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– Kaeden ! m'appela Maximilian à travers le jardin.

J'avais rappliqué rapidement, délaissant Aerton et les maudits légumes que j'arrosais depuis un quart d'heure. La veille, après une journée de repos amplement méritée, nous avions remis l'intérieur en ordre. Il manquait des bibelots attrapant la poussière sur les meubles et des tableaux aux murs, cependant on pouvait circuler sans manquer de se blesser. Ce qui restait l'essentiel.

Je me sentais un peu moins coupable depuis que tout était rentré dans l'ordre dans le manoir, même si je me sentais toujours mal à l'aise de m'en être pris à mon hôte. Ses blessures avaient vite cicatrisé pour la plupart, ne restaient aujourd'hui que les plus profondes, à présent superficielles. Je ne saurais dire si j'étais soulagé parce qu'il n'y avait rien de grave ou parce que bientôt il n'y aurait plus aucune trace de ce que j'avais fait...

Depuis la Lune Pleine, je me faisais discret, je veillais à ne pas me plaindre, à ne pas soupirer, même si j'en avais très envie. C'était le minimum que je pouvais faire pour me racheter des dégâts que j'avais occasionnés. Même si Maximilian ne faisait rien pour me les reprocher, ça ne m'aidait pas à me sentir moins coupable.

Pour le moment, il était au téléphone, faisant les cent pas devant la porte-fenêtre depuis une bonne demi-heure. Je ne faisais pas réellement attention à lui, jusqu'à ce qu'il m'appelle et me tende son téléphone :

– Eddy, indiqua-t-il en réponse à mon expression étrange. Il veut juste s'assurer que tu vas bien.

– Oh.

À peine le temps pour moi d'approcher le téléphone de mon oreille que Maximilian prit ma place dans le jardin. Aerton semblait ravi. Heureusement qu'il avait été enfermé à la cave avec les deux autres le soir de Lune Pleine – je n'osais pas imaginer si je m'en étais pris à lui...

« – Kaeden ? dit la voix éraillée d'Edward. J'ai un peu abusé des hurlements, rien de bien grave – est-ce que ça va, toi ? »

– Euh... O-Ouais. Je crois.

Mon regard coupable trouvait Maximilian, qui caressait son chien sans faire attention à moi, à quelques mètres de là. Avait-il dit à Edward que je l'avais attaqué ? Sans doute. Sinon pourquoi le Chef de Meute voudrait-il me parler ? Je m'attendais à me faire réprimander. Voire pire. À force, j'en prendrais presque l'habitude.

« – Max m'a dit qu'il s'est réveillé sur le toit, c'est vrai ? »

Contrairement à ce que j'imaginais, Edward semblait amusé. C'était un trait de sa personnalité qui ne vieillissait pas. Il était resté un grand adolescent sur certains points.

– Euh, ben je... Oui c'est vrai.

« – Ben ça ! Si un jour on m'avait dit qu'il fuirait comme ça ! »

– C'est à cause de moi, soupirai-je, assailli de remords, j'ai oublié, mais... Max m'a dit pour, euh, je crois que je l'ai coursé à travers la maison.

« – Il paraît que tu as enfin fait le ménage dans l'entrée, pouffa-t-il, ça tombe bien, tous ses bibelots qui prennent la poussière, ça me foutait le cafard... »

– Euh, ben, Max veut en remettre des autres.

Il poussa un soupir.

– Eddy... je voulais que... enfin, m'excuser. Encore. Pour la dernière fois.

« – Oh, tes souvenirs sont revenus ? »

– Euh, pas vraiment. Mais quand j'ai vu l'état de Max, je me suis dit que je devais y être pour quelque chose dans... Les blessures de tous les autres. Et les tiennes aussi.

« – Ça va, j'ai déjà vu pire, rit-il. Crois-moi, t'es un petit joueur à côté de Max. »

– Max ? Il s'en était pris à... toi ?

« – Plutôt ouais ! ... C'est un peu de ma faute s'il est devenu Défaillant. Je l'ai provoqué, on s'est battu, il a gagné, puis... Puis il est devenu Défaillant. C'est pour cela qu'il va gérer ton état mieux que personne. Parce qu'il comprend exactement ce que tu peux vivre. »

Ce fut comme s'il n'avait rien dit :

– Comment c'est possible, ça ? Tu es notre Chef de Meute, l'Alpha des Alphas – comment ton frère jumeau pouvait être un Bêta ?

« – Eh bien... il y a toujours une relation dominant/dominé dans un couple de jumeaux, tu vois ? Je sais qu'il fait une tête de plus que moi, mais quand on était jeunes, il était le plus petit et le plus frêle. Et moi j'étais une vraie tête de con. »

– Comment ça s'est arrangé ? Qu'est-ce qu'il s'est passé pour que vous vous entendiez bien ?

« – Euh... Disons qu'on a été éloignés l'un de l'autre. Il est parti vivre dans une autre Meute, qui pouvait gérer sa Défaillance... On n'était pas trop en contact, à cette époque, et on se voyait très peu, à cause de son instabilité. Ensuite, il est parti étudier à Glasgow, Papa est décédé quelques années plus tard, ça plaisait à Max de vivre hors de la Meute, les choses se sont mises en place d'elles-mêmes et les tensions restantes se sont apaisées avec le temps... Pourquoi tu poses toutes ses questions ? »

– J'essaye de comprendre, c'est tout...

– Kaeden, ce n'est pas comparable avec toi, tu le sais, ça ? Tu es sous ma responsabilité, c'est à moi de gérer ce qui concerne ta vie au sein de la Meute. Max s'occupera de toi jusqu'à ce que la situation soit stable et... Et on avisera.

Ça, ça voulait dire que je finirais par retrouver la Meute. Je ne voulais pas rentrer. Au diable la TV, la connexion internet haut débit et les grandes étendues de forêt ! Quitter l'île me ferait du mal. Retourner parmi la Meute m'achèverait.

Je pris conscience que tout ceci n'était qu'une vaste illusion, dans le fond. La tranquillité et la sécurité qu'il y avait ici ne seraient qu'un temps. Dans une semaine, je pourrais quitter cet endroit calme et paisible pour me retrouver en terrain hostile, comme avant... Et ça me terrifiait.

« – Kaeden ? Tu es encore là ? »

– O-Ouais, je... Je réfléchissais, pardon...

Je le sentais suspicieux, cependant il changea radicalement de sujet, le ton plus léger :

« – Max m'a dit que tu avais de très bons résultats pour tes cours par correspondance ! J'espère qu'il ne te fait pas passer ses sales quarts d'heure avec ses maths... »

– Euh... Ce serait plutôt des heures. Mais ça va, je comprends un peu mieux. Et puis... Je crois que ça commence même à me plaire.

À l'autre bout du téléphone, il avait ri, il m'avait taquiné gentiment, ce qui avait fini par me faire sourire... 

Cependant, cela ne suffit pas à m'enlever ce que j'avais en tête ; j'allais devoir partir d'ici un jour ou l'autre et affronter la Meute. Retrouver ma vie d'avant. Je n'avais aucune envie de ça. Vraiment aucune.

The Wicked Wolf - Kaeden (T1) [MxM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant