Chapitre 46

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Le lendemain, elle retourna aux abords du bois, espérant trouver un indice à la lumière du jour.

Elle fit signe à Artie et Hadès de ne pas s'approcher et de rester auprès de Scamandre qu'elle avait attaché à un arbre un peu plus loin. Tant qu'il n'y aurait pas de pluie abondante, cette poudre jaune resterait agressive pour l'odorat. Elle représentait cependant un avantage non négligeable aux yeux de Cassandre. Avec sa couleur vive, elle se repérait de loin sous les rayons du soleil.

L'homme, car il s'agissait visiblement d'un homme, si l'on considérait la taille de ses empreintes, avait dû rester debout à cet endroit un bon moment. La marque des talons était assez profonde, mais il devait être de corpulence moyenne. Cela ne l'aidait pas beaucoup.

Plus loin elle repéra des brindilles brisées dans sa fuite et des résidus de poudre jaune sur l'écorce d'un jeune chêne.

Elle remonta la piste, non sans mal. Son amazone, bien que plus pratique que ses robes habituelles n'était pas étudiée pour passer dans des fourrés d'épineux. Elle devait se contorsionner pour tenter de sauver sa jupe des petites griffes assassines qui semblaient tapisser chaque pouce de cette forêt. Elle pesta quelques minutes contre la mode et les conventions sociales qui l'empêchaient de porter des pantalons de toiles solides et pratiques. En désespoir de cause, elle décida d'abandonner sa jupe et ses jupons derrière elle. Enfin libre, bien qu'en sous-vêtements et son pistolet à la main, elle avançait rapidement.

L'homme avait pris des précautions, mais pas assez pour échapper à son œil exercé. Elle se souvint de son enfance quand avant sa mort, Horos les emmenait son frère et elle dans les bois pour de grands jeux de pistes.

***

– Regarde petite, tu vois cette pierre ? Rien ne te paraît bizarre avec elle ? Demanda le vieil homme de sa voix rocailleuse.

– Elle n'a pas de mousse sur elle ? Se hasarda Cassandre.

– Regarde mieux demi-portion.

Accroupie devant ce caillou, la petite fille se gratta la joue avec l'index avant de se retourner vers son arrière-grand-père. Dans sa figure parcheminée et tannée par le soleil de pays lointains, ses yeux turquoise avaient gardé l'éclat de leur jeunesse passée. Elle lui offrit un sourire auquel il manquait plusieurs dents de lait.

– Elle a de la mousse, mais sur le ventre, affirma-t-elle avec assurance.

– Et si elle est sur le ventre...

– C'est qu'elle a été retournée.

– Exact. Si on voit des choses qui devraient être cachées, c'est qu'on nous montre le chemin.

– Mais papy ! Pourquoi le sanglier nous montre le chemin ? Il n'a pas envie d'être attrapé et mangé !

– Ce n'est pas lui. C'est le chemin qui nous parle.

– Les chemins parlent pas, avait lancé Arcas qui jusque-là se contentait d'écouter et de regarder.

Sa petite déclaration lui avait valu une claque retentissante derrière les oreilles. Pendant qu'il se frottait le crâne Horos le réprimanda.

– Continue comme ça et tu finiras comme ton père : aveugle, sourd... anosmique !

– Papa, il est pas sourd et aveugle ! Et je sais pas ce que ça veut dire : nosmique.

– Ça veut dire sans odorat. Et il est sourd car il n'écoute pas sa nature, il est aveugle car il ne sait pas voir où chercher ce dont il a besoin. Il dit qu'il est heureux comme ça parce qu'il est inconscient, mais rien ne vous force à l'être vous aussi.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant