Chapitre 51

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Quartier de Georgetown, Washington D.C, 11h42.

           Moon avait passé la nuit chez l'un de ses vieux amis journalistes. Une fois sorti du Pentagone, il avait en vain cherché un bar ouvert. Tous les bars, les restaurants et les magasins avaient été abandonnés aux mains des pillards. Moon s'était alors rendu chez son ami, David Murray, qu'il était certain de trouver chez lui.

           Il ne s'était pas trompé. David avait consacré sa vie à son travail et avait d'ailleurs particulièrement bien réussi, devenant l'un des plus grands journalistes d'investigation au monde. Travaillant tout d'abord pour le Washington Post, il avait par la suite vendu ses enquêtes aux plus grands journaux, puis avait décidé de travailler pour la télévision, où il rencontra un grand succès. Une fois au sommet de sa gloire, il s'était lancé dans des productions cinématographiques dénonçant les dangers du nucléaire ou de la malbouffe, avant de s'intéresser à l'environnement et aux divers conflits géopolitiques mondiaux. Son credo, montrer à tous la part de responsabilité des grands pays industrialisés dans ces fléaux. Aujourd'hui l'un des hommes les plus puissants des États-Unis, grâce à ses réseaux et à son influence sur le public et les médias, il était devenu intouchable.

           Intouchable, mais seul. Ayant consacré sa vie à ses enquêtes, il avait délaissé toute vie sociale. Il avait bien entendu des tas d'amis, ou de connaissances serait un terme plus approprié, mais aucune famille. Et là, à quelques heures de la fin du monde, il se retrouvait seul dans son appartement.

           Moon s'était dit que c'était la meilleure personne avec qui terminer son existence. Après tout, ils se ressemblaient énormément. Leur travail passait avant tout, et ils étaient seuls. David l'accueillit à bras ouverts, non sans surprise, et ils burent jusqu'au petit matin.

           Ce fut la chaleur écrasante qui régnait dans le luxueux appartement de Georgetown qui réveilla Moon. Jamais, de toute sa vie, il ne s'était senti aussi mal. Les relents de vin blanc se mêlaient à ceux de bourbon et de bière. Ses vêtements étaient trempés, le collant telle une combinaison de plongée. De sa peau s'écoulait une transpiration grasse et nauséabonde ce qui, à chaque mouvement, lui donnait davantage envie de vomir. Au prix de gros efforts, il parvint à se relever et se dirigea vers la porte-fenêtre. Il avait besoin d'air, sinon il allait s'évanouir ou pire, vomir sur sa chemise avant de s'évanouir. Il réussit à atteindre la poignée et, dans un dernier effort, fit coulisser la porte-fenêtre. Un air brûlant s'engouffra dans la pièce, lui coupant les jambes, et il tomba à genoux. Puis, presque instantanément, il régurgita tout ce qu'il avait dans le ventre. Le sang lui battait les tempes, sa tête était sur le point d'exploser, il sentait ses yeux qui tentaient de s'échapper de leurs orbites, et il vomissait, vomissait toujours plus. Il pleurait maintenant, à la fois par réflexe physiologique et à cause de l'humiliation que la situation lui faisait endurer. Puis, enfin, tout s'arrêta et il resta là, à genoux, l'air hébété.

           - Mais bordel qu'est-ce que tu fous ?

           David venait d'entrer dans le salon. Alors qu'il s'approchait de son ami, il aperçu les vomissures de ce dernier et se précipita vers lui.

           - Max ! Hé Max, ça va ?!

           Moon ne put que tourner la tête vers son ami, honteux et hagard à la fois.

           - Je... je... chaleur... c'est la chaleur... voulais juste de l'air... désolé... je suis désolé...

          David l'aida à se relever et le traîna sur le canapé pendant que Max continuait à marmonner des excuses.

Le compte à reboursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant