Chapitre 74 (Partie 2) Balaklava

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Si toute l'attention de Diana était tournée vers Arcas, la réciproque n'était pas vraie. Il était d'une politesse parfaite, mais excepté son clin d'œil, sur lequel depuis le temps il y avait prescription, rien ne laissait deviner dans son comportement une quelconque inclinaison à son égard. Il semblait plus se soucier de Mary que d'elle d'ailleurs. Il faisait des commentaires amusants sur chaque bâtiment devant lequel ils passaient, ou il lui demandait de lui raconter ce qui l'avait amenée à quitter les Caraïbes et il semblait trouver fascinant le moindre des mots franchissant ses lèvres.

Une fois passé le pas de la porte de Brogan, il accorda son attention à cette petite Toula, qui s'avérait les adorer lui et son chien. La jeune grecque peignit sur son visage une expression méfiante lorsque les deux femmes entrèrent dans la maison mais Spider détourna son attention et fit rapidement sa conquête. Elle sembla alors décider que les gens ayant des chiens étaient dignes de confiance et un sourire timide se dessina sur sa figure menue lorsqu'elle croisa de nouveau le regard de Mrs Cabell. Cette dernière ne put résister à sa petite bouille d'ange et lui caressa la joue. L'adolescente se raidit puis avec un soupir se laissa aller contre sa main. Cela devait faire un moment qu'elle n'avait pas reçu d'attention maternelle. À ce rythme, elle allait se transformer en sauvageonne jugea Diana.

– Mrs Diana, comptez-vous adopter tous les enfants de Crimée ? Demanda Arcas d'un ton sarcastique. Si vous croyez que je n'ai pas noté le changement chez Jimmy ! Propre comme un sou neuf, bien nourri, avec des vêtements neufs et chauds. Pensez-vous lui rendre service en l'attendrissant comme vous le faites ?

– La place des enfants n'est pas sur un champ de bataille ! Jimmy est un garçon intelligent et gentil, il devrait être...

– Chez lui.

– Oui !

– Dans les rues de White Chapel ?

– Non bien sûr mais je pourrais lui trouver un emploi et...

– Madame, je vous taquine. Je suis d'accord avec vous, mais gardez à l'esprit qu'il est libre de faire ce qui lui plaît! Et que vous pourriez être déçue par ses choix.

– Mais...

Mais il n'avait rien dit qu'elle n'ait elle-même pensé mille fois.

Et Harispe se moquait d'elle à présent. Dire qu'elle avait tant espéré le revoir, tant rêvé leurs retrouvailles.

***

Nathan Brogan fut un instant surpris de recevoir la visite du baron additionné de deux dames et un chien supplémentaire, mais il se reprit bien vite, éducation anglaise oblige. Il offrit à ses hôtes un sourire franc qui aurait pu produire un certain effet sur Diana, s'il n'avait pas souffert de la comparaison avec celui d'Arcas. C'était cependant un beau jeune homme aux yeux clairs. L'air vaguement fébrile peut-être, mais Diana le considérait après une minute de conversation, comme l'un des êtres les plus charmants qu'elle n'ait jamais rencontrés et s'il ne la taquinait pas, il se pourrait qu'elle décidât de flirter un peu avec lui. Cela ferait peut-être du bien à son amour propre qui depuis le matin sombrait dans les abysses.

Elle avait oublié que d'après ce maudit Arcas, elle était censée être l'avatar de Cybèle, la déesse élevée par un lion et une panthère, oublié sa détermination à prendre sa vie en main depuis la mort de son époux. Elle avait de nouveau quinze ans, était terrorisée et avait juste besoin d'un peu d'attention et c'était à cause de LUI. Ne l'avait-on pas prévenu : les Harispe volent les Chastel, ils volent leurs chiens, ils volent leurs pouvoirs et maintenant leur confiance et leurs cœurs.

Ils furent rapidement rejoints par d'autres officiers de la cavalerie anglaise, quelques membres de l'infanterie et notamment le major Sawyer que Diana avait déjà croisé à bord du HMS Menelas. Il se révéla être prodigieusement utile. Il s'y entendait pour trouver des caisses, des palettes dont le bois servirait à la construction de la pension de Mrs Seacole, mais aussi des portes et des fenêtres venant un village abandonné tout proche et il savait comment les acheminer vers l'endroit idéal proche de Kadiköy, au nord de Balaklava, à moins de deux kilomètres du quartier général anglais. Ce ne serait peut-être pas le plus bel ensemble architectural de Crimée mais il remplirait son rôle et rapidement.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant