Chapitre 64 (Partie 1) Constantinople

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Diana avait mis quelques jours à se remettre de ses émotions.

Ses nuits depuis l'attaque de la créature étaient agitées et trop courtes, elle se réveillait sans cesse, pensant sentir au-dessus d'elle la présence de ce monstre. Elle était incapable de crier, comme ce soir-là et sa poitrine était transpercée par une douleur abominable. Lorsqu'elle arrivait à reprendre son souffle et à soulever les paupières, elle mettait un instant à reconnaître les rideaux de toile brute et le plafond lézardé du dortoir des infirmières de Scutari.

Le seul point positif de cet incident était qu'il avait chassé les cauchemars quotidiens qu'elle faisait jusqu'à présent de feu son mari. Rien ne valait la peste pour oublier le choléra.

Au matin du 8 novembre, Jimmy qui s'était faufilé à l'intérieur de l'hôpital, glissa discrètement une lettre dans les plis de son tablier. Puis après un clin d'œil de connivence vaguement Harispien di (si Arcas commençait à déteindre sur lui ce petit était perdu), fier de sa mission accomplie, Jimmy commença à lui parler de ce qui se passait autour de Sébastopol. Mais ils ne purent guère discuter tous les deux, car avant qu'ils n'aient eu échanger plus de quelques mots, le gamin se fit chasser à coups de balai par une autre infirmière, la terrible Miss Rent, celle que le petit appelait : un Sourcil. Facile de deviner pourquoi.

Elle était la première assistante de Miss Nightingale et avait donc l'impression d'être la détentrice d'un énorme pouvoir sur les femmes moins bien placées dans la hiérarchie. Elle utilisait la moindre occasion qui se présentait pour en user et abuser. Elle avait décidé que personne de sexe masculin ne devait adresser la parole à Mrs Cabell. Et la jeune femme eut droit à un regard peu amène de sa part quand le garçon eut quitté la pièce. Malgré tout, Diana ressentait un immense soulagement. Ce simple bout de papier qui bruissait dans sa poche à chacun de ses pas, lui rappelait qu'elle n'était pas seule au monde.

Tard dans la nuit, alors qu'elle put ouvrir son courrier, elle ne comprit d'abord pas de quoi parlait Arcas. Il lui demandait de brûler la précédente lettre. Mais elle devina rapidement, au vu de ce qu'il écrivait ce que contenait cette missive perdue : qu'elle s'était comportée comme une casse-cou.

C'était l'hôpital qui se moquait de la charité ! Alors qu'il lui avouait courir après des ombres, seul dans le brouillard !

– Faites ce que je dis, pas ce que je fais ! Pesta-t-elle à haute voix avant d'entendre une série de CHUTS ! venant de derrière le rideau qui l'isolait des autres infirmières qui tentaient de dormir dans cet affreux dortoir puant. Elle tira la langue à ces râleuses au sommeil léger avant de se replonger dans sa lecture.

Elle admonesta, mentalement cette fois-ci, le baron en lisant ses avertissements. Comme si elle avait besoin d'être mise en garde après avoir eu la frayeur de sa vie.

Mais une chose était certaine, elle n'allait pas trembler, cachée sous ses couvertures, chaque soir en attendant que le soleil se lève.

Dès le lendemain, elle se sentit plus sereine et surtout plus déterminée que jamais. Elle entreprit alors de repenser à cette fameuse soirée et d'en analyser tous les points, les uns après les autres. À l'aube et avant d'avoir à remplir ses premières tâches, elle refit pas à pas son trajet. Elle examina chaque pierre, nota chaque sortie, chaque fenêtre même celles qui paraissaient trop hautes pour être atteintes. Surtout, devant la porte de la pharmacie, elle prit la mesure des marques que le monstre avait laissées. Elle frémit en passant les doigts sur les griffures profondes qui striaient le bois et la pierre. Si elle n'avait pas eu connaissance que des choses extraordinaires marchaient à la surface de cette terre et qu'elle avait été strictement cartésienne, elle aurait pu penser qu'un ours était le coupable. Mais qu'aurait fait un ours, dans les rues d'Istanbul, il y avait certainement quelques montreurs, comme partout dans le monde, mais ce n'était tout de même pas une chose courante. C'est en se disant cela qu'un point capital lui apparut : le docteur Menzies avait fait preuve, en face de cette situation, d'un sang-froid exceptionnel. Soit il avait des nerfs d'acier, soit, il n'avait pas été surpris plus que cela. Il devint clair dans son esprit qu'elle devait l'interroger, car il savait apparemment quelque chose. Malheureusement elle n'arrivait pas à le croiser plus de quelques instants alors qu'il lui donnait des instructions pour tel ou tel malade. Il courait immédiatement après s'occuper d'un autre patient sans qu'elle ait pu lui glisser un mot au sujet de cette nuit sinistre, quand Miss Rent ne s'interposait pas carrément.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant