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Les jours qui me séparèrent de la Lune Pleine avaient été relativement sereins. Le peu de travail qu'avait Maximilian lui laissait largement le temps de m'aider dans mes cours, ce qui était agréable, ce qui me laissait le temps de travailler ma guitare.

Mon hôte était très attentif à mon bien-être depuis ma « crise d'abandon » et ce même si je lui disais que j'allais bien, que c'était passé, terminé. Il laissait maintenant les portes ouvertes – alors qu'avant, ce n'était pas son genre – il tenait aussi à ce que je travaille dans son bureau, comme s'il avait besoin d'être rassuré sur mon état en permanence.

J'étais un peu désolé de lui causer tant de soucis... mais, si je devais être honnête avec moi-même, j'étais rassuré par son attitude.

– La Lune Pleine aura lieu ce soir, déclara-t-il soudainement, le regard perdu sur son tableau, en face de lui.

J'interrompis ma phrase de mon analyse de texte pour le regarder avec gravité. Comme si je n'y pensais pas tout seul ! je redoutais cette soirée plus que toutes les autres.

– Je voudrais essayer quelque chose, enchaîna-t-il, pas très sur de lui. Je ne sais pas si c'est une réelle bonne idée ou non, peut-être que tu le sentiras toi-même.

Je mis plusieurs secondes à hocher la tête, perplexe :

– Je voudrais laisser les chiens en liberté. C'est ce que je fais habituellement, mais étant donné ton instabilité, je n'ai pas voulu prendre le risque qu'ils soient en danger. Seulement, ils t'ont apaisé la dernière fois, peut-être que ce serait un bon moyen que... ça se passe mieux.

Cette idée ne me semblait ni bonne ni envisageable :

– ... mais ce sera différent ! Cette nuit, l'influence de la Lune sera plus forte et je... pourrais leur faire du mal comme je t'en ai fait à toi !

– Je le sais bien. C'est le risque.

Voulait-il sérieusement le prendre ? peut-être qu'Aerton avait réussi à m'apprivoiser en se soumettant à moi, comme les deux autres, ce serait sans doute à nouveau le cas... mais comment en être totalement sûr ?

Et comment être totalement sûr que je ne m'en prendrais pas à lui, malgré la présence des chiens ? ou pire !

– Et si j'utilisais les chiens pour t'attaquer, m'étranglais-je. Tu sais, je... j'ai ressenti cette chose qu'on décrit... quand on est le Chef d'une Meute. La puissance qu'on ressent, le cœur qui bat différemment, comme s'il était lié aux autres. Ils le feraient. Que tu sois leur maître humain ou pas.

Il ne fut pas surpris. Ni par le fait que je l'envisage ni par le fait que je me sente le Chef de cette Meute. Bien sûr, cela n'ôtait pas son statut à Edward, qui restait le plus Dominant, le Chef de Meute, cependant son absence changeait la donne... ici, l'Alpha le plus puissant dirigeait les autres.

– Bien, je pensais que tu mettrais beaucoup plus de temps que ça... c'est une phase normale. Tu revendiques ta place de Mâle Alpha vis-à-vis de tes congénères. En l'occurrence, les chiens.

– Et... avec toi ? C'est pour ça que tu es si nerveux ?

Je le trouvais agité depuis ce matin. Mais je pensais que c'était une réponse à ma propre nervosité, mes propres angoisses...

– Bien sûr que je suis nerveux ! Tu imagines quoi ? moi aussi je suis un Mâle Alpha qui veut revendiquer sa domination.

Nous allions donc nous battre ? Cela semblait inévitable.

Un affrontement de ce type entre deux Alphas Mâles était plus courant qu'on ne le pense, surtout les soirs de Lune Pleine... Cependant nous n'étions pas des Alphas normaux. Nous étions Défaillants. Capable de perdre le contrôle au profit de la Bête tapie en nous qui ne demandait qu'à s'exprimer, qu'a revendiqué la Dominance, quitte à faire couler le sang pour ça.

– Je ne peux pas tout contrôler, soupira-t-il. La dernière fois, c'était... j'étais très proche de perdre le contrôle. Je pensais avoir dépassé depuis longtemps ce stade, mais je... je comprends mieux ce qu'on essayait de me dire par « tu ne seras jamais guéri » et autres « tu apprends à vivre avec ».

Et ça ne me rassurait pas du tout qu'il me dise tout cela. Mais alors, pas du tout ! dire que nous allions nous affronter, que l'un d'entre nous sera soit blessé – au mieux – soit mort – au pire – et que ça serait comme cela pour toujours ! Je m'étais condamné à vivre un enfer en permanence, à devenir un maniaque du contrôle, terrifié par l'idée qu'un peu de relâchement ou d'inattention ne me fasse plonger...

– Peut-être que tu devrais aller sur la terre ferme et me laisser seul ici, marmonnais-je alors, pas très sûr de moi. Je ne te ferais pas de mal physiquement et... tu ne perdras pas le contrôle.

Il ne m'étudia pas longtemps avant de répondre, mais suffisamment pour que je note son hésitation à accepter. Lui semblait redouter autant que moi ce qu'il se passerait ce soir.

– Hors de question que je te laisse tomber encore une fois, d'accord ? on doit affronter ça, toi et moi. Même si j'ai peur de replonger et de te faire du mal, je dois le faire, ne serait-ce que pour me prouver à moi-même que j'en suis capable.

Pendant qu'il parlait, mes iris ne quittaient pas les siens, persuadés que l'éclat que j'y voyais était une sorte de mise en garde... C'était dérangeant. Sauvage, bestial – peut-être pire que ça. Je comprenais à quoi je faisais face ; cette Bête avec laquelle il composait depuis des années... 

L'influence de la Lune fragilisait la prison mentale dans laquelle Maximilian la contenait, j'en prenais subitement conscience... et ça me glaçait le sang !

Je redoutais encore plus cette nuit, à présent. J'essayais de me raisonner en vain ; j'allais tout faire pour garder le contrôle, et si je ne réussissais pas, je me soumettrais à lui. Parce que c'était dans l'ordre des choses. 

Vu la différence de carrure, nul doute que je ne dominerais pas Maximilian comme je l'avais fait avec les chiens ! Mieux valait pour mes os que moi et ma Bête soyons raisonnables.

Je passais le reste de la journée à me conditionner mentalement à me soumettre. Peut-être que ma Bête entendrait raison, qu'elle refuserait l'affrontement ou quelque chose dans ce goût-là – à part cet espoir, je n'avais rien d'autre à quoi me raccrocher...

L'éclat farouche et intéressé dans les iris de mon hôte gagnait en intensité au fur et à mesure que la journée s'écoulait... et c'était loin d'être rassurant, pour lui comme pour moi.

Au plus profond de moi, même si j'essayais de me voiler la face avec mes belles pensées, je n'avais pas tellement peur de Maximilian... j'avais peur pour Maximilian.

The Wicked Wolf - Kaeden (T1) [MxM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant