– Kaeden ! cria Maximilian, déboulant dans le manoir, paniqué.
En amarrant le bateau, il avait de suite identifié les vêtements sur le ponton, bien qu'ils soient recouverts d'une couche de neige. En l'espace d'une seconde, il comprit que j'avais paniqué, que la Bête était de sortie. Il s'en voulut véritablement et se précipita pour me retrouver sans tenir compte du fait que je puisse encore être en pleine crise. Je l'attaquerais sans doute, estimant qu'un autre Mâle Alpha n'avait rien à faire sur mon territoire.
– Kaeden ! Je t'en prie, réponds-moi ! hurlait-il en parcourant le rez-de-chaussée.
L'odeur musquée de la bête que j'étais lui parvenait facilement, ce qui ne l'aidait pas à se calmer. Lorsqu'il vit la porte de la cave enfoncée de l'extérieur, l'horreur de ce qu'il avait dû se passer le frappa en plein estomac... Aerton n'était pas enfermé et avait croisé la route de la bête. Les deux autres avaient dû suivre.
Inquiet pour ce qu'il allait découvrir comme genre de scène, il progressa au premier étage le plus silencieusement possible. Si j'étais encore en train de me repaître de ses compagnons, il lui faudrait une bonne dose de sang-froid pour ne pas sombrer à son tour...
– Bon sang, où tu te caches ? maugréa-t-il en redescendant.
Je n'étais pas dans le manoir, il ne risquait pas de m'y trouver ! Il gagna dans le verger instinctivement. Bon, la porte-fenêtre qui claqua trahit un peu le fait qu'elle soit ouverte...
– Quel idiot de ne pas l'avoir vu de suite, grommela-t-il à son encontre.
Sa culpabilité l'accablait. Si ses chiens avaient subi un triste sort, ce ne serait pas à moi qu'il en voudrait, mais à lui.
Pourquoi être parti sans rien dire ? me laisser seul ici sans la moindre explication avait des conséquences qu'il n'avait malheureusement pas anticipées...
Progressant avec vigilance, il arriva finalement devant la cabane des chiens. Le silence était total. En se concentrant un peu, il aurait pu entendre ma respiration de fauve se reposant après avoir assuré sa domination, repu.
– K-Kaeden ? murmura-t-il en s'accroupissant devant l'entrée. Tu es là ?
Le spectacle qui s'offrit à lui le stupéfia. Il tomba à genou sous le coup de l'émotion, ne pouvant détacher son regard de ce qu'il voyait.
Son odeur et sa discrétion loin d'être suffisantes me firent relever la tête. Malgré moi, j'avais grogné pour qu'il s'éloigne ou se soumette. Ne pouvant déterminer s'il faisait face à la Bête ou à ma conscience humaine, il se décida à m'amadouer :
– Doucement, doucement, chuchota-t-il, je ne te veux pas de mal... tu te souviens de moi, quand même ? Regarde, j'ai quelque chose pour toi...
Il m'offrit un morceau de viande bien saignant. J'avais goulûment avalé cette offrande, cependant je n'en fus pas moins méfiant. Cependant, tant qu'il garderait une apparence humaine, je me sentais plus puissant que lui et n'avait donc aucune raison d'attaquer. J'avais repris ma position initiale, ne le quittant pas de mon regard ambré.
– Est-ce que ça va, là-dedans ? enchaîna-t-il alors.
Ce n'était pas du tout à mon intention. Il se doutait bien que j'allais parfaitement bien. Aerton, Eros et Cléa, eux, par contre, il devait s'en assurer. Les trois chiens étaient couchés autour de moi, comme ils le faisaient habituellement entre eux.
Ils me protégeaient, en quelque sorte. Comme une Meute. Ma Meute.
Amadouer la Bête avait été plutôt facile pour Aerton, je dois l'avouer. Une fois soumis à ma volonté, le vieux chien était venu vers moi, m'apaiser avec des contacts doux, des léchouilles... cela avait désarmé la Bête, qui visiblement, l'avait plutôt bien accepté.
Une fois les deux autres membres de « notre » Meute libérés, ils avaient joué avec moi un bon moment, avant que l'on s'installe dans leur cabane pour se reposer.
Aucune effusion de sang ou de violence, bien heureusement !
Eros fut le premier à sortir de là pour rassurer son maître. Voyant que je ne réagissais pas, Cléa le suivit. Aerton resta à mes côtés, léchant mon pelage, comme pour me rassurer, me dire qu'il était là, que je n'étais pas seul.
– Viens là, Aerton, ordonna le maître.
À contrecœur, il sortit de la cabane, laissant la place à Maximilian. Il se plia en deux – voir en quatre – pour me rejoindre. Grognements et crocs ne l'impressionnèrent pas.
– Doucement, Kaeden, murmura-t-il, je veux juste t'aider...
Avec une approbation partielle, il caressa mon pelage. Peu à peu, le sentiment d'abandon, la peur de la solitude, qui obscurcissait mon cœur disparut totalement. Les nuages se levèrent peu à peu dans mon esprit.
Sans prévenir, je repris une forme humaine, pleurant silencieusement, entièrement nu. Je me sentais si sale, si coupable... J'avais désiré la mort d'Aerton et des autres. D'innocents chiens avec qui je vivais depuis des semaines... je me dégoûtais.
Que se serait-il passé si Aerton ne m'avait pas apprivoisé ? le sang et leurs entrailles recouvriraient les murs, j'aurais la gueule pleine de leurs sangs et leurs morts sur la conscience !
Maximilian m'attira contre lui pour me consoler, se confondant en excuse tout en m'assurant que tout allait parfaitement bien. Le sang n'avait pas coulé, que demander de plus ?
Quand je repris conscience, j'avais sa grosse veste sur les épaules, ainsi que son écharpe autour du cou. Je m'accrochais à lui comme un une bouée en plein naufrage. C'était un pitoyable. Il me berçait doucement, tentant de ramener le calme dans mon esprit et dans mon cœur.
– Je suis désolé, murmura-t-il, tu dormais si bien que je n'ai pas osé te réveiller... Je suis allé chercher des pizzas. Je me suis dit que ça te ferait plaisir... Ça te fait plaisir, hein ?
Voilà que je m'en voulais encore plus ! Mais pourquoi étais-je parti en vrille ? Pour si peu ! Bien sûr qu'il reviendrait, puisque ses affaires étaient encore là ! Puis il avait bien le droit de quitter l'île s'il le voulait ! Qui j'étais pour l'en empêcher, hein ?
– Ça va aller, m'assura-t-il lorsque j'avais subi un nouvel assaut de larmes coupables.
Quelques minutes plus tard, il me sortit de là sous l'attention vigilante de ma nouvelle Meute. Le froid mordait ma peau, autant que la culpabilité assaillait mon cœur... pourtant il restait égal à lui-même. Comme un phare éclairant en pleine tempête.
VOUS LISEZ
The Wicked Wolf - Kaeden (T1) [MxM]
ParanormaleKaeden, un jeune Lycanthrope Bêta, s'attire des problèmes régulièrement. Après une nuit sanglante, il se retrouve orphelin, mais est aussi un tueur. Maintenant instable, son Chef de Meute, Edward, décide de le confier à son frère jumeau, Maximilian...