Chapitre 80 - ( Partie 6 )

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Arcas parcourut des yeux l'intérieur de la poudrière.

Autour d'une place centrale, se dressaient plusieurs bâtiments au mur épais. Dans le plus robuste d'entre eux, on conservait un grand nombre de barils de poudre et quantité de munitions. Hélas, comme les hommes qui se trouvaient à l'intérieur n'avaient à leur disposition que quelques dizaines d'armes à feu, toutes ces réserves ne leurs seraient guère utiles.

Si une pauvre muraille, des portes barricadées avec des planches vermoulues et quelques pétoires étaient leurs seules défenses, ils étaient déjà morts. En venant se réfugié ici Arcas n'avait fait que repousser l'inévitable.

– J'ai entendu dire que vous étiez un fameux fusil. Ne pouvez-vous donc pas atteindre ces "choses" qui attendent ?

– À une telle distance milord ! On n'a pas encore imaginé d'arme capable de tirer à plus d'un kilomètre.

Lord Raglan regarda le jeune français comme s'il était aussi brusquement devenu aussi superflu que la poussière qui maculait ses bottes.

Arcas préféra ignorer cet accès de mauvaise humeur. Il n'allait pas frapper un manchot assez vieux pour être son grand-père, même si ce serait certainement la dernière occasion qu'il aurait d'inculquer les bonnes manières à ce vieil aristocrate.

– Je crains, hélas, qu'il ne faille nous approcher de ces strygoïs. Si la montagne ne vient pas à Mahomet...

– Mais voyons ! Vous n'avez parcouru que quelques centaines de mètres depuis la prison et vous avez failli être réduit en charpie ! Encore bénéficiez-vous alors de la surprise ! Ces cadavres ne se laisseront pas facilement trucider à nouveau, s'exclama Bosquet.

– Quel manque de savoir-vivre, vous ne trouvez pas Mon général ?

– De savoir mourir en l'occurrence, gloussa-t-il dans sa moustache.

– Bosquet ! Le houspilla Raglan. Croyez-vous que le moment soit à la plaisanterie ?

– C'est le moment ou jamais à mon avis.

Arcas les laissa débattre de l'utilité de l'humour dans les situations désespérées et continua sa revue du bâtiment espérant y trouver leur salut et un plan aussi brillant que prudent.

Au milieu de la cour, il y avait trois charrettes, elles étaient toujours harnachées au dos de quelques chevaux de trait fatigués.

Arcas repéra deux bêtes qui avaient l'air d'avoir encore un peu d'énergie. Il s'en approcha et toucha leurs museaux, l'un d'eux renâcla mais finit par laisser aller sa large tête contre son épaule, confiant. La pauvre bête était inconsciente du danger dans lequel le baron allait l'entrainer.

Arcas venait d'avoir une très mauvaise idée. Une très mauvaise idée contraire au concept même de prudence.

Il s'apprêtait à de nouveaux en appeler à sa bonne étoile.

Jusqu'à présent la mort n'avait pas voulu de lui, mais les probabilités qu'il avait de laisser sa tête dans cette aventure augmentaient à chacune de ses décisions téméraires, il ne cessait de relancer les dés comme un joueur compulsif. Il n'avait jamais été très doué en mathématiques, pourtant il l'était suffisamment pour se rendre compte que la bonne fortune allait l'abandonner à un moment ou un autre. On ne pouvait pas espérer indéfiniment des six.

Il eut alors la vision très claire de sa sœur. Elle se tenait près de lui et le fixait, les sourcils froncés, tapant du pied.

– Ce n'est pas un plan, lui disait-elle. C'est un suicide. C'était bien la peine de condamner si vertement la charge de la brigade légère, il y a quelques mois dans tes lettres ! Tu t'apprêtes à faire bien plus stupide. Et tu n'as aucune excuse contrairement à ces pauvres bougres qui suivaient simplement les ordres.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant