Chapitre 79 (Partie 1) - Crimée

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Arcas et Diana, désormais mariés profitaient d'une lune de miel idyllique.

Rien n'aurait pu remettre en cause le rêve merveilleux dans lequel ils flottaient, béats, gloussants comme des adolescents à la moindre occasion. Ni la guerre, ni l'hiver, ni les pénuries. Du moins, ils faisaient tout pour essayer de s'en convaincre.

Pour plus de confort, ils avaient récupéré à leur compte la petite maison auparavant louée par Nathan Brogan dont il n'avait plus besoin à présent que, blessé à la jambe, il naviguait vers Londres. Avec un peu d'organisation, Diana avait réussi à donner à Toula et Jimmy une chambre chacun et ils avaient reconstitué sur les bords de la mer Noire, bon an mal an, un semblant de vie de famille.

Tous les matins, la jeune mariée se rendait avec les enfants et Spider au British Hotel : l'auberge-dispensaire de Mrs Seacole, qui à présent fonctionnait à plein régime. Diana avait obtenu de Lord Raglan en personne que le petit Jimmy soit dévolu à la mission au combien importante de surveiller les allées et venues devant l'établissement. C'était une tâche symbolique qui permettait à l'enfant de rester le plus loin possible du danger des combats tout en se rendant utile. Comment le commandant en chef des forces britanniques aurait pu refuser cela à une aussi jolie jeune femme qui avec ces deux enfants accrochés à elle avait des faux airs de madone de Raphaël. Elle était venue à sa rencontre alors qu'il arpentait les quais en donnant des ordres et par la grâce qu'elle avait déployée lui avait fait un instant oublier la guerre. Cela méritait bien un remerciement, il ne lui aurait rien refusé, et sûrement pas une demande aussi modeste.

L'aide qu'apportait Jimmy n'était pas négligeable car le dispensaire manquait cruellement de bras. Mary Seacole recueillait autant de blessés et de malades que possible, sachant bien que ceux qui n'étaient plus en état de se battre seraient sinon envoyés à Scutari. Le voyage serait fatal à la moitié d'entre eux si ce n'est plus, en raison des maladies et des conditions d'hygiène déplorables. Mary n'avait pas la possibilité de les sauver tous évidemment, mais elle voulait essayer. Et Diana l'aidait de toutes ses forces, si bien qu'elle ne voyait pas le temps passer et c'est à peine si elle se languissait de son mari plus d'une fois par minute.

Ce dernier quittait avant l'aube leur petit logis et parcourait les quelques kilomètres qui le séparaient du camp français. Sa vie de petit bourgeois qui tous les soirs, regagnait ses pénates lui avait valu un certain nombre de plaisanteries de la part de ses camarades. Mais c'était de bonne guerre, il savait bien à quel point ces pauvres bougres devaient l'envier de pouvoir retrouver les bras de sa femme quand le cœur le lui disait, dans une vraie maison, à pouvoir goûter à la félicité d'un foyer, surtout en plein hiver. Certaines nuits étaient si glacées qu'elles avaient coûté quelques doigts aux malheureux qui n'avaient pas pu se protéger des engelures. Sans compter la faim et le scorbut qui donnaient des airs de morts vivants aux plus malchanceux qui erraient entre les tentes de peur de mourir de froid s'ils arrêtaient de bouger.

Ils ramenaient Arcas à la réalité. Il aurait pourtant voulu l'oublier. Ces silhouettes semaient la confusion dans son esprit. Il voyait des monstres dans chaque ombre. Souvent on le surprenait le regard perdu dans le lointain cherchant le diable seulement savait quoi.

Il était une nouvelle fois plongé dans ses errances cauchemardesques, quand, le voyant oisif, Darmain décréta qu'une telle attitude était absolument intolérable.

Depuis son mariage le colonel semblait l'avoir pris davantage en grippe, si cela était possible, et ne ratait pas une occasion de le réprimander. Arcas n'était pas dupe, il savait bien que son supérieur avait eu des vues sur Diana même s'il n'avait rien tenté, d'où cette inimitié grandissante. Le colonel avait décrété qu'un militaire français se devait de résider avec ses compatriotes, dans leur camp et non pas dans une base de repli anglaise à plusieurs kilomètres de là. Il fallut l'intervention du général Bosquet pour qu'Arcas ne termine pas en cour martiale pour désertion lorsqu'un matin, Darmain l'avait surpris une énième fois de retour de Balaklava. Déçu de ne pas avoir pu ne faire fusiller, le colonel ne cessait de lui coller blâmes sur blâmes et de l'assigner à des missions dégradantes pour un officier comme le percement de nouvelles latrines. Qu'espérait-il ? Le pousser à la faute ? À la rébellion ? Le sol étant gelé, la tâche lui pris la journée. Il ne se plaint pas, il était bien nourri, et était plus fort que la plupart... non... que tous les simples soldats à qui échouait généralement ce genre corvée, alors que les pauvres hères gardent leurs forces ! Il avait bien ri avec les gars qui étaient venu lui apporter un soutien moral et finalement l'exercice avait été loin d'être pénible.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant