Chapitre 55

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Temple de Washington D.C.

           Lucy s'était mise à hurler et, en se débattant comme une furie, elle avait failli basculer par-dessus la rambarde. Heureusement, William avait réagi rapidement et la tenait maintenant dans ses bras, essayant de la rassurer. Ce dernier effort lui avait coûté beaucoup d'énergie, il était de plus en plus fatigué et l'envie de se reposer dépassait celle d'atteindre la dernière pièce. Mais il devait continuer, il ne pouvait pas baisser les bras maintenant, pas si près du but. Il était persuadé que ces escaliers étaient les derniers, même s'il s'était déjà dit cela durant l'ascension des quatre derniers. Lucy semblait avoir retrouvé son calme. Elle ne pleurait plus, ne se débattait plus et sa respiration redevenait normale.

           - Est-ce que ça va ? demanda William, inquiet.

           Pour la première fois depuis plusieurs heures, elle leva les yeux vers lui et c'était bien lui qu'elle regardait.

           - Oui... ça va... ça va mieux, merci. C'était affreux... Tous ces gens... Toute cette souffrance... Je ne pensais pas...

           Elle était sur le point de se remettre à pleurer. William la prit par les poignets et la secoua légèrement.

           - Écoutez-moi ! Tout ceci est un piège ! Cette chose veut que vous craquiez, mais vous ne pouvez pas vous laisser aller ! Tout ceci est faux ! C'est une illusion ! Vous devez être plus forte que tout ça ! Vous devez reprendre le contrôle de votre esprit ! Vous...

           Il ne put terminer sa phrase, pris par une impressionnante quinte de toux. Une toux rauque, qui lui faisait mal, le pliant en deux. Lorsque ce fut terminé, il regarda ses mains. Elles étaient pleines de sang.

           - Mais... Vous êtes souffrant ! s'inquiéta Lucy tout en s'approchant de lui.

           William s'écarta, refusant toute aide.

           - Ne vous inquiétez pas, tout va bien. Ca doit être dû à la fatigue et aux privations. Je n'ai rien avalé depuis des lustres et les derniers jours ont été plus qu'éprouvants.

           Lucy ne voulut rien savoir et plaqua sa main sur le front de William.

           - Vous êtes brûlant ! Il faut vous reposer !

           William la regarda en souriant.

           - Je suis tout à fait d'accord avec vous. On fait quoi ? On installe un matelas dans un coin ?

          Mais la jeune femme ne sembla pas apprécier la plaisanterie.

           - C'est bon, je plaisante. Écoutez, oui je suis très fatigué, je me sens mal, mais ce n'est pas le moment de s'arrêter. C'est d'ailleurs impossible. Et puis nous touchons au but, j'en suis certain. Si personne n'arrive à stopper tout ça, il ne me reste, quoi qu'il arrive, qu'un peu plus d'une journée à vivre. Et franchement, j'ai pas envie de passer mes dernières heures à me reposer.

           Lucy ne répondit pas, mais il vit à son expression qu'il l'avait convaincue. Ils franchirent les quatre marches qui s'étaient libérées depuis qu'il l'avait empêché de se jeter dans le vide.

           Les heures qui suivirent furent un véritable calvaire. William sentait ses forces l'abandonner progressivement et la douleur qu'il ressentait à l'abdomen s'intensifiait. Lucy, quant à elle, prenait régulièrement des crises de larmes et souffrait de son épaule. Les plus horribles pensées s'insinuaient sournoisement à l'intérieur de leurs esprits, et l'espoir disparaissait à mesure que le temps passait. Ce temps qui s'écoulait lentement, si lentement, les accompagnait délicatement aux portes de la démence.

           Enfin, ils atteignirent enfin le sommet. Et là, comme William l'avait imaginé, ils purent enfin apercevoir l'immense porte de pierre, à une vingtaine de mètres devant eux.

           Durant le temps qu'ils passèrent dans le dernier couloir, William put s'apercevoir que les gens ne restaient pas tous le même temps dans la pièce avec l'entité. Certains entraient alors que la personne qui les précédait venait à peine d'entrer à son tour. D'autres fois, il fallait attendre de longues minutes. Puis, après une insoutenable attente, ce fut à leur tour de pouvoir entrer. Lucy se retourna vers William.

           - Alors, qui y va en premier ?

           - Vous. Plus vite vous serez sortie d'ici, mieux ce sera. Et puis il y a un risque que cela tourne mal lorsque je serai à l'intérieur, donc je préfèrerais vous savoir sortie.

           - Très bien, je m'en doutais.

           Lucy avait les larmes aux yeux. Elle s'approcha de William, le regarda droit dans les yeux, et déposa délicatement un tendre baiser sur ses lèvres.

            - Merci William, merci pour tout. Sans vous, je ne serais jamais arrivée jusqu'ici.

            William n'aurait su dire si c'était à cause de leur fin qui approchait, ou bien de la fatigue, ou encore de tout ce qu'ils avaient enduré côte à côte dans ce lieu de cauchemar, mais le moment des adieux lui déchira le cœur. Il savait pertinemment que c'était la dernière fois qu'il la voyait et se dit qu'il avait fait ses adieux à bien trop de gens ces derniers jours.

            - Adieu Lucy, et bonne chance.

           Il relâcha sa main et lui adressa un franc sourire. Puis la porte s'entrouvrit et, tout en jetant à William un dernier regard empli de crainte, Lucy disparut.

Le compte à reboursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant