Quand les loups se mangent entre eux

Chapitre 78 (Partie 3)

Joshua sortit du salon à grandes enjambées volontaires. Il se dirigea vers les cuisines où une demi-douzaine de serviteurs préparait le dîner. Il prit un sac de toile et sous le regard interrogatif de l'assemblée, il se rendit dans le garde-manger. Il y prit un pot de sel de mer, quelques branches de sauge, une poignée de badiane, quelques autres herbes aromatiques et une bouteille d'huile.

– Je peux savoir ce que vous comptez faire avec ça jeune homme ?

Mrs Elder se découpait dans l'encadrement de la porte.

– Une surprise.

Il lui offrit un sourire à faire chavirer un couvent entier de carmélites.

– Vous notez ce vous prenez Milord ! J'ai des comptes à rendre vous savez, affirma la cheffe cuisinière d'une voix mielleuse qui démentait toute tentative de faire preuve d'une quelconque forme d'autorité devant le maître de maison.

– Cela va de soi. Puis-je vous demander où se trouve la réserve de bougies dans cette maison ?

– Dans le buffet à côté du bureau de John.

– Merci Mrs Elder, vous êtes une perle.

– Pour ce soir, j'ai préparé une tourte à l'agneau spécialement pour vous.

– Ah vous savez comment faire plaisir à un homme !

La cuisinière rougit comme une pivoine.

Une fois équipé, Joshua rejoint d'abord sa garde-robe où se trouvait sa malle à bijoux contenant épingles à cravates et boutons de manchettes, il en souleva le double fond et glissa à son cou son collier de grigris qu'il tenait de sa mère. Il ouvrit la porte de communication de la chambre de Cassandre, il commença à fouiller son bonheur du jour, ses étagères...

– Vous cherchez quelque chose en particulier Joshua ?

La jeune femme venait d'entrer ses chiens sur les talons. Elle se laissa tomber sur une bergère et commença à délasser ses bottines ce qui détourna lord Blake du contenu de la bibliothèque.

– Alors ?

Il leva ses sourcils, qu'avait-elle dit ? Ah oui !

– Les carnets... Je cherche les carnets où vous avez recopié le grimoire des Blake.

– Je ne les laisse pas traîner à la vue de tous ! Elle tira une chaine qu'elle gardait toujours entre ses seins, ce qui sembla grandement intéresser son mari, elle leva les yeux au ciel avant de lui jeter une clef. Dans l'armoire, le coffret, ils sont avec mes pistolets.

– Bien à l'abri, il ne manque que les serpents et les scorpions.

– J'ai passé commande pour la semaine prochaine.

Il prit les cahiers noirs et rejoint la salle de bain des grands appartements où les travaux n'avaient pas encore débuté.

Il ferma la porte à clef et commença.

***

Depuis ce moment où tout avait si mal tourné alors qu'il n'était encore qu'un enfant, il n'avait plus tenté d'entrer en contact avec un fantôme, la réciproque n'était pas vraie et malheureusement pour lui les choses n'avaient jamais pris un tour favorable. Et il s'apprêtait à se jeter dans la gueule du loup, la dernière fois qu'il avait eu un face à face avec Estelle, elle avait tenté de le noyer. Depuis elle errait. Son coup d'éclat provoqué par la magie de Margaret, l'avait quasiment vidée de ses forces, mais incapable de se rendre dans l'au-delà, elle restait dans sa boucle, hermétique au monde qui continuait de tourner sans elle. Joshua mit un moment à la trouver, recroquevillée au sol, près de la fenêtre, elle cherchait des yeux quelque chose qui ne devait plus être là depuis longtemps. Joshua créa un cercle de sel et y positionna les bougies. Il s'assit en tailleur à l'intérieur et broya entre ses mains des herbes sèches, il en brûla une partie. Elles dégagèrent une fumée âcre qui lui fit montrer les larmes aux yeux. Il prit ce qui restait du mélange de sauge et la souffla vers le fantôme. Il commença à réciter des prières, d'abord il suivit mot à mot ce qui était écrit dans les cahiers, le fruit du travail de générations de Blake, mais il ne semblait rien se passer. Après quelques longues minutes, il finit par y mêler les incantations qu'il tenait de sa mère. Il vit Estelle tourner la tête vers lui et accrocher son regard. Elle se traîna lentement au sol jusqu'à n'être séparé de lui que par le cercle de sel.

***

Cassandre qui écrivait une lettre à son frère entendit toquer à la porte communicante entre sa chambre et celle de Blake. Joshua passa la tête dans l'entrebâillement.

– Psss !

Comme elle ne répondit pas dans la seconde, il recommença son manège comme si elle pouvait ignorer le martèlement de la queue de Hadès sur le sol.

– Oui !

– J'ai besoin de votre aide, souffla-t-il.

– Pourquoi faire ?

– J'ai besoin d'une masse.

– Pardon ?

– Une masse... un marteau. Un gros.

– Autre chose ? Une hache ? Un pied de biche ? Demanda-t-elle avec ironie.

– Non. Une masse suffira je pense. Je dois y retourner. Dépêchez-vous. Il referma doucement derrière lui.

– Une masse ! Où veut-il que je trouve une masse ?

Elle dut fouiller plusieurs étages avant de dénicher de quoi faire le bonheur de lord Blake. Sa trouvaille sur l'épaule, elle alla frapper à la porte de la salle de bain.

– Ma douce vous êtes un ange. Il déposa un baiser sur son front lui déroba sa trouvaille et lui claqua la porte au nez.

– C'est une joie de vous rendre service, grogna Cassandre.

Artie qui se trouvait à coté de sa maîtresse eu un petit aboiement outré devant l'outrecuidance du bonhomme.

***