Chapitre 79 (Partie 7)

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Arcas traînait les pieds.

Il se rendait au camp français avec une mauvaise volonté qui à elle seule aurait dû lui valoir la perte de ses galons. Il se faisait l'impression d'être un taureau qu'on menait à l'abattoir.

À présent, il savait où allait son allégeance, pas à l'armée ou à la patrie, mais bien à sa famille. Au fond, il l'avait toujours su mais jusqu'alors n'avait pas eu à choisir entre son devoir et son amour pour les siens.

Qu'il leur arrive malheur alors qu'il suivait des ordres ineptes et il ne se le pardonnerait jamais.

Lorsqu'il arriva en vue de la haute palissade de bois qui enserrait à présent le camp, il poussa un soupir las et caressa la lourde tête de Cerberus, qui sentant l'humeur de son maître, semblait plus taciturne qu'il ne l'avait jamais été.

Arcas remit un minimum d'ordre dans sa tenue et après un salut aux plantons qui piétinaient sur place pour ne pas perdre leurs orteils, passa les portes pour voir à quelle sauce il allait être mangé.

Il se dit qu'il avait une chance de court-circuiter Darmain et ses reproches s'il faisait plutôt son rapport à Bosquet. Il se dirigea donc d'un pas résolu vers sa tente.

Il se retrouva nez à nez avec Duvernet, l'ordonnance du général que nous décrirons comme un homme d'expériences pour ne pas être vexants et qu'Arcas avait toujours trouvé sympathique et chaleureux ce qui par les temps qui courait mettait du baume au cœur.

– Ah ! Je suis désolé capitaine, mais le général a été appelée en urgence à l'extérieur. Il y a une réunion des états-majors alliés sur le bateau de Lord Cardigan. Il paraît que la situation à Istanbul est très préoccupante. Il y aurait eu des émeutes contre les occidentaux qui auraient fait de nombreux morts, les turcs sont à bout de nerfs. L'ambassadeur de France voudrait qu'on lui en lui envoie un contingent de militaires pour veiller à la sécurité des diplomates. Bosquet lui a fait dire que ces bons messieurs n'avaient qu'à remettre sur pied les soldats malades qu'on leur expédie par monceau. Mais je doute qu'ils aient apprécié cette remarque.

– Quel manque d'humour !

– Capitaine, je ne crois pas que ça ait été de l'humour de la part du Général. On manque d'hommes, ceux qui ne sont pas malades sont si épuisés qu'ils le seront bientôt, sans compter les désertions. Dans tous les cas, Bosquet sera loin durant plusieurs jours.

– C'est bien ma veine !

– Vous avez une sale mine capitaine. Vous voulez une tasse de café ?

– Non, je suis censé faire mon rapport au colonel Darmain.

– Il a été nommé responsable du camp durant l'absence du général et des autres hauts-gradés et il y met beaucoup... d'ardeur, beaucoup trop. Il ne laisse rien passer, trois soldats ont déjà reçu le fouet pour des broutilles.

Cela allait de mal en pis. Ce n'est pas un café dont il aurait besoin mais d'une bonne bouteille de gnôle pour faire passer le goût amer qu'il montait à la bouche. Duvernet lui souhaitait bonne chance quand il entendit hurler.

– Arlon ! Il leva les yeux au ciel et se prépara mentalement à ce qui allait suivre.

Il se retourna de mauvaise grâce et se mit au garde-à-vous.

– Vous daignez nous honorer de votre présence ! C'est si aimable de votre part ! Ironisa Darmain.

– J'ai fait au plus vite, mais j'ai suivi la trace de l'escouade jusque tard dans la nuit mon colonel.

– Vous m'en direz tant ! Alors ? Quels sont les résultats de vos consciencieuses recherches ?

– Je les ai pistés jusqu'à une zone boisée à l'Est où ils ont été vraisemblablement attaqués.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant