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La fête commençait bien ; tout le monde discutait par petit paquet autour d'un verre en attendant que le dîner soit prêt. Edward faisait le tour des invités, qui, pour certains, ne vivaient pas au sein de notre « village » et qu'il voyait moins régulièrement que les autres.

Comme le voulait la coutume, les Bêtas femelles se chargeaient du repas, les Bêta mâles de tout mettre en place et servir. Edward avait beau avoir une vision moderne, concernant certains points il restait attaché à la tradition.

– Ça me fait bizarre de me faire servir, confiai-je à Maximilian.

Son regard indiqua sa surprise.

– Je n'avais jamais remarqué que tu faisais le service, avoua-t-il.

J'imagine que c'était normal, puisque je restais dans les cuisines. Je sortais les poubelles – triste ironie – et effectuais la plonge, tout en veillant à ne pas traîner dans les pattes des autres.

Un Bêta dont j'avais oublié le nom servit un verre de vin rouge à Maximilian et hésita à remplir le mien. Lorsqu'il vit Maximilian me tendre le sien avec un froncement de sourcils agacé, il ne fit pas de vieux os dans les parages.

– Ils n'ont pas l'habitude de mon nouveau statut, plaidai-je alors.

– Je m'en fiche. Ils le sentent que tu es un Alpha. Et tu devrais t'affirmer plus, pour qu'ils le comprennent.

Me montrer aussi compréhensif n'aiderait pas à affirmer mon nouveau statut, j'en étais conscient. Mais ça me faisait tout drôle d'avoir à le faire. J'avais l'impression d'être illégitime, et ça ne me plaisait pas vraiment. Cependant, c'était un passage obligé, d'autant plus important en étant Défaillant, d'après Maximilian.

Luther était encore là, à boire un verre avec des Alphas qui avaient de hautes responsabilités au niveau de la ville ou dans des entreprises importantes des environs. Il jetait souvent des regards dans notre direction, ce qui m'agaçait grandement.

– Il m'énerve, grommelai-je, lorsqu'il me fit un signe de la main, plus pour que j'arrête de le fixer qu'autre chose.

Maximilian se tourna vers lui instinctivement, les sourcils froncés.

– Il n'osera rien te faire, ne t'en fais pas. Même si sa grande gueule assure le contraire... Edward l'intimide. Bien plus que moi, d'ailleurs.

Ce n'était pas réellement le problème :

– Ce n'est pas moi qu'il prend pour un steak sur patte ; c'est toi qu'il regarde. Toi et ton fessier.

Maximilian constata la véracité de mon analyse et hésita à afficher sa flatterie.

– Tu te battrais avec un Lycan qui fait deux fois ta taille juste pour mon fessier ? susurra-t-il.

– Je ne me battrais pas avec, corrigeai-je, je le mettrais en charpie.

– T'es beau quand tu es jaloux comme ça.

Mon regard assassin le fit sourire. Quel idiot !

– Si seulement cette fête n'était pas pour nous, je nous enfermerais dans ma chambre jusqu'aux aurores.

– Ça me soulagerait bien. Personne n'ose s'approcher de moi, même me regarder.

Je descendis mon verre cul sec. L'amertume du vin me fit grimacer.

– Ça me va, qu'on ne te regarde pas. Vas-y mollo sur le vin, je ne veux pas avoir ton ivresse à gérer...

– Eddy m'a fait promettre de faire mes propres expériences de la vie, je ne fais qu'obéir ! Et puis ça me détend un peu.

Maximilian ne commenta pas. Lui aussi était conscient que notre différence d'âge serait difficile à gérer, notamment quand j'aurais besoin d'espace pour explorer, expérimenter des choses. L'alcool, les sorties entre jeunes, découcher à cause de l'insouciance... Cela serait sans doute difficile pour lui d'accepter ses situations.

– Par quoi tu voudrais commencer ? une bonne cuite ?

– Ehm, je vais peut-être attendre un peu pour ça... j'aurais trop peur de devenir violent ou quelque chose comme ça.

Comme mon père, quoi.

– Tu me diras, je ferais ce qu'il faut pour que tu fasses ce que tu veux. Enfin, si j'en ai l'autorisation.

Même si j'étais jeune, je n'étais pas inconscient pour autant. Loin de là. J'évitai les situations à risques depuis trop longtemps pour m'y mettre délibérément... et même si Maximilian servait de garde-fou, ça ne m'encourage pas pour autant.

– Ça me plairait bien que tu sois avec moi, soufflai-je alors.

Sa main caressa ma joue, où il déposa un baiser, qui me fit rougir un peu. Un sentiment de joie et de sécurité m'envahissait quand il manifestait des gestes comme ça.

– Max, nous interrompit-on, ravi de te revoir !

Le Lycan qui serrait vigoureusement la main de Maximilian vivait hors de la Meute, bien qu'il en fasse partie. C'était un homme d'affaires reconnu dans la région et sa famille nombreuse vivait dans une villa luxueuse à quelques kilomètres de là.

– Alors, comment vont les affaires ? j'ai appris que ta boîte avait décroché un gros contrat russe...

– Oui, mais je ne m'occupe pas de ce secteur.

– Ah, bon... comment se porte le manoir ? toujours aussi perdu en mer ? je me souviens encore quand on jouait au foot dans le jardin, avec ton père et qu'il cassait toujours les vitres... Ce qu'il était nul avec ses pieds ! Et ton grand-père, qui devenait fou, à devoir changer les vitres tous les quatre matins !

– Le potager prend toute la place, maintenant. Les vitres s'en portent mieux.

Ils échangèrent un rire qui ne me plut pas du tout. La jalousie. Cependant, j'étais conscient qu'elle était totalement injustifiée. Ce type était hétéro, fidèle à sa femme et ses nombreux gamins.

– Ça doit être angoissant de vivre seuls dans ce grand manoir, enchaîna-t-il. Surtout quand on n'a pas l'habitude de la mer.

Ça m'était adressé directement. C'était la première fois qu'il me regardait véritablement. Depuis la première fois où je l'avais vu, il ne m'avait pas accordé la moindre attention.

– On s'y habitue, balbutiai-je alors.

Je trouvais la vie là-bas sereine à présent, même. 

La conversation dévia vite de moi pour dériver vers l'économie et la politique. Là, clairement, on sentait que Maximilian était plus vieux que moi. 

Jamais je ne pourrais tenir une telle conversation avec lui ou avec quelqu'un d'autre.

The Wicked Wolf - Kaeden (T1) [MxM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant