Chapitre 81 (Partie 3)

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– Nous ne sommes partis Gaëlle et moi qu'il y a treize jours ! Pas même deux semaines ! Et vous avez réussi à saboter une si bonne piste. Je devrais être heureux que la ville entière n'ait pas été à feu et à sang à notre retour. Dans mes pires cauchemars je vous imaginais en un couple de Nérons modernes, festoyant et jouant de la musique tout en savourant le spectacle de Londres lentement réduite en cendres mais je me tançais. Voyons Aidan, les Blake sont des adultes capables de raison ! Mais Londres ils s'en fichent en réalité ils veulent juste piétiner des années de travail et profiter de leur nouvelle décoration intérieure ! Ravissant ce tapis, lady Blake.

– N'est-ce pas ! Et il se marie si bien avec les rideaux.

– Je trouve aussi. Gaëlle avait donné son avis sans que personne ne le lui demande, mais depuis qu'Aidan avait découvert ce qu'avaient fait leurs amis en leur absence, il lui semblait être devenue invisible.

Comme si Cassandre avait senti son malaise, elle se tourna vers elle, la fixa un instant avant de la remercier.
– J'ai suivi votre conseil pour les passementeries, vous aviez raison Gaëlle.

Agacé par cette digression à ses yeux sans intérêt, Brogan claqua la langue, quel besoin avaient les femmes de mettre au même niveau l'arrangement intérieur et l'avenir de l'humanité ?

– Ne nous juge pas, nous avons fait du mieux que nous pouvions avec les moyens à notre disposition et avec le peu de temps que nous avions devant nous, rétorqua Joshua à Aidan qui faisait les cent pas sur leur nouveau tapis persan qui couvrait élégamment le parquet en point de Hongrie du salon bleu.

Cassandre sans se soucier des convenances était à moitié allongée sur une méridienne, ses pieds nus, couturés de fines cicatrices étaient nimbés par la lumière qui perçait les carreaux. Les brûlures de magnésium sur son visage n'était plus qu'un maillage rougeâtre à peine visible sous une couche de poudre et bientôt il n'y paraitrait plus. Leurs courses de la matinée l'avaient fatigué et alanguie dans sa robe d'après-midi bleu lavande gansée de noire, elle était aux yeux de Joshua l'image même de la perfection. La joie qu'il avait eu de revoir Aidan avait été effacée à sa première remarque désobligeante sur leur incompétence crasse et il était certain que son épouse et lui trouveraient à s'occuper de manière bien plus agréable si Brogan et Miss Shaw regagnaient Theobald Square et les laissaient en paix.

– Vous n'étiez pas là Aidan, précisa calmement Cassandre, ce qui devait être une explication en soit car elle ne se donna pas la peine d'ajouter quoique ce soit.

– Quel besoin aviez-vous de vous signaler ? Autant hurler à la cantonade que vous étiez en train de les espionner !

– Est-ce que je vous donne des conseils sur le fonctionnement du commerce international ? Est-ce que je vous demande pourquoi vous investissez dans une compagnie maritime plutôt qu'une autre ?

– Non.

– Alors ne me demandez pas de vous expliquer l'usage mes pouvoirs, c'est à peine si je les comprends moi-même en ce moment.

Agacé, il lui jeta un regard peu amène.

– Vous ne saisissez pas ce que je vous reproche, loin de moi l'idée de m'immiscer dans votre façon de gérer vos...facultés mais je pense être en droit de me plaindre de votre gestion des évènements. Non ?

– Vous pensez que vous auriez fait mieux ? Auriez-vous pris le risque ? Les dossiers du Commissaire nous ont appris que ses espions n'ont guère eu de chance jusqu'ici, affirma-t-elle en glissant l'ongle de son pouce sur sa gorge et en tirant la langue d'une manière macabre et fort peu élégante.

– Je ne prétends pas que ce n'était pas dangereux ou même que vous avez manqué de courage tous les deux. Mais le résultat est là. C'est cuit ! Perdre une telle piste est si frustrant ! S'ils sont fous, je ne les pense pas stupides, ils n'utiliseront plus cette auberge. Tout est perdu de ce côté. Je crois qu'il va falloir tout reprendre depuis le début, j'attends des nouvelles du continent, mon employé en Allemagne recoupe des témoignages qui pourraient être prometteurs, la Bavière devrait peut-être nous intéresser. Démoralisé, il s'appuya contre le mur en soupirant.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant