Chapitre 72 - L'hiver en Crimée (Partie 1)

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Son fameux petit poêle à bois, dont Arcas avait été si content jusque-là, s'était renversé durant la terrible tempête de la nuit du 14 novembre et il n'avait dû sa survie qu'à Cerberus.

Une fois n'était pas coutume, son rêve était des plus agréable.

Diana qui s'y était invitée, y était, trop peu vêtue pour la saison. Mais les rêves se moquaient bien des détails matériels, comme le fait de porter une petite laine alors qu'il neigeait. Mais pourquoi sa belle s'en serait-elle souciée, elle dégageait une telle chaleur, que même à plusieurs mètres d'elle, il la sentait lui échauffer la peau. C'est alors que le molosse s'était mis à aboyer.

Il avait bien failli être brûlé vif et c'était la deuxième fois en l'espace de dix jours que le mastiff lui sauvait la vie.

– Cet animal a bien mérité un gros os à moelle bien juteux s'exclama le général Bosquet, venu rendre visite à Arcas alors qu'au matin celui-ci s'échinait à éteindre les dernières flammèches que le vent ne cessait de raviver.

Si le vieil homme était présent, c'est qu'il était porteur d'une bonne nouvelle, après délibération de l'état-major, son courageux fait d'arme lui valait de devenir capitaine.

Quel courage !

Quel fait d'arme ! Dans le no man's land ! La belle affaire.

Il avait juste tué des hommes qui se terraient dans un trou et survécu grâce à son chien face à un monstre. Bien sûr cela Bosquet l'ignorait, il savait seulement que le travail avait été fait. Les tireurs russes morts, un escadron des zouaves avait pu gagner une cinquantaine de mètres de terrain. Aux yeux d'Arcas, il n'y avait pas de quoi pavoiser mais il n'était pas dans le commandement.

Il ne voyait rien là-dedans qui mérite une médaille où un avancement. Néanmoins par reflexe, il remercia le général. Et le voilà devenut capitaine.

***

Dénicher un os pour Cerby en remerciement des services rendus fut difficile. Les vivres se faisaient plus rares, les rations plus chiches, même dans l'armée française qui avait pourtant établi un système de cantine pour nourrir ses hommes. À titre personnel, il se débrouillait. Grâce à Azad, le messager turc de Brogan, il avait établi quelques contacts avec des marchands ottomans qui faisaient régulièrement la liaison depuis Constantinople et amenaient de quoi améliorer l'ordinaire d'un lieutenant et son chien.

Il en faisait souvent profiter ses amis. Il y a trois jours, il avait fait réunir ses camarades de traversée anglais dans la petite maison que louait Nathan Brogan à Balaklava. La soirée avait d'abord été un peu étrange. Le mélange entre les survivants de la brigade légère : Brown, Lindon... Tous des cavaliers issus de milieux aisés et ce roublard de major Sawyer ou cette montagne de muscles de soldat Cole, était des plus pittoresque, mais ils firent un bon gueuleton et s'amusèrent beaucoup. Ce taiseux de Cole, une fois déridé par deux verres d'ouzo, devenait plus bavard qu'une pie et il les avait régalés d'anecdotes cocasses sur sa jeunesse dans un cirque itinérant comme hercule de foire. Mais il était surtout intarissable lorsqu'il parlait de ses enfants Jane et Luke. Ils étaient si intelligents ! Luke savait calculer à une vitesse incroyable et Jane pourrait devenir institutrice. Fier comme un paon, il avait sorti de son veston une petite photographie qu'il portait contre son cœur.

Et c'est alors que la soirée avait failli très mal tourner.

L'épouse de Cole était une femme absolument délicieuse avec de ravissantes fossettes sur les joues. Son union avec ce mastodonte était des plus surprenante. Arcas se serait imaginé ce grand dadais marié à une immense valkyrie, avec des bras comme des cuisses.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant