Chapitre 79 (Partie 2)

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Toula s'était couchée dans son lit, Jimmy était accroupi à ses pieds et tentait encore de lui apprendre quelques mots d'argot cockney quand Arcas leur demanda d'éteindre leurs lampes à huile.

Ils furent peu coopératifs.

Ils n'acceptèrent de fermer l'œil sans faire davantage de difficultés seulement en échange d'une histoire. C'était du chantage pur et simple. Ces petits jouaient avec ses nerfs ce qui avait l'air de follement les amuser. Ils avaient dépassé depuis longtemps l'âge où un conte était nécessaire pour rejoindre les bras de Morphée ! Et le baron ne connaissait rien de convenable pour ces deux-là ! Sa mère ne leur racontait à sa sœur et lui que des légendes de preux chevaliers, affreusement longues et souvent ennuyeuses. Quant à leur père il n'avait jamais le temps pour ces enfantillages. Enfin leur arrière-grand-père faisait le récit de choses terrifiantes en leur disant que toutes étaient vraies évidemment, il ajoutait sempiternellement que le monde était un endroit si impitoyable et dangereux, que s'ils ne prenaient pas garde, de méchants villageois attaqueraient le château avec des fourches, de piques, de faux et les jetteraient dans un grand bûcher, autant dire qu'après cela les jumeaux ne fermaient pas l'œil de la nuit.

Il y avait fort à parier que Toula et Jimmy étaient déjà au courant de la cruauté de l'existence et qu'il n'avait pas besoin d'en rajouter, il voulait qu'ils dorment, pas qu'ils se mettent à pleurer dès qu'ils verraient un accessoire de jardinage. Arcas imagina alors un récit parlant de lapins et de gentils chiens, s'appelant Spider et Cerby. Toula semblait ravie mais Jimmy beaucoup moins. Il préparait une mutinerie. Le capitaine l'attrapa par le pyjama avant que les choses ne dégénèrent et le porta jusqu'à sa chambre comme s'il était un sac de pomme de terre, sourd aux plaintes de l'adolescent. Il se demanda s'il ne devait pas sortir de son chapeau une des terribles anecdotes d'Horos pour lui apprendre le respect.

Une fois qu'il se fut assuré que ce rebelle en culottes courtes était sous ses couvertures et n'allait plus en bouger Arcas claqua la porte. Fichus mômes ! Lui et Cassandre n'avait jamais été aussi... à moins qu'ils aient été pires ?

Il soupira bruyamment pris d'un soudain élan de compassion pour sa pauvre mère, sous les regards interrogatifs de ses chiens qui ne comprenaient pas ce qui pouvait autant agacer leur maître.

D'un pas lourd et las Arcas, descendit et vérifia encore une fois que les portes et fenêtres étaient bien barrées pour la nuit. Il jeta un dernier regard à l'extérieur, la rue devant la petite maison était déserte. Rien de surprenant, personne ne serait assez fou pour affronter un froid pareil. Le vent venu de la mer lutta avec lui quand il voulut fermer à nouveau la porte. Il la claqua et posa au travers une barre en métal de plusieurs pouces d'épaisseur afin d'éviter toute intrusion. Il l'avait fait installée dernièrement et au vu des deniers rebondissements dont lui avait fait part Bosquet plus tôt, il avait sans doute été bien inspiré. Il était toujours perdu dans sa contemplation de l'embrasure quand Diana, une bougie à la main vint le chercher, inquiète de ne pas le voir la rejoindre.

– Je ne sais pas si cela sera suffisant. Il y a tant à craindre.

– Nous pourrions protéger davantage la maison, en suivant des traditions familiales.

Il hocha la tête, comprenant à quoi elle faisait référence.

Il alla prendre un morceau de charbon dans les braises mourantes du feu de la cuisine et traça des symboles au-dessus du linteau de la porte tout en prononçant à voix basses des incantations. Diana fut agréablement surprise, il avait une belle maîtrise à présent, les symboles étaient élégants, surprenamment décoratif, un œil non initié y aurait seulement vu des motifs abstraits. Bien que noyés dans de savantes arabesques, elle sentait le pouvoir qu'Arcas insufflait dans ses traits de fusain.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant