Chapitre 37

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Près de New York City, 16h40.

           Malgré les circonstances, Quentin se sentait bien. Il savait enfin ce qu'il devait faire. Durant toutes ces années, il avait vécu au rythme de cette routine ridicule, tel un mouton. Bien entendu, il avait eu bon nombre d'avancements et de promotions, accumulant l'argent à ne plus savoir qu'en faire. Ce même argent lui permettait de mettre dans son lit autant de filles qu'il le souhaitait, mais tout ceci n'avait aucun sens. Il avait avancé à l'aveugle, se fourvoyant, bafouant la mémoire de son père. Mais maintenant il le savait, tout cela n'avait existé que pour ce jour. C'était son destin. Il allait enfin agir pour une bonne cause, pour le bien des autres et le sien, par la même occasion. Rien ne pourrait le faire reculer.

           Plus il se rapprochait de New York et plus il croisait de voitures en sens inverse. Il était même seul sur sa voie. Les gens quittaient la ville devenue trop dangereuse, et s'éloignaient par la même occasion du temple, pensant avoir une chance d'échapper au pire.

           Il réussit sans mal à passer les portes de la ville et à s'engager sur la voie 9A. Alors qu'il longeait Manhattan, l'Hudson à sa droite et Broadway sur sa gauche, à peu près au niveau de Central Park, il entra dans un autre monde. Tout était dévasté. Des carcasses de voitures accidentées étaient disséminées le long de la route, des colonnes de fumée apparaissaient à divers endroits, des bruits de sirène retentissaient ici et là. Tout à coup, une rafale de mitraillette retentit. Le pare-brise de la Mercedes qui le précédait explosa et le véhicule partit en tête à queue. Quentin pila. Sa voiture avança encore sur plusieurs mètres, frôlant de peu le véhicule en train de faire une interminable vrille au beau milieu de la voie, puis s'immobilisa. Il put voir la voiture attaquée s'écraser avec une violence incroyable sur le mur extérieur de la route.

           Quelques secondes à peine après le choc, trois hommes armés de mitraillettes pénétrèrent sur la voie et se dirigèrent vers la Mercedes. L'un d'eux ouvrit la portière et en sortit un homme d'une cinquantaine d'années, le visage en sang. Le pauvre homme n'arrivait pas à se tenir debout, ne comprenant pas ce qui lui arrivait. Soudain, son agresseur le jeta violemment sur le sol et, aussitôt, l'un de ses acolytes lui donna un puissant coup de pied dans le ventre, puis dans le visage, avant de lui écraser la tête sur le sol avec son talon.

           Quentin n'en pouvait plus de rester là à regarder cette boucherie. Mais que pouvait-il faire ? Allait-il se comporter comme un lâche, une nouvelle fois ? Toutefois, une petite voix dans sa tête lui disait qu'agir courageusement risquait fort de le faire tuer, et qu'il ne pourrait plus accomplir sa mission.

          Alors qu'il était en plein dilemme, le troisième homme armé, resté légèrement à l'écart depuis le début de l'attaque, regarda dans sa direction. Il interpella ses complices qui se tournèrent vers Quentin. Celui qui avait sorti le conducteur de sa voiture et semblait être le chef, lui ordonna d'aller voir d'un geste de la main. Puis, sans aucune raison, il tira une rafale sur le pauvre homme qui gisait au sol, sans même un regard pour sa victime. Il entreprit ensuite de le fouiller, puis se dirigea vers la Mercedes complètement défoncée.

           Quentin était figé de terreur et de consternation à la vue de la scène à laquelle il venait d'assister. Comment pouvait-on avoir si peu de considération pour la vie humaine ? Comment pouvait-on se montrer aussi cruel avec quelqu'un qui ne vous avait jamais rien fait ?

           - Sors de la voiture, les mains en l'air !!!

           Les cris de l'homme qui le tenait en joue le sortirent de sa stupeur. Sans réfléchir, il plaqua les mains sur le volant et enfonça l'accélérateur au maximum. L'homme n'eut ni le temps de se pousser, ni celui de tirer. La voiture le percuta de plein fouet et il vint s'écraser sur le pare-brise. Quentin continua à rouler sous le bruit assourdissant des rafales de mitrailleuses. Heureusement, les deux autres hommes avaient réagi trop tard à sa fuite et commencèrent à tirer alors qu'il était déjà une bonne vingtaine de mètres plus loin.

          Il lui fallut quelques minutes pour reprendre ses esprits et lever le pied. En effet, il ne manquerait plus qu'il s'encastre dans les bordures. Il roula encore une dizaine de minutes, slalomant entre les carcasses de voitures qui jonchaient le sol, et dont certaines étaient encore fumantes. Puis, vint un moment où il ne put plus avancer. Un camion citerne s'était arrêté au milieu de la route, en travers. Quentin stoppa la voiture, descendit, et entreprit de passer au-dessus de la barrière séparant les deux voies. Sans sa voiture, à découvert, il se sentait totalement vulnérable, à la merci du premier venu.

Le compte à reboursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant