avait l'impression que son mari n'était pas vraiment là, qu'il avait l'esprit ailleurs.
Savourant ce magnifique début d'après-midi, Lucy enfourcha son vélo pour rejoindre son appartement. Elle ne pouvait s'empêcher de sourire et sentit les larmes lui monter aux yeux en ressentant le vent lui caresser le visage, le soleil réchauffer sa peau, la voix de Norah Jones résonnant dans ses oreilles. Tout allait s'arranger, elle en était persuadée. Elle allait rentrer, s'installer sur la terrasse avec un bon jus de fruit, puis elle préparerait un dîner romantique pour le soir. James adorait les sushis. Lucy était une spécialiste de la cuisson du et son poissonnier lui découperait de fins et fondants morceaux de saumon. Elle prévoyait également quelques makis à l'avocat, le tout accompagné d'un vin blanc Sauvignon de Californie. Pour le dessert, elle lui servirait des bâtonnets de riz au lait de coco chaud, surmontées de tranches de mangue fraiche. Le tout dans une ambiance tamisée, Valérie June en fond sonore, la soirée s'annonçait parfaite.
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Le compte à rebours
FantastiquePartout sur Terre, au même moment, de terribles explosions réduisent en cendres des lieux de forte importance politique, religieuse ou économique. Se pose alors la question de savoir qui en est l'auteur. Aux États-Unis, comme partout ailleurs, c'es...