Chapitre 79 (partie 8)

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Lorsque le soir tomba Diana, assise au comptoir de l'auberge, prenait son souper avec Toula et Jimmy.

La porte s'ouvrit et Cerberus déboula entre les tables, il se fraya un chemin jusqu'à la famille qu'il salua joyeusement en remuant la queue. Un sourire aux lèvres Diana chercha Arcas des yeux, mais au lieu du visage tant aimé, elle ne croisa que le regard désolé d'un soldat français dont elle ignorait l'identité. Son cœur manqua un battement, elle sentit le sang quitter son visage et son corps glisser au bas de son siège.

Duvernet se précipita vers elle.

– Il est vivant ! Il va bien ! Lui assura-t-il en agrippant son coude pour l'empêcher de tomber. Ciel ! Je ne voulais pas vous inquiéter.

Il lui expliqua immédiatement la situation pour la rasséréner, mais le compte rendu détaillé n'eut pas totalement l'effet escompté.

Diana enragea des heures durant. Comment ce médiocre soldaillon avait pu s'en prendre à son Arcas et le jeter sans raison dans une prison froide et humide ?

Cette nuit-là l'ordonnance de Bosquet avait profité de l'hospitalité de Mrs Seacole. Il avait accepté d'escorter le lendemain la jeune mariée à Kamiesch où elle voulait s'assurer de ses yeux que son si "fragile" époux allait bien et lui porter quelques affaires pour améliorer son confort, le pauvre devait mourir de froid, il fallait absolument qu'il ait le cache-nez qu'il avait laissé à la maison.

Duvernet fut cependant bien surpris quand il fut décidé que les deux chiens et les deux enfants seraient eux aussi du voyage.

Le major Sawyer qui était passé prendre un café bien chaud à l'auberge comme presque tous les matins, apprit à l'occasion ce qui était arrivé à Arlon.

– Bah alors ! Mais qu'est-ce qu'il a dans la tête votre colonel, mon vieux ?

– Le coup de poing dans le nez n'a pas aidé à l'adoucir.

– Harispe aurait dû lui attendrir davantage la couenne à ce prix-là. Enfin, ce n'est que mon avis.

Aussitôt dit, Sawyer quitta l'auberge comme une tornade.

Quand Diana et sa famille sortirent de l'auberge une heure plus tard, ils le retrouvèrent, accompagné d'une dizaine d'hommes près des portes.

– Mon capitaine nous a autorisés à vous accompagner jusqu'à Kamiesch, Madame la Baronne. Il a dit que ce ne serait pas digne de l'armée anglaise de laisser des femmes et des enfants sans protection traverser une zone hostile sans vouloir vous offenser Duvernet.

– Il en faudrait plus pour me percer le cuir, répondit celui-ci d'un ton acide en lissant sa barbe.

Diana et les enfants, juchés sur une charrette, tirée par un petit cheval, entourés comme s'ils étaient des ambassadeurs en vadrouille, avançaient dans la plaine couturée de plaies laissées par les boulets de canons et les sabots des cavaleries. Il leur fallait être prudents, même si depuis quelque temps les russes faisaient moins de sorties en journée.

La baronne était bien placée pour savoir que nulle part en Crimée vous n'étiez en sécurité.

– Mais on va être extrêmement vigilants m'dame, avait affirmé le major Sawyer, ses camarades hochèrent vigoureusement la tête, ce qui fit naître un soupçon chez Diana.

Ils étaient beaucoup trop enthousiastes pour une simple mission d'escorte où ils n'avaient apparemment rien à gagner. Elle fit signe à Sawyer de s'approcher.

– Major ? Que va vous rapporter notre petite sortie ?

– Seulement le plaisir de la compagnie d'une jolie dame.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant