Chapitre 48 - Ouroboros

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Elle trouva son beau-père dans la bibliothèque, assoupi dans son fauteuil. Ne voulant pas le réveiller tout de suite, elle se rendit en cuisine et demanda à Marcel une assiette de biscuit et du thé. Chargée d'un plateau dégageant un délicieux parfum de citron et de vanille, elle revint auprès de son beau-père qui émergeait doucement de sa sieste réparatrice.

– Mon enfant ! Dit-il d'une voix ensommeillée dès qu'il la vit. Vous allez être heureuse, Mr Alainn vient de nous livrer notre lot de courriers. Il fait tant de voyages entre ici et Londres ! J'espère que ce garçon le paît bien ! Il y a une lettre de mon Joshua. Il soupira, visiblement déçu de son contenu. Une très épaisse pour vous de Mlle Shaw, j'ai l'impression que cette petite n'est pas capable d'écrire moins de dix pages. Ainsi qu'un compte-rendu détaillé des avancées de Mr Brogan. Et plus surprenant...

Il tendit un pli à Cassandre qui la fit immédiatement sourire d'une oreille à l'autre. Elle aurait reconnu entre mille l'écriture de gaucher contrarié de son frère. Enfin ! Elle la soupesa, elle était lourde, pour une fois il n'avait pas dû se contenter d'un : Bonjour. Je vais bien. Ne t'en fais pas. Il fait beau, pluvieux, chaud, froid. Rayez les mentions inutiles. Durant ses années en école militaire, cela avait été une blague entre ses parents et elle. Allait-il dépasser les vingt mots ?

Elle glissa ses lettres dans les plis de sa robe et servit une tasse de thé à Jordan.

Il était surpris qu'elle ne se jette pas immédiatement sur ces nouvelles qu'elle attendait depuis des semaines.

Il la dévisagea un long moment, il la trouva un peu fébrile, et ses yeux brillaient d'exaltation. Mais c'est le plus calmement du monde qu'elle lui raconta les événements de la nuit dernière.

– Et vous vous êtes tout de même précipitée à sa suite, alors que vous étiez seule...

Artie se redressa, marquant son mécontentement de compter pour rien.

–... Et sans arme. C'est très imprudent. Les choses auraient pu très mal tourner et cela sans que personne ne sache où vous étiez.

– Je ne suis pas aussi imprudente que vous le pensez. Je ne l'ai pas suivi dans les bois.

– Peut-être était-ce juste un rôdeur ?

– Un rôdeur n'aurait pas eu ça sur lui.

Elle ouvrit la boîte en métal avec toute la théâtralité dont elle était capable.

L'effet fut gâché quand Jordan se mit à tousser comme un tuberculeux en s'éventant.

– Qu'est-ce que c'est que cette horreur ? Finit-il par réussir à articuler.

– Une sorte de répulsif pour chien particulièrement puissant. Une vraie saloperie si je peux me permettre d'être grossière. Une telle poudre, directement dans les naseaux, handicaperait un animal à vie. On ne trouve pas ce genre de chose à tous les coins de rue, c'est un mélange complexe, j'imagine mal un simple voleur se munir d'une telle chose. Et surtout... Regardez ce symbole marqué sur le cuir.

Jordan se pencha pour examiner le signe doré.

– J'ai d'abord pensé, dans l'obscurité du sous-bois, qu'il s'agissait d'un caducée et que cette poudre était une sorte de préparation pharmaceutique, qui aurait pu sortir d'une officine, mais rien de tel en vérité. C'est une torche. Entourée d'un serpent qui se mord la queue.

 Entourée d'un serpent qui se mord la queue

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– Un ouroboros. C'est un symbole extrêmement ancien, il est présent dans de nombreuses cultures de par le monde, depuis les rives du Nil, jusqu'aux fjords de Scandinavie. C'est un symbole purificateur, il représente le cycle de la vie, de la naissance, à la mort, puis à la renaissance. Le comte mima de la main la boucle infinie. Il est particulièrement apprécié des alchimistes. Mais combiné avec une torche... Il réfléchit un moment. Je ne sais pas où je l'ai vu, mais cela me dit quelque chose.

Cassandre avala quelques biscuits qu'elle fit descendre avec une tasse de thé, d'une manière peu féminine qui arracha un sourire à Jordan.

– Je vous laisse y réfléchir. Je peux déjà vous assurer que ce n'est pas dans vos livres noirs, je m'en souviendrais, si j'avais dû recopier ce symbole. Je m'en vais maintenant. Je dois aller prendre un bain, il semblerait que je pue.

– Je n'osais pas vous le dire jeune fille.

Elle quitta la pièce en riant.

Cela plongea le comte dans ses souvenirs. Elle avait le même rire que son père.

***

Après avoir pris un bon bain chaud, avoir été savonnée, frictionnée à l'eau de Cologne et parfumée. Christine hocha la tête d'un air satisfait et accorda à lady Blake un peu de tranquillité. Elle s'était enroulée dans un grand peignoir qu'elle avait "emprunté" à Joshua. Sa robe de chambre avait été jetée dans le feu la semaine dernière. Évidemment, elle se doutait bien de qui était la coupable mais elle avait décidé de l'ignorer. En attendant de porter une tenue convenable pour le dîner, elle avait donc fait trois revers aux manches et se faisait l'impression de n'être qu'une fillette.

Elle chercha un endroit où se cacher de Christine, traînant derrière elle les pans de velours noirs bien trop longs.

La camériste avait entrevu la possibilité d'une nouvelle garde-robe pour sa maîtresse, elle ne la lâcherait.

D'après elle, il s'agissait de l'idée du siècle, elle commençait déjà à se renseigner sur les meilleurs magasins de Londres. Il y avait notamment cet endroit où l'on trouvait des robes de Charles Frederick Worth, dont elle lui chanta les louanges alors qu'elle frottait au sang son dos avec un gant de crin...

Cassandre n'était pas absolument réfractaire à la mode tant qu'elle ne devait pas porter une robe dans les bois, mais elle n'avait qu'une seule envie, lire la lettre de son frère dont elle était sans nouvelle depuis des semaines. Elle profita donc que Christine ait décidé de repasser son corsage pour fuir se réfugier dans la chambre de son mari où elle ne la chercherait pas.

Il y avait une alcôve, baignée de soleil dont la vue était presque aussi belle que celle qu'elle voyait de ses propres fenêtres. Après tout, il n'y avait que deux pièces qui les séparaient et Cassandre se demanda s'il serait possible de faire un seul et même appartement et cassant quelques murs. Les appartements d'apparats du comte et de la comtesse, à l'étage du dessous étaient bien plus grands et commodes, mais...

Elle entendit les pas de sa camériste dans les escaliers de la tour. Elle ferma la porte derrière elle et alla s'asseoir sur la banquette matelassée en velours vert élimé. Elle prit la lettre d'Arcas et posa sur le guéridon celle de Gaëlle qu'elle lirait ensuite.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant