Chapitre 80 (Partie 7)

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Le canon s'échauffait et rougeoyait dans la nuit. Autour de lui, les canonniers avaient créé une chorégraphie qu'ils déployaient à une régularité métronomique. Les battements du cœur d'Arcas s'y accorda. Son sang propulsé dans ses veines pulsait dans ses oreilles, suivant la cadence des boulets. Ce n'était pas plus mal. Il devait cesser de se considérer comme un être humain, seulement comme une arme destinée à un unique but. Cela rendrait la suite plus supportable.

Le général Bosquet lança un regard inquiet au baron. A ce rythme le canon allait exploser.

Le meneur de loups hocha la tête, autant pour signifier qu'il était prêt, que pour le remercier de son aide, et que pour dire adieu.

Cette nuit avait un avant-goût de fin du monde, il ne tenait qu'à lui de faire en sorte que cela en reste à ce stade, du moins pour ces hommes qui s'activaient autour de lui. Il ne servait à rien de se projeter plus loin.

Après qu'un dernier boulet ait fracassé un mort qui tentait de se relever près du portail, Arcas fit claquer les rênes et les deux chevaux s'élancèrent en dehors du bastion.

Il fallait profiter de ce court répit, d'autres morts allaient remplacer ceux sur lesquels il roulait à présent.

Ceux qui n'avaient pas été décapité malgré leurs corps brisés, continuaient de ramper au sol et tentaient de s'agripper au chariot au passage, Arcas en délogea un d'un coup de pied rageur. Mais il restait focalisé sur son objectif.

Il devinait les ombres deux strygoïs à l'entrée du fort.

Plus il s'approchait, plus il sentait leur odeur écœurante.

Il n'arriverait jamais à l'oublier, aurait-il la chance de vivre aussi vieux que son arrière-grand-père.

Il avait espéré que la mort de l'un d'eux aurait laissés ces strygoïs désemparés, incapable d'agir.

Il s'était bercé d'illusions, ces êtres n'avait visiblement pas une nature sentimentale.

Arcas voyait la brume se lever à nouveau, prête à tous les engloutir, et couper les vivants de leurs sens, les laissant à la merci des morts qui allaient sans tarder reprendre leurs attaques contre la poudrière du fort de Kamiesh.

Ce retour en force pouvait sérieusement contrarier les plans du jeune homme en soustrayant les strygoïs à sa vue.

Mais Harispe n'était pas prêt à les laisser de nouveau disparaître.

Il n'était pas certain que cela allait marcher mais cela valait la peine d'essayer.

Comme lorsqu'il était dans la prison, il sentit monter en lui un hurlement qui roula sous sa peau et jaillit comme un raz de marée charriant dans sa furie, son humanité, ses doutes et ses craintes. Les chevaux effrayés, galopèrent de plus belle, brisant sous leurs larges sabots ferrés, les cadavres qui avaient le malheur de leur barrer la route. Des aboiements, des hurlements répondirent à l'appel d'Arcas, s'il n'avait pas été si concentré sur la piste des strygoïs, il aurait vu sortir des caches où ils s'étaient terrés, tout ce que le camp comptait de chiens errants, tout ce que cette campagne avait de corniauds abandonnés qui vivotaient en chapardant les restes des soldats et en chassant des rats. Galvanisés par l'appel du meneur de loups, ils retrouvaient la sauvagerie et la grandeur de leurs ancêtres au temps où ils parcouraient les bois guidés par l'instinct, sans entraves et sans peurs. Ils s'élancèrent tous vers celui qui leur rappelait leur ancienne noblesse.

Une meute de plusieurs dizaines de chiens, rejoignit le chariot. Cerberus en sauta d'un bond et comme un général menant ses troupes à la bataille, il abattit son escadron hétéroclite sur les morts-vivants qui, trop loin des canons avaient échappé aux boulets.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant