Chapitre 31

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Poste de police de Waynesboro, 8h40.

           Lucy avait passé le reste de sa nuit au poste de police. Après avoir assommé Brent, elle s'était précipitée vers la maison la plus proche. Un couple de personnes âgées, les Skinner, l'avaient recueilli et, ne parvenant pas à obtenir d'informations de sa part tant elle était en état de choc, avaient appelé la police. Les policiers l'avaient immédiatement conduite au poste où un médecin les attendait. L'examen n'avait dévoilé que des blessures superficielles et le médecin l'avait déclarée apte à être interrogée. Toujours sous le choc, à demi- consciente d'être là où elle était, elle avait tenté tant bien que mal d'expliquer les faits aux deux policiers qui lui faisaient face. Elle avait ensuite pu prendre une douche et changer ses vêtements, troquant sa robe déchirée pour un bas de survêtement et un sweat-shirt de la police. Puis ils l'avaient conduite dans une petite pièce où elle pourrait se reposer. Il lui fut impossible de fermer l'œil de la nuit. Elle revivait sans cesse, tel Sisyphe et son rocher, la terrible scène de la soirée.

           Elle était maintenant assise dans le bureau de l'inspecteur Colangelo, une tasse de café noir à la main, le regard perdu. Des flashs de la veille lui revenaient sans cesse et, bien qu'elle se soit lavée et changée, elle avait toujours l'impression de sentir l'odeur de cette pourriture de Brent. Elle n'entendit pas la porte s'ouvrir et sursauta lorsque l'officier l'appela, renversant par la même occasion une partie de son café sur le bureau.

          L'inspecteur avait trente-six ans, mais paraissait en avoir dix de plus. Mal rasé, des épais cheveux noirs en bataille et un air nonchalant lui donnaient un air inoffensif. Certains s'étaient même permis de ne pas le prendre au sérieux, de ne pas se méfier de lui, une erreur qui leur avait valu quelques longues années de prison.

           - Bonjour Madame Granger, je suis vraiment désolé, je ne voulais pas vous faire peur.

           - Ce... ce n'est rien. Désolée pour votre bureau... Euh... Auriez-vous... Je suis désolée, je vais... je vais nettoyer.

           - Laissez, il n'y a pas de problème. Vu l'état de mon bureau, je suis persuadé que personne ne verra la différence.

           Mais Lucy continuait d'essuyer les taches de café avec son mouchoir, comme si elle n'avait pas entendu le lieutenant.

           - Madame Granger, laissez, je vous dis, tout va bien.

           Le ton plus sec du policier fit réagir Lucy. Elle arrêta net et le dévisagea.

           - Mademoiselle Grey... Appelez-moi Mademoiselle Grey... Il n'y a plus de Madame Granger.

           L'inspecteur sentit que Lucy était à deux doigts de craquer, elle avait les nerfs à vif.

          - Très bien, Mademoiselle Grey. Je dois vous faire part d'une information capitale, mais malheureusement, je crains que cela ne soit pas une bonne chose.

           Lucy serra les poings de toutes ses forces et ferma les yeux.

          - Mademoiselle Grey, Brent O'Neill est mort. Il est décédé à la suite du coup que vous lui avez infligé à la tête. Je suis désolé, mais comme vous vous en doutez, je vais devoir vous garder encore avec nous.

           Lucy eut un haut-le-cœur. Elle sentit ses tripes se tordre. Dans sa tête s'entrechoquaient des visions de procès, de prison, de viol, le tout dans une confusion étourdissante. Les visions s'accéléraient, ses oreilles bourdonnaient, elle sentait des frissons lui parcourir le corps en même temps que de la sueur couler le long de son front, de ses aisselles et de sa nuque. Elle était désorientée, sentait son corps la lâcher, elle titubait. Elle se sentit partir, tenta de se rattraper au bureau, puis s'évanouit.

Le compte à reboursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant